L’ancien Premier ministre du Mali Soumeylou Boubeye Maïga, ainsi qu'une ancienne ministre des Finances et de l’Économie du pays, ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt par la Cour suprême, notamment dans l’affaire de l’achat de l’avion de commandement de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Dans cette histoire, comme dans d’autres, il se pourrait que de nouvelles interpellations soient programmées.
Soumeylou Boubeye Maïga était ministre malien de la Défense
au moment des faits ; Mme Bouaré Fily Sissoko, ministre de l’Économie et des
Finances. Les deux ont été inculpés pour escroquerie, faux, usage de faux et
favoritisme, essentiellement dans l’affaire de l'achat d’un avion présidentiel
qui date de 2013-2014.
Le premier a passé sa première nuit à la maison d’arrêt de
Bamako, la prison civile, la seconde dans la prison pour femmes de Bollé,
toujours dans la capitale malienne.
Si les avocats des deux personnalités affirment qu’elles
n’ont absolument rien à se reprocher, c’est une affaire qui a longtemps défrayé
la chronique.
Combien exactement l’avion de commandement d'IBK a-t-il
coûté ? Entre son coût réel, les commissions d’intermédiaires et autres frais,
les chiffres diffèrent, mais tous impressionnent.
Le vérificateur général du Mali, « Monsieur anti-corruption
», avait déjà tapé du poids sur la table pour demander des comptes. Les
institutions internationales également.
La réouverture de ce dossier entre dans le cadre du
déclenchement par les nouvelles autorités d’une lutte contre la corruption.
D’après nos informations, de nouvelles interpellations sont
prévues dans l’affaire de l’aéronef présidentiel. Mais également dans d’autres
affaires.
Si une bonne partie de la classe politique approuve cette
opération « mains propres », elle demande à ce qu’il n’y ait pas de justice à
deux vitesses ou de chasse aux sorcières.
Réaction
Cheik Mohammed Cherif Koné est le président de l'Association
malienne des procureurs et poursuivants (AMPP). Il est également premier avocat
général au parquet de la Cour suprême. Ce qui ne l'empêche pas, bien au
contraire, de dénoncer ce qu'il décrit comme une instrumentalisation de la
justice. « Les membres de la Cour suprême ne sont même pas au courant de
ce qu'il se passe ici »
Intermédiaires douteux, surfacturations, validation de
dépenses insoutenables pour le budget national : les dossiers de l’achat de
l’avion présidentiel et des contrats d’équipements militaires, classés sans
suite en 2018 puis finalement rouverts l'an passé, ont scandalisé au Mali, et
défrayé la chronique pendant plusieurs années. Sans que jamais aucun
responsable ne soit jugé.
Aujourd’hui, la soif de justice est grande, et les promesses
formulées par les autorités de transition du pays, en matière de lutte contre
la corruption et contre l’impunité, sont incontestablement celles que tous
voulaient entendre.
« C’est une procédure illégale, du brigandage judiciaire »,
juge pourtant, hors-micro, un magistrat qui suit de près le dossier. En effet,
la profession conteste la manière dont la Cour suprême s’est emparée d’affaires
censées relever de la Haute Cour de justice, seule compétente, selon les
textes, pour juger des ministres.
Cette méthode alimente l’argumentation des personnes mises
en cause : après son inculpation, les avocats de l'ancien Premier ministre ont
décidé de ne faire aucun commentaire, mais quelques heures plus tôt, ils
dénonçaient une chasse aux sorcières menée par les autorités de transition et
par une justice qu'ils estiment aux ordres.
Avec RFI