Le sommet de la Cédéao qui a eu lieu jeudi soir en marge de l’Assemblée générale de l’ONU a décidé le principe de sanctions progressives sur des individus guinéens et contre la junte. Ces mesures font suite aux désaccords entre Conakry et l’organisation sous-régionale sur la durée de la transition. Comment les autorités de transition accueillent-elles cette annonce ?
Le porte-parole du gouvernement de transition guinéen, Ousmane Gaoual Diallo est notre invité.
RFI : La Cédéao a
décidé ce jeudi d'établir une liste de personnes à sanctionner en Guinée et
d'appliquer ces sanctions de manière graduelle. Comment réagissez-vous à cette
annonce ?
Ousmane Gaoual Diallo : Disons, avec beaucoup de sérénité.
Je pense que c'est une annonce qui était déjà annoncée par le président
bissau-guinéen [Umaro Sissoco Embalo ndlr] qui assure la présidence de la
Cédéao en ce moment. Mais elle n'est pas de nature à faciliter une sortie de
crise de la Guinée. La Guinée a besoin moins de sanctions que d'accompagnements.
Et cet accompagnement doit absolument prendre en compte la compréhension du
contexte et des spécificités de la crise guinéenne.
Qu'attendez-vous de
la Cédéao ?
Nous attendons de la Cédéao qu'elle n'applique pas un «
traitement paracétamol » à l'ensemble des crises qui secouent la sous-région,
parce que chaque pays a ses spécificités et ces problèmes. Et en Guinée, la
problématique qui est posée tourne autour des élections. Et donc, c'est un
problème qui est vieux et depuis 30 ans, il y a quelque chose qui structure
cela. C'est l'absence de confiance ou de qualité d'un fichier électoral.
Mais est-ce que des
discussions avec la Cédéao sur la revendication des États d'Afrique de l'Ouest,
c'est-à-dire une transition raccourcie à 24 mois, peut-être ?
Nous l’avons dit au médiateur de la Cédéao, le président
[Thomas] Boni Yayi ainsi qu’au président en exercice quand il est arrivé. La
transition guinéenne ne se discutera pas sur des paramètres périodiques
simplement. Elle doit se discuter sur le contenu. Que voulons-nous faire entre
maintenant et la fin de la transition ? Établir des listes électorales, faire
un « toilettage » constitutionnel et institutionnel, puis séquencer les
élections. C’est cela que nous voulons et combien de temps cela nous prendra,
c’est à cela que nous devons nous atteler dans un exercice de transparence et
d’objectivité.
Mais est-ce que la
discussion est toujours possible avec la Cédéao sur la durée de la transition ?
Elle est toujours possible. À partir du moment où ils
peuvent nous apporter des éléments objectifs sur le contenu, on peut tout
discuter. Nous l’avons dit clairement : en combien de temps la Cédéao estime
que la Guinée peut se doter d’un fichier électoral ainsi que d’un fichier
d’état civil qui garantit sa qualité ? Et il faut l’adhésion de tous, parce
qu’il faut le faire de façon à ce que chacun puisse avoir les moyens de
contrôler ce fichier et de s’assurer que les parties qui le concerne y sont. Si
la Cédéao estime que cela est faisable en trois mois, et bien la transition
prendra trois mois. Ce n'est donc pas la durée qui pose problème, c’est ce
qu’il faut faire.
Ce qui ne va pas
faciliter les relations entre les autorités de transition guinéennes et la
Cédéao, ce sont les échanges qui ont lieu, ces derniers jours. Des mots très
durs ont été prononcés notamment par le porte-parole et secrétaire général de
la présidence. Amara Camara a qualifié de « honte » et de « mensonge » les
propos du président de la Cédéao, le président bissau-guinéen. Est-ce que le
canal n’est pas rompu après des échanges d’une telle violence ?
C’est clair que lorsque le dialogue n’est pas sincère,
lorsque que l’on dit une chose et que l’on fait son contraire, ce n’est pas de
nature à garantir la confiance qui est nécessaire avec la Cédéao. Et donc, le
président Embalo doit comprendre aussi qu’il est un porte-parole des chefs
d’État de la région et que son discours doit être teinté de respect, de retenue
et de distance. Et ça, c’est quelque chose que l’on ne retrouve pas concernant
ces sorties médiatiques contre la Guinée et c’est quelque chose qui exaspère.
Le contact ne peut pas être rompu parce qu’il n’est pas lié
à un individu. La Guinée a une histoire dans la Cédéao. Une organisation dont
le président Embalo assure la présidence pour une période assez limitée. Le
contact est avec une institution : la Cédéao. La Guinée est représentée à
travers ses diplomates. Donc il y a énormément de canaux disponibles et nous
sommes disposés à maintenir ces canaux-là et à faire cet exercice de pédagogie
nécessaire pour faciliter la collaboration avec cette institution
sous-régionale.
Radio France Internationale
(RFI)