La cérémonie de prestation de serment s’est déroulée devant un parterre de Présidents d’institutions, dont celui de la cour suprême, la cour des comptes, et la haute autorité de la communication, ainsi que des membres du CNRD, et du corps diplomatique et consulaire accrédités en République de Guinée.
Dans son discours de circonstance, le Président de la
Transition, Chef de l’Etat, le colonel Mamadi Doumbouya, a commencé par
remercier toutes les personnes qui ont pu effectuer le déplacement pour venir
assister à cette cérémonie solennelle de prestation de serment.
En sa qualité de Président de la Transition, Chef de L’État,
il se dit conscient et mesure la valeur et l’immensité des responsabilités qui
lui sont confiées.
En se basant sur les derniers événements politiques qui ont
eu lieu dans le pays, notamment lors de la dernière décennie de la gouvernance
de Monsieur Alpha Condé, il pense qu’une rupture radicale s’impose pour
repartir sur des nouvelles bases, afin de tirer le pays vers un changement.
Le Coup D’État perpétré par l’armée à la date du 05
septembre 2021, est la conséquence d’une crise socio-politique aiguë, qui d’une
certaine façon a été entraîné par l’ancien régime D’Alpha Condé, qui contre
vents et marrées a fait changer la constitution par un référendum dans le but
de briguer un troisième mandat, largement contesté par l’opposition et la
société civile, le manque de dialogue entre les acteurs sociaux et politiques,
la détention des prisonniers politiques, la baisse du pouvoir d’achat des
guinéens (e), l’augmentation du prix du carburant ont plongé le pays dans une
crise sociopolitique et économique, sans précédent qui justifient la prise du
pouvoir par l’armée pour apporter ce
Changement tant attendu par le peuple de Guinée.
Le Président rappelle son allocution lors de la prise du
pouvoir, et donne les motifs de la prise du pouvoir qui, tournent autour de la
personnalisation du pouvoir, la politisation à outrance de l’administration, la
corruption. Etc... Les axes prioritaires du Comité National du Rassemblement et
le développement, se résument entre autres : La Rectification institutionnelle,
la Refondation de L’État, la dépolitisation de l’administration, la lutte
contre la corruption et la gabegie financière etc..., tout en s’inscrivant dans
une logique de rassemblement de tout le peuple de Guinée pour donner un
caractère légitime à leurs actions, auprès de l’opinion publique nationale et
internationale.
Le Président de la Transition, profite de cette cérémonie
solennelle, en insistant sur le fait que c’est dans le but de lutter contre une
crise politique majeure, qui a secoué, et affecté les liens sociaux et fissuré
le tissu social, que les forces de défense et de sécurité ont pris les
destinées du pays. C’est sans doute l’anathème qui est jeté encore sur la
Classe politique et les élites du pays qui, d’une part, ont montré leurs
limites dans la gestion de la cité et, d’autres part, ont échoué à unir les
Guinéens autour d’un idéal républicain et commun.
Plus loin, il revient sur un acquis fondamental du comité
Nationale du Rassemblement pour le développement, d’avoir doté le pays d’une
charte de la transition qui fait office de constitution et qui prévoit des
organes qui doivent gérer la transition, à savoir Un gouvernement de Transition,
Un Conseil National de Transition, qui auront la lourde responsabilité
d’élaborer les différentes missions de la Transition. Qui se résument
essentiellement à :
1- La rédaction d’une nouvelle Constitution
2- La refondation de L’État
3- La lutte Contre la Corruption
4- La Réforme du système électoral et la refonte du fichier
5- L’organisation des Élections libres, crédibles et
transparentes
6- Et la Réconciliation Nationale.
Nous voyons un Président de la Transition dans un rôle de
délégation du pouvoir vers les organes de la transition, tout en définissant
les missions qui sont les leurs, cette attitude du président montre un
caractère indépendant de ces organes conciliés dans la charte et confirmé par
son discours solennel et officiel.
La délégation du pouvoir peut être perçue comme une manière
de démocratiser la transition, en respectant ce principe sacro-saint de
Montesquieu de séparation des pouvoirs dans « l’esprit des lois » paru en 1748.
Le Président réalise la lourde tâche qui l’attend mais tout
de même reste serein, et tire une nouvelle fois la ficelle du caractère
inclusif que doit remplir la transition, en lançant un appel à tous à
l’édification, d’une nation forte dans un esprit de solidarité et de
patriotisme républicain, et tire la sonnette d’alarme sur les esprits
divisionnistes qui pourraient conduire lamentablement à l’échec de la
transition.
Fort de son caractère républicain, le Président instruit les
organes de la transition de veiller à la réalisation effective des missions qui
sont les leurs.
Cela pourrait être analysé sous le prisme de la
dépersonnalisation du pouvoir, pour donner la plénitude aux organes de la
transition de remplir convenablement leur mission.
Il a également mis un
accent particulier sur le rôle que doit jouer la justice pour garantir une paix
sociale pour le pays.
Il pose un diagnostic déplorable quant à la dépendance de
l’institution judiciaire, qui explique d’une part, le manque de confiance
totale des citoyens à l’appareil judiciaire, et d'autre part, il mesure
l’immensité du travail qui attend les hommes de lois.
Une telle communication, d’une junte au pouvoir, pourrait
avoir deux effets sur le peuple. Le premier est celui de se faire passer comme
légalistes des personnes qui ont foi à la justice, et convaincus sans une
réelle ??? on ne pourrait pas aboutir à une paix sociale, le deuxième est de
réitérer leur engagement, lors de la prise du pouvoir, ils se sont fendus d’un
slogan à tout bout de champs comme quoi « il n’y aurait pas de chasse aux
sorcières, la justice sera la boussole qui orientera les actions de tout un
chacun ». La réforme de la justice étant présentée comme un impératif, afin
d’être en phase avec les promesses tenues à l’endroit du peuple de Guinée.
Le Président se dit aussi attaché aux liens de
raffermissement et d'amitié avec les pays voisins de la Guinée.
C’est une rupture totale avec l’attitude qu’a eu l’ancien
régime D’Alpha Condé qui avait expressément de manière unilatérale fermer les
frontières des pays voisins en les accusant de vouloir aider un opposant à
renverser son régime. La réouverture des frontières de ces pays voisins par le
CNRD, s’inscrit dans le cadre de la consolidation de ces liens d’amitiés.
Il rassure au même moment, l’Union africaine que la Guinée
continuera à tenir son rang au sein de l’organisation.
Il réitère une nouvelle fois l’engagement du CNRD, en ces
termes :« Ni moi, ni aucun membre du CNRD, et des organes de la Transition ne
sera candidat aux élections, et que nous n’avons nulle intention de nous
accrocher au pouvoir ».
Cette partie du discours demeure une préoccupation majeure
du peuple de Guinée, car comme on le dit souvent un peuple qui n’apprend pas de
son passé est condamné à le revivre.
Cela nous amène à rappeler le discours du Capitaine Dadis en
2009, après la prise du pouvoir qui avait dit à l’époque :« Qu’il ne serait pas
Candidat, qui après, s’est rétracté au bout de quelques mois ».
Cet engagement pris par le CNRD, par la voix de son
Président, devrait être pris avec beaucoup de pincettes, car le pouvoir a ses
mystères et révèle l’homme au grand jour.
L’autre différence est qu'il faille noter, c'est qu'en 2009,
les engagements qui ont été pris par le CNDD, n’étaient pas consignés dans une
charte, et le Capitaine Dadis n’a jamais prêté serment.
Contrairement à cette Transition ou cet engagement est
consigné dans une charte, et le Président Col. Mamadi Doumbouya a prêté serment
devant tout le peuple de Guinée de respecter la loi et de la faire respecter, à
défaut qu’il subisse les rigueurs de la loi.
Il finit son discours en lançant un appel à tout le peuple
de Guinée, pour saisir une opportunité de rompre avec les pratiques malsaines
et douloureuses du passé, afin de refonder l’État et mettre les bases d’un
développement solide et durable.
En somme, il faut rappeler que tout discours, en particulier
politique, ne se contente pas seulement de décrire un réel qui préexiste mais
construit la représentation du réel que le locuteur souhaite faire partager par
son allocutaire (Bourdieu).
Ce discours du président de la transition d’une part est
révélateur d’espoir, et d’autre part laisse des zones d’ombre et des nuages qui
ne pourront être dissipés que par le temps à travers les actions qui seront
menées tout au long de la Transition.
Car tout discours à un objectif performatif, dont la
finalité réside dans la recherche d’une adhésion du destinataire (Seignour
2011).
Saïkou Diallo,
Etudiant en Master Science Po à l’Université de Lille (France)