Près de 5 millions
d'électeurs étaient appelés aux urnes ce dimanche 11 avril au Bénin, pour une
élection présidentielle opposant le président Patrice Talon à Alassane Soumanou
Djimba et Corentin Kohoué. Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 16h,
heure locale, à l'issue d'une journée où la participation a été peu importante.
Au poste de vote numéro 5, dans l'EPP de Cadjehoun, les
opérations de dépouillement n'ont pas attiré grand-monde. Seules quelques
personnes se sont approchées des fenêtres de cette salle de classe pour y
assister, raconte notre envoyée spéciale à Cotonou, Magali Lagrange. Le
dépouillement est pourtant public.
L'ambiance était toute autre lors de la dernière
présidentielle, se souvient un jeune homme. Il y a cinq ans, les gens criaient
et défendaient leur candidat. Selon lui, ce manque d'engouement est dû à la
présence d'un poids lourd parmi les candidats et parce que l'issue du vote fait
peu de doute en l'absence des grandes figures de l'opposition. D'autres pensent
que les électeurs ont eu peur en raison du contexte dans lequel l'élection
s'est tenue.
En plus des membres du bureau de vote et des citoyens
présents lors du dépouillement, deux représentants du duo Talon-Talata étaient
là. Les deux autres candidats n'étaient en revanche pas représentés.
Sur les 438 électeurs inscrits dans ce bureau de vote de
Cadjehoun, 101 sont venus glisser dans l'urne le bulletin unique. Et sur cette
centaine, 18 étaient nuls. L'affluence a été faible toute la journée dans les
bureaux à Cotonou. Aucune file d'électeurs ne s'est formée.
Contestations et appel
au boycott
La fin de la campagne électorale a été marquée par des
contestations visant le président ainsi que ce scrutin jugé peu inclusif. Dans
un message sur Facebook, l'opposant Jean-Noël Ahivo, qui a vu sa candidature à
la présidentielle rejetée, a par exemple affirmé qu'il ne voterait pas et
incité ses concitoyens à faire de même.
Après avoir voté ce matin, le président Talon s'est exprimé
pour la première fois sur les violences qui ont éclatés dans le centre du pays
dans les derniers jours de la campagne électorale et qui ont fait deux morts à
Savè, dans le centre du pays. Il estime que les forces de l'ordre ont bien géré
la situation face à des « jeunes manipulés ». Il indique aussi que des
policiers ont été blessés. Il a ensuite dit qu'il fallait « panser les plaies
et faire en sorte que plus jamais cela ne se répète ».
Savè, ville fantôme
Savè a passé un dimanche d'élection aux allures de journée
morte. Même à l'heure de fermeture des bureaux de vote, la ville frondeuse
était paralysée. Le trafic était presque nul. Les marchés et commerces étaient
toujours fermés, décrit notre envoyé spécial, Jean-Luc Aplogan. Quelques
téméraires se sont rassemblés devant leur domicile ou à des stations de
taxi-moto.
La population a peur. Elle est méfiante et inquiète. Dans le
centre-ville ce dimanche, des jeunes anti-pouvoirs n'ont laissé aucune chance
aux électeurs pour aller voter. Ils ont empêché plusieurs mises en place de
matériel électoral. Ils ont aussi menacé et refoulé les agents électoraux. Des
urnes ont été incendiées dans un bureau de vote.
Certains bureaux ont dû être déplacés près d'un commissariat,
ce qui a permis à quelques électeurs de voter. À la clôture et par mesure de
précaution, les urnes ont été réunies au sein de la cour de ce commissariat. Il
n'y en avait qu'une dizaine seulement alors que Savè compte une soixantaine de
bureaux de vote.
« Aucun poste de vote
n’avait ouvert » à Tchaourou, selon la société civile
À l'issue de cette journée de vote, la Plateforme des
organisations de la société civile, qui avait déployé 1 400 observateurs à
travers le pays, a indiqué que, selon les premières données recueillies, « la
participation est faible par rapport aux précédents scrutins ».
Selon cette mission, « dans tous les départements, des
tentatives de pression, d'intimidation, de menaces, de troubles à l'ordre
public, de corruption ou de harcèlement des électeurs ont été observés »,
note-t-elle également. « Aucun poste de vote n’avait ouvert » à Tchaourou, le
fief de l’ancien président Boni Yayi, a-t-elle aussi pointé. Elle a également
fait état de bourrages d'urnes et de votes multiples.
La Céna devra recevoir sous 24 h la compilation des votes.
Selon le calendrier, les premières tendances sont annoncées entre le14 et le 15
avril. Les résultats définitifs seront ensuite proclamés par la cour
constitutionnelle.
Le bureau de vote numéro cinq de l’école primaire publique de
Cadjehoun, proche du domicile de l’ancien président Thomas Boni Yayi, ferme à
16h08, neuf heures après avoir ouvert ses portes. Le dépouillement peut alors
commencer. L’urne est vidée sur le sol, les bulletins comptés…
Avec la Rfi