L’interrogatoire du Colonel Blaise Goumou a pris fin ce lundi 06 février 2023. C’était au terme de 5 cinq jours d’audience. Quand il a comparu le lundi, Blaise Goumou à continuer de répondre aux questions des avocats de la défense. Celui du colonel Moussa Tiegboro Camara a été le premier à l’interroger. Le gendarme a encore une fois réfuté les faits d'assassinat, de meurtre, de complicité de viol, de coups et blessures volontaires et de vol à mains armée dont il est reproché.
L’officier a soutenu qu'il est renvoyé devant ce tribunal
parce que le rapport de la commission d'enquête internationale vise un certain
Blaise Goumou qui serait l'adjoint du colonel Moussa Tiegboro Camara. Il a
insisté qu'il ne s'agit nullement de lui. Plus loin, il regrette pourquoi c'est
seulement lui et Moussa Tiegboro Camara qui sont inculpés dans cette affaire,
alors qu’ils n’étaient pas les seuls chefs d'équipe des services spéciaux à se
rendre au stade du 28 septembre en 2009. Selon lui, il n'a jamais vu Moussa
Tiegboro menacer des manifestants à la rentrée du stade. Et après les
événements du 28 septembre, aucun manifestant n'a été torturé en sa présence
dans les locaux des services spéciaux, a déclaré Blaise Goumou.
En clamant son
innocence le même jour, Blaise Goumou lui-même a sollicité une mise en liberté.
L’officier, anciennement en service aux services spéciaux, a
indiqué qu’il est convaincu qu'il est renvoyé devant ce tribunal criminel à
tort. Il a sollicité effectivement sa mise en liberté au terme de son
interrogatoire « Je demanderai à monsieur le président et aux honorables
assesseurs de me libérer, ne serait-ce que provisoirement. Je peux même rester
sous la main du tribunal en venant suivre le procès les lundi, mardi et
mercredi pour ne pas qu'ils pensent autrement. Mais que je sois libre les
autres jours, pour que je puisse faire face au traitement de ma sœur. Je vous
ai dit que ce procès a causé deux victimes chez moi. Vous ne pouvez pas
imaginer l'état dans lequel je me trouve », s'est-il apitoyé sur son sort, en
répondant à la dernière question de Me Jean Moussa Sovogui
L’accusé a aussi répondu aux questions de Me Salifou Béavogui,
un autre avocat de la défense. Ce conseil de Kalonzo a mis l’accent sur les
rapports qui avaient existé entre Blaise Goumou et ses co-accusés.
L’avocat a commencé par demander à Blaise s’il connaissait
le colonel Ibrahima Camara dit Kalonzo. L’accusé a répondu par l’affirmative.
Il a rappelé qu’ils ont travaillé ensemble au sein des services spéciaux. Et
même bien avant, il dit l'avoir connu à l'état-major de la gendarmerie dans le
cadre de la formation. Quant à Cécé Raphaël Haba, Blaise Goumou a indiqué qu'il
ne l'a jamais connu. Par contre, il dit avoir connu le capitaine Marcel
Guilavogui et le colonel Moussa Tiegboro Camara, bien avant la prise du pouvoir
par le CNDD. L'officier de la gendarmerie a vanté les qualités d'officiers
modèles de tous ceux qu'il connaît. Selon lui, pour le moment, ils n'ont
nullement été confrontés à une quelconque preuve allant dans le sens de prouver
leur culpabilité par rapport aux événements du 28 septembre.
Blaise Goumou s’est
montré agacé d’entendre qu’il a été proche de l’ancien président du CNDD.
Cette accusation est venue du commandant Aboubacar Sidiki
Diakité dit Toumba pour la première fois.
Il avait cité le nom du colonel Blaise Goumou comme étant un des proches
du capitaine Moussa Dadis Camara, qui œuvraient par ailleurs pour le maintien
du CNDD au pouvoir. L'accusé réfute et qualifie cette déclaration
d'allégations. En répondant aux questions de son avocat Me Yaramossé Saoromou
lundi, Blaise Goumou a expliqué qu'il n'a jamais été proche de l'ancien
président du CNDD. « Je voyais le président comme tous les autres guinéens », a
opposé le gendarme avant d'ajouter qu'il n'a jamais été membre du CNDD et son service
n'était nullement lié à la garde présidentielle. Si quelqu'un doit revendiquer
pour avoir été proche du président du CNDD estime Blaise Goumou, c'est bien
Toumba Diakité. « C'est lui qui a bénéficié des avantages du pouvoir comme des
véhicules, alors que moi je prenais le taxi pour aller au service », s'est-il
dédouané. Revenant sur son intervention dans la formation des recrues de Kaléya,
Blaise reconnaît qu'il y a formé des jeunes, mais recrutés sous le feu général
Lansana Conté. En revenant aux événements du 28 septembre 2009, l'accusé défend
que le fait d'être au stade, ne constitue pas une infraction à la loi pénale.
Parlant du port de bérets rouges par des éléments du colonel Moussa Tiegboro
Camara auxquels il appartenait, Blaise dit n'avoir jamais porté le béret rouge.
Au compte de la
deuxième phase de l’interrogatoire de Blaise Goumou, des avocats des parties
civiles comme Me DS Bah, ont à nouveau sollicité une expertise a Faban
Me Alpha Amadou DS Bah a sollicité un transport judiciaire à
Faban dans la commune de Matoto, où seraient ensevelis des corps des victimes
du massacre du 28 septembre en 2009. « À la lumière de tout ce qui a été dit
concernant Faban, nous demandons qu'un transport judiciaire soit ordonné sur
les lieux pour comprendre effectivement s'il y a la nécessité de faire une
expertise médico-légale pour pouvoir identifier des personnes qui ont été
ensevelies là », a demandé l'avocat. Est-ce que vous connaissez le lieu précis
? A interrogé le juge en s'adressant à Me DS Bah. « Oui, monsieur le président,
on connaît le lieu », a répondu l'avocat. A la fin de son questionnaire, le
même conseil a demandé au tribunal d'accepter d'effectuer un déplacement sur le
stade où se sont produits les évènements du 28 septembre en 2009. « Il faut que
le tribunal accepte, au moment venu, d'ordonner un transport pour qu'il y ait
la reconstitution des faits pour que chacun soit mis devant ses responsabilités
», a sollicité Me Alpha Amadou DS Bah.
Au terme de
l’interrogatoire du colonel Blaise Goumou, son avocat a réitéré sa demande de
mise en liberté.
Ah oui, l’avocat a soumis au tribunal une demande de mise en
liberté en faveur de son sur la base de l'article 244 du code de procédure
pénale. Le ministère public par la voix du procureur Sidiki Camara, s'est
opposé à cette demande. Selon lui, plusieurs parties civiles et témoins ont
indiqué dans leurs procès-verbaux avoir vu Blaise Goumou au stade. En attendant
la comparution de ces derniers, l'accusé doit être gardé en prison, a insisté
le substitut du procureur. Le magistrat a ajouté que les faits reprochés au
gendarme sont tellement graves que toute mise en liberté en sa faveur,
compromettrait le cours normal des débats. Les avocats des parties civiles ont
abordé dans le même sens. Ils ont trouvé la demande de leur confrère,
prématurée. Le juge a finalement rejeté ladite demande en application des
dispositions de l'article 244 du code de procédure pénale. Même si sa demande
n'a pas prospéré, le conseil de Blaise Goumou avait bénéficié du soutien des
avocats de Moussa Tiegboro Camara et du colonel Ibrahima Camara dit Kalonzo.
Mardi, le tout
dernier des 11 accusés qui sont pour le moment renvoyés devant le tribunal
criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry a comparu.
Il s'agit de Paul Mansa Guilavogui. Il était 10h et demi,
quand le militaire a été appelé à la barre par le juge. Il a comparu dans une
chemise noire, le crâne rasé, avec un visage renfrogné. Il a décidé de
s'arrêter pour se prêter aux questions des différentes parties au procès, non
pas en français, mais en Sosso. Comme ses co-accusés, il a eu droit à un exposé
préliminaire. L'accusé a commencé par rendre grâce à Dieu, prier pour ses
parents et féliciter les autorités actuelles pour avoir organisé ce procès. Et
avant de parler du fond du dossier, Paul Mansa Guilavogui a longuement expliqué
la manière dont il a été arrêté après la tentative d'assassinat dont Dadis a
été victime le 3 décembre au camp Koundara, actuel camp Makambo. Il témoigne
avoir été brutalement arrêté par les hommes de Dadis à la quête de Toumba,
avant d'être victime de toute sorte de sévices corporelles. Il aurait péri à
l'époque, si les militaires qui l'ont arrêté n'avaient pas découvert qu'il est
originaire de la forêt.
A la suite de son
exposé préliminaire, est venu la phase des questions réponses.
Effectivement, et comme il est de coutume, c’est le juge qui
a ouvert le bal. Ibrahima Sory 2 Tounkara a demandé à Paul Mansa Guilavogui, où
il était le 28 septembre en 2009. « J'étais à Kankan », a répondu l'accusé. Il
était allé à Kankan selon lui, pour chercher sa solde. Il ajoute qu'il est
rentré à Conakry le 2 octobre 2009 avant de se présenter au camp deux jours
plus tard. Même s'il affirme qu'il ne sait rien des événements du 28 septembre
2009, l’ancien militaire reconnaît qu'il travaillait à l'époque au compte du
camp Koundara, actuel camp Makambo. Il ne nie pas non plus les sévices
corporels dont des manifestants interpellés ont été victimes au sein dudit
camp. Paul Mansa Guilavogui accuse Bégré, ancien commandant de cette caserne
d’être le principal responsable de ses tortures. Malgré qu'il soit dénoncé par
les rescapés, l'homme continue de nier avoir torturé qui que ce soit. Les
tortures au camp Makambo ont elles débouché sur des cas de morts ? a interrogé
Djènè Cissé à la suite du juge. « Je n'ai jamais vu de morts », a juré
l'accusé. L'adjudant a ajouté qu'il ne sait pas si c'est au stade du 28
septembre que des citoyens torturés au camp Makambo ont été arrêtés. En plus
des tortures, des cas de viol sont survenus dans l'enceinte du même camp, a
rappelé la magistrate. L'accusé répond qu'il n'en n'a jamais participé encore
moins assisté. L'homme a révélé qu'il est en prison depuis 9 ans. A cause de
cette affaire du 28 septembre, il dit avoir perdu son boulot parce qu'étant
désormais radié de l'effectif de l'armée, mais aussi sa femme aussi et
l'éducation de ses enfants.
Sur le motif de son
arrivée au camp Koundara, Paul Mansa révèle qu’il y est allé de lui-même alors
qu’il travaillait à Kankan
Effectivement, il l’a dit mercredi. Paul Mansa Guilavogui
répondait aux questions des avocats des parties civiles. C'est Me Amadou Kamano
qui avait ouvert le bal. Qu'est-ce qui a motivé votre arrivée au camp Koundara
? a entamé l'avocat. « C'est moi-même qui ai décidé de venir travailler à
Koundara », a répondu l'accusé. Son arrivée dans cette caserne a été facilitée
selon lui, par un de ses amis du nom de Alhassane Bah. Paul Mansa Guilavogui
travaillait auparavant à Kankan, en haute Guinée. Il dit avoir éprouvé le
sentiment de rejoindre le camp Koundara, après son traitement suite à une
maladie à cause de laquelle il a été évacué sur Conakry. Il reconnaît être venu
à Koundara sans papier. Ce qui l'amenait souvent à voyager sur Kankan pour
chercher sa solde, a-t-il expliqué.
Au procès des
événements du 28 septembre 2009 ce mercredi, les débats ont aussi porté sur la
personne qui commandait le camp Koundara.
Selon Paul Mansa Guilavogui, cette caserne était dirigée par
Bégré, nommé officiellement par le président de la transition d'alors. Pourtant
révèle Me Amadou Kamano, l'accusé avait bien indiqué dans son procès-verbal
devant le juge d'instruction que c'est Toumba qui commandait le camp Koundara.
Aujourd'hui, il jure ne l'avoir jamais dit. Tout de même est-ce que le
commandant Toumba venait au camp de temps en temps ? a demandé l'avocat.
L'accusé témoigne que l'ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara
n'était jamais venu à Koundara en sa présence. Cependant, il était informé de
son passage parfois à travers ses amis, a expliqué Paul Mansa Guilavogui. Me
Amadou Kamano a ensuite sollicité auprès du tribunal, la comparution de tous
les bérets rouges qui étaient en service au camp Koundara, au moment où les
évènements du 28 septembre survenaient. Il estime que cela permettra à Paul
Mansa Guilavogui d'indexer physiquement ceux qu'il accuse dans son
procès-verbal, d'être responsables des tortures au sein de cette caserne.
Le procès des
événements est renvoyé au 13 février pour la suite de l'interrogatoire de Paul
Mansa Guilavogui. Mais avant, l'accusé a été interrogé par les avocats de la
défense, comme celui du colonel Moussa Tiegboro Camara.
Me Moussa Sovogui a relevé ce qu'il a appelé l'incohérence
dans les propos de l'accusé. Il n'a pas compris pourquoi Paul Mansa a reconnu
le passage qui parle de sa radiation de l'armée dans son procès-verbal, mais
pas sa signature sur ledit document. Il avait confié depuis mardi, qu'après son
arrestation suite à la tentative d'assassinat du capitaine Moussa Dadis Camara,
il a été conduit à la base militaire, avant d'être auditionné dans les locaux
des services spéciaux dirigés à l'époque par Moussa Tiegboro Camara. Ces faits
se sont produits le 4 décembre devant Tiegboro, a-t-il indiqué. L'avocat de cet
officier de la gendarmerie a révélé que son client n'était pas à Conakry le 4
décembre. Il avait été évacué au le Maroc pour des raisons de maladie, a
précisé Me Moussa Sovogui. Vous l’avez déjà annoncé, le procès se poursuit le
13 février prochain, Mamadou Oury Diallo.
Sékou Diatéya Camara