Enlevé le mardi 17 janvier comme dans un scénario digne des romans
grand espion Son Altesse Sérénissime le prince Malko Linge, le corps du non
moins célèbre journaliste camerounais, Martinez Zogo a été retrouvé le dimanche
22 janvier dans un état de putréfaction avancé. Les traces visibles de sévices
que présentait le cadavre en disaient long sur le calvaire subi par celui qui,
dans son émission «Embouteillages» sur la radio «Amplitude FM» dont il était le
patron, perturbait le sommeil des dirigeants et citoyens de toute strate, qui
confondent allègrement les deniers publics avec leurs propres sous. Depuis ce
crime horrible, de gros poissons comme des alevins, remplissent la nasse des
fins limiers de la police camerounaise, preuve que la pêche qui visiblement est
loin d’être terminée, sera très fructueuse.
Quel dossier brûlant détenait encore
l’animateur d’«Embouteillages» pour avoir été ainsi traité? En attendant de le
savoir, avec les arrestations de l’influent magnat Jean-Pierre Amougou Belinga
et de chefs des services secrets camerounais, il n’y a plus de doute que notre
confrère dérangeait, et au plus haut sommet. Bien évidemment, de lourds
soupçons pèsent alors sur nombre d’agents de la puissante et nébuleuse
Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), comme faisant partie de
l’escadron de la mort qui a fait passer un sale quart d’heure à l’homme de
média qui n’a pas survécu aux séances de tortures abominables qui lui ont été
infligées.
Du reste, c’est cette implication
de militaires et de hauts gradés de l’armée dans cette affaire macabre qui
pourrait faire atterrir sur la table de la justice militaire ce qu’il est
désormais convenu d’appeler l’«affaire Martinez Zogo». Etrange clin d’œil du
destin, cette affaire présente bien des similitudes avec l’«affaire Norbert
Zongo» du nom de l’inégalable journaliste d’investigation burkinabè qui a
rencontré une mort atroce sur la route de Sapouy, une localité située dans le
Centre-ouest, à environ 108 km de la capitale burkinabè Ouagadougou. Jusqu’aux
patronymes des deux suppliciés que seule la lettre «n» différencie, les causes
des assassinats de Martinez et de Norbert tiennent l’un à son micro explosif et
l’autre à sa plume incorruptible, contre les voleurs de la République.
Si le véritable procès des
bourreaux de Norbert Zongo se fait toujours attendre plus de deux décennies
après l’odieux crime du 13 décembre 1998, il faut espérer que le jugement des
auteurs de l’abominable meurtre de Martinez Zogo se fasse au même rythme de
célérité appréciée, que celui des arrestations des présumés auteurs. Les
coupables doivent surtout être punis à la hauteur de leur ignoble acte, afin
que le journaliste, que ce soit sous les tropiques ou ailleurs, ne connaissent
plus le sort du Saoudien Jamal Khashoggi, des Français Ghislaine Dupont et
Claude Verlon, du Burkinabè Norbert Zongo et du Camerounais Martinez Zogo qui
ont été sacrifiés sur l’autel de la liberté de presse. Oui, ils ont été tués
simplement parce qu’ils ont fait le choix noble d’informer leurs semblables!
Il urge de protéger avec le plus
grand soin, l’espèce menacée de disparition qu’est devenu le journaliste. Sous
d’autres cieux, s’il échappe à la mort, il est simplement muselé par divers
moyens physiques ou économiques. En tout cas, les enquêteurs du crime de
Martinez Zogo, au risque de voir leurs filets déchirés parce que les prises
sont grosses et en quantité, doivent aller jusqu’au bout de la pêche, même si
la mer venait à être houleuse. Autant qu’ils sont, les assassins du journaliste
camerounais et tous les prédateurs de la liberté de presse doivent payer pour
leurs crimes!