La junte nigérienne a refusé de recevoir mardi 8 août à Niamey la délégation tripartite composée de représentants de l’ONU, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Alors que l’organisation sous-régionale organise un nouveau sommet à Abuja, ses chefs d’État insistent vouloir privilégier les négociations malgré la fin d’un ultimatum dimanche soir et la menace d’une intervention militaire.
Dans un bref communiqué, la Cédéao « prend acte » du refus
de la junte de Niamey de recevoir les envoyés de la troïka UA-Cédéao-ONU. En
vue d’assurer le retour à l’ordre Constitutionnel l’organisation sous régionale
continuera « à déployer toutes les dispositions nécessaire », poursuit le même
communiqué.
À 24 heures d’un nouveau sommet des chefs d’État de la
Cédéao sur le dossier nigérien, jeudi 10 août à Abuja, certains ne cachent pas
leur mécontentement, rapporte notre correspondant régional, Serge Daniel. «
L’attitude de la junte est une défiance, nous en tirerons les conséquences »,
constate un ministre des Affaires étrangères. Ce qui a fortement déplu, c’est
surtout « la manière cavalière » d’annoncer le refus, poursuit le même
responsable : le courrier du Niger est arrivé à une heure très tardive dans la
nuit à ses destinataires.
Un autre diplomate
africain de son côté estime que la situation dépasse le seul cadre de
l’organisation sous-régionale.
D’après les informations de RFI, la Cédéao a convié des
personnalités étrangères à son sommet de jeudi, dont Emanuela Del Re, la
Représentante Spéciale de l’Union Européenne au Sahel.
La Cédéao met de
l’eau dans son vin et vise la diplomatie malgré l’ultimatum
Alors que la Cédéao avait gardé le silence depuis
l’expiration de son ultimatum dimanche soir, le président du Nigeria et à la
tête de l’organisation Bola Tinubu a réaffirmé que la diplomatie reste la «
meilleure voie » face à la crise, même s’il n’a toujours pas exclu une
intervention militaire.
Lui et les dirigeants des autres pays de la Cédéao «
préféreraient une résolution obtenue par des moyens diplomatiques, par des
moyens pacifiques, plutôt que tout autre », a ajouté le porte-parole de Bola
Tinubu, Ajuri Ngelale, précisant que cette position serait maintenue « en
attendant toute autre résolution qui pourrait ou non résulter du sommet
extraordinaire de la Cédéao prévu jeudi ». « Nous nous attendons à ce que
d'importantes décisions soient prises » lors de ce sommet, a ajouté le
porte-parole, sans donner plus de précisions.
« Aucune option n'a été écartée par la Cédéao », a toutefois
précisé le porte-parole. « Chaque vie humaine compte, et cela signifie que
chaque décision prise par le bloc (ouest-africain) le sera en tenant compte de
la paix, de la stabilité et du développement non seulement de la sous-région,
mais aussi du continent africain », a-t-il dit.
Bola Tinubu tente de
faire la part entre la Cédéao et la présidence du Nigeria
Lors d'un point presse au sein des bureaux de la présidence,
Abuja a notamment voulu calmer les esprits. Car de nombreuses voix s'élèvent au
Nigeria pour condamner l'idée d'une possible intervention militaire conjointe
au Niger et le président nigérian doit jongler entre ses deux casquettes pour
faire face à un dilemme : s’il hausse le ton face à la junte, il peut risquer
de mettre en péril l’unité de son pays, mais il doit également composer avec la
fermeté demandée par les autres membres de la Cédéao.
La partition est serrée pour le président Bola Tinubu, qui
doit jongler entre sa casquette de chef de l'état du Nigeria et celle de patron
de la Cédéao, rapporte notre envoyée spéciale à Abuja, Liza Fabbian. Son
porte-parole a fait la distinction lors de son premier point presse : « La
position des chefs de l'état membres de la Cédéao est une position régionale,
pas une position nationale »
Sur la chaîne Al-Jazeera, Ajuri Ngelale a voulu montrer que
la Cédéao maintient la pression sur le Niger malgré la fin de son ultimatum
sans donner de réelles précisions : « Le président en exercice de la Cédéao
Bola Ahmed Tinubu a publié une nouvelle série de sanctions, qui seront appliquées
par la Banque centrale du Nigeria, et viseront des entités et des individus
associés avec la junte militaire au Niger. »
Interrogé sur les précédents coups d'État qui ont ébranlé la
Cédéao, le porte-parole de Bola Tinubu a promis que son patron serait plus
ferme que ses prédécesseurs : « De nouveaux leaders sont arrivés au pouvoir, et
les réactions sont donc différentes. Nous avons beaucoup de leviers pour
atteindre nos objectifs. Que cela arrive aujourd'hui, ou la semaine prochaine,
ou le mois prochain, nous verrons bien. Cela ne se limite pas à une
intervention militaire, même si la possibilité d'une intervention militaire n'a
pas été et ne sera certainement pas mise de côté. »
Des risques pour
l’unité du Nigeria en cas d’intervention armée
Au Nigeria, sénateurs, chefs religieux et membres de
l'opposition se sont massivement exprimés contre une telle option. Tout juste
élu, Bola Ahmed Tinubu est déjà confronté à une crise régionale qui pourrait
mettre en péril la fragile unité du Nigeria.
« Le mandat de la Cédéao et son ultimatum ne sont pas un
ultimatum nigérian ou un mandat nigérian. Et le bureau de son excellence, le
président Bola Ahmed Tinubu, veut vraiment insister sur ce point », a-t-il
poursuivi.
Pour Ajuri Ngelale, il était donc crucial d'apaiser les
esprits, car des responsables s'inquiètent de sanctions qui paralysent déjà une
bonne partie des activités économiques dans les états voisins du Niger : « Ce
seront des facteurs régionaux et non pas des facteurs nationaux qui décideront
de l'issue finale. Mais la réponse de la Cédéao au coup d'État au Niger, a été
et sera toujours dénuée de toute considération ethnique ou religieuse. » Le porte-parole
a ainsi fait référence au fait que, dans les régions frontalières avec le
Niger, la population est majoritaire issue de l'ethnie Hausa, alors que le
président Bola Tinubu est lui-même un Yoruba, du sud du Nigeria.
RFI
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