Procès des évènements du 28 septembre : synthèse de la semaine du 02 mai 2023

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  • 05 mai 2023 09:30

  • Justice

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Après avoir connu une courte interruption, le procès des événements du 28 septembre 2009 a repris mardi dernier devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. C'est Djénabou Bah qui a de nouveau comparu après avoir produit une pièce d’identité.

Comme vous le savez, son audition avait été suspendue le 17 avril dernier jusqu'à ce qu'elle produise une pièce d'identité. Mardi donc, le tribunal a annoncé avoir reçu la carte d'électeur produite par Djénabou Bah. « Les informations sur ladite carte sont conformes aux déclarations de la victime à la barre », a aussitôt fait remarquer le ministère public. Les avocats des parties civiles ont abondé dans le même sens. Les deux parties ont alors sollicité la continuation des débats. La défense a estimé que la production de cette pièce ne règle pas le problème d'autant plus que la victime ne reconnaît sa signature sur son procès-verbal d'audition. Me Jean Moussa Sovogui est allé jusqu’à se demander quand est-ce Djénabou Bah s'est finalement constituée partie civile dans cette affaire. Cet avocat du colonel Moussa Tiegboro Camara a demandé au tribunal de déclarer la constitution de partie civile de la victime, irrecevable. Après avoir entendu toutes les parties, le tribunal a décidé de la continuation des débats avec Djénabou Bah. Elle est ensuite revenue sur les coups et blessures et violences dont elle dit avoir été victime au stade du 28 septembre. Elle est également revenue sur les menaces proférées selon elle, dans la matinée du 28 septembre par le colonel Moussa Tiegboro Camara à l'esplanade du stade contre des manifestants. Djénabou Bah a enfin sollicité un dédommagement. C’est ce qui a mis fin à sa déposition.

Djénabou a été aussitôt succédée à la barre par Oumar Dioubaté. C’est un médecin qui s’est constitué partie civile pour avoir perdu sa maman au stade.

Oumar Dioubaté a expliqué que Fanta Condé puisque c'est d'elle qu'il s'agit, est allée de la maison à Wanindara pour le stade, aux environs de 8h en compagnie de sa copine du nom de N'na M'Ballou. Selon la partie civile, la victime avait insisté à la veille du 28 septembre 2009 pour participer au meeting des forces vives nationales. Le jour J, la militante du RPG est effectivement partie au stade malgré l’opposition de ses enfants parce qu'elle souffrait du diabète. Lorsque sa maman sortait de la maison, elle lui a confié son sac qui contenait son téléphone, a témoigné Oumar. Il était de garde dans une clinique à Enco 5 quand il a appris que ça ne va pas au stade. Lui et ses frères se sont alors inquiétés. Ils ont aussitôt commencé à chercher à prendre des nouvelles de leur maman.

Lorsqu’ils se sont rendus à l’évidence qu’il y a eu massacre au stade, Oumar Dioubaté et d’autres membres de la famille sont passés à l’hôpital Donka sans pour autant voir le corps de Fanta Condé.

N’ayant pas vu leur maman lundi et mardi, mercredi certains membres de la famille se sont effectivement rendus à l'hôpital Donka, a rappelé Oumar Dioubaté. Les autres sont bloqués à la porte, mais lui en tant que médecin, parvient à se faufiler entre policiers et gendarmes pour se retrouver à la morgue de l'hôpital par la complicité de certains de ses amis médecins. Après avoir commencé à fouiller, il est interpellé par un béret rouge qui lui a défendu de toucher aux corps dont certains avaient même commencé à sentir, a-t-il témoigné. Il n'a pas vu là, le corps de la militante du RPG. Jeudi, un communiqué est publié pour annoncer la restitution des corps. Vendredi, a-t-il poursuivi, les corps sont transportés à bord des camions militaires et exposés à l'esplanade de la mosquée Fayçal. Après des fouilles selon Oumar, son grand frère retrouve la dépouille de Fanta Condé. C'est sur fond de tension qu’elle est récupérée avant d’être inhumée à Simbaya sans autopsie, a avoué le médecin. Oumar Dioubaté révèle avoir constaté trois fractures au niveau du bras droit de la victime. Fanta Condé a trouvé la mort par suite de violences, a affirmé son garçon qui demande que justice soit faite.

Après la déposition d’Oumar Dioubaté, c'est Alpha Bacar Diallo qui a été entendu, lui aussi partie civile.

Alpha Bacar Diallo est chauffeur de profession né en 1987 à Conakry. Il dit s'être constitué partie civile pour avoir été victime dit-il, de coups et blessures au niveau de la bouche et du ventre à l'aide d'armes blanches. Il accuse un béret rouge dont il ignore l’identité, d'en être responsable. Alpha Bacar a expliqué qu'il est sorti de son domicile à Wanindara à 7 heures du matin pour se retrouver à l'esplanade du stade avec la foule aux environs de 8h. Il dit avoir remarqué à la porte, au moins 6 hommes habillés en maillot de Chelsea. Ces derniers n'étaient pas armés. Ils invitaient plutôt les manifestants à entrer dans le stade en déclarant, '' victoire, venez, venez'', en même temps, ils fouillaient des passants, a décrit la partie civile.  Au moment où les leaders tenaient leurs discours, les tirs ont commencé à retentir, s'est souvenu Alpha Bacar Diallo.

Les tirs interviennent, Alpha Bacar Diallo parvient à s’échapper pour un début. Mais il est ensuite repris par des bérets rouges et contraint de ramasser les corps, selon lui.

Il dit s'être sauvé en se faufilant entre les grillages et les barbelés quand la débandade a commencé suite aux tirs perpétrés par des militaires. Dans sa course, il dit avoir croisé le chemin des bérets rouges. Après avoir reçu des coups, lui et d'autres manifestants interpellés ont été sommés de ramasser les corps et de les rassembler au niveau de la porte du stade a révélé Alpha Bacar Diallo. Il dit avoir vu une quarantaine de corps dont 8 décès par balles et les autres par asphyxie. Il a ouvert une parenthèse sur le corps de Fanta Condé. Le jeune a confirmé l’avoir vu. Il a également révélé que les ramasseurs s’étaient montrés réticents à le transporter à cause de son mauvais état. Alpha Bacar était menacé d'extermination par un béret rouge lorsque la croix rouge est arrivée, a-t-il relaté ensuite. Il en a profité pour s’éclipser avant d’être admis à l'hôpital Ignace Deen. Selon lui, le véhicule à bord duquel il a été transporté, était suivi d'un camion militaire qui contenait probablement des corps. A l'hôpital, il dit avoir été pris en charge par une dame qui l'a amenée chez elle à Sangoyah à cause des menaces qui planaient sur des victimes à l'hôpital. C'est là qu’Alpha Bacar Diallo est rejoint par sa famille, a-t-il témoigné. Il porte plainte contre le béret rouge qui l'a blessé, mais il dit ignorer l'identité de ce dernier. La partie civile demande justice.

Mercredi, une nouvelle partie civile est appelée à la barre. Il s'agit de Mamoudou Conté.

Mamoudou Conté milite dans le parti UFR. Il a expliqué que dans la matinée du 28 septembre 2009, lui et beaucoup d'autres militants de ce parti dirigé par Sidya Touré se sont mobilisés à partir de Matam pour rallier le grand stade de Conakry à l'époque. En dépit des petits obstacles notamment au niveau de Pharma Guinée où des policiers ont tenté de les empêcher, ils ont pu accéder au stade aux environs de 9h 30. Après 10h, a-t-il ajouté, des militaires en béret rouge et d'autres coiffés de tissus rouges parsemés de cauris ont fait irruption. Certains tiraient, d'autres bastonnaient des manifestants, a décrit Mamoudou Conté. Dans la débandade, il a pu sortir selon lui, dans des conditions pénibles. Mais avant de sortir, la victime dit avoir vu des hommes en étoffes égorger des manifestants en détresse. Il ne parle pas clairement de viol, mais Mamoudou dit avoir vu également des bérets rouges en train d’agresser des femmes dans l'enceinte du palais des sports. D'autres militaires ont sectionné des fils électriques et placé des pointes devant des manifestants en débandade, a-t-il témoigné. La partie civile se plaint de bastonnade et de violences. Son téléphone de marque Nokia lui a aussi été retiré par un policier, a-t-elle déclaré. Suite aux violences dont il dit avoir été victime, Mamoudou Conté révèle que ses genoux continuent de lui faire mal. Dans le box des accusés, il n'a indexé personne. Cependant, il tient le capitaine Moussa Dadis Camara et compagnie, pour responsables du massacre du 28 septembre 2009.

Après Mamoudou Conté, c'est Thierno Mamadou Diallo qui a été entendu.

Thierno Mamadou Diallo est un commerçant né en 1976 à Diountou dans la préfecture de Lélouma. Il a été interpellé avec deux autres personnes par des civils armés entre concasseur et Hamdallaye lorsqu’il rentrait à la maison aux environs de 8h30, a-t-il expliqué. Selon lui, ils ont été ensuite livrés aux gendarmes avant d'être convoyés à l'esplanade du stade du 28 septembre. Il a rappelé que c'est devant lui que des tirs ont commencé à retentir. Il dit avoir profité du passage d'un des véhicules de la croix rouge pour tenter de s'échapper, mais en vain. Il est alors pris à partie et violenté, a relaté Thierno Mamadou Diallo. Quelque temps après, lui et ses compagnons d'infortune ont été amenés à l'escadron mobile d'Hamdallaye avec de nombreux manifestants interpelés par des gendarmes. La partie civile révèle qu'elle a été torturée non seulement en cours de route, mais aussi après avoir été emprisonnée dans les locaux de cet escadron. Thierno Mamadou Diallo témoigne avoir été fouillé et ses objets retirés, excepté son téléphone qu'il avait caché. Il informe ensuite son frère, et le lendemain il recouvre sa liberté après avoir payé de l'argent dont le montant n’a pas été dévoilé. Il porte plainte pour coups et blessures contre ceux qui l'ont arrêté, même s’il avoue ne pas être en mesure de les identifier. Plusieurs fois interrogé à propos, Thierno Mamadou a dit qu'il ne sait pas pourquoi il a été interpellé, d'autant plus qu'il ne manifestait pas. Il est allé jusqu’à révéler qu’il a fui la Guinée pour aller se faire soigner et s'installer au Sénégal à cause des menaces, parce que sa photo prise à l'esplanade du stade selon lui, circulait à l'époque notamment dans la presse. Sur cette photo, on l’aperçoit, désemparé, en train d’être trimbalé par deux éléments des services spéciaux. L’un le tenant au collet, l’autre en position de lui donner des coups de pied par derrière. 

Talhatou Garanké Diallo est la troisième partie civile qui a comparu à la suite de Mamoudou Conté et de Thierno Mamadou Diallo mercredi.

Talhatou Garanké Diallo est l'un des gardes du corps du président de l'UFDG. Il dit s'être constitué partie civile pour avoir été victime de coups et blessures et de vol. Le sexagénaire a expliqué que très tôt dans la matinée du 28 septembre il a pris sa moto pour aller tâter le terrain. Il dit avoir constaté la présence massive des agents de maintien d'ordre et la mobilisation des manifestants à l'esplanade du stade. Il ajoute avoir été également témoin de l'arrivée du colonel Moussa Tiegboro Camara et ses hommes alors habillés en body noir et coiffé de béret vert. Selon Talhatou Garanké, l'ex patron des services spéciaux a menacé de massacrer des manifestants et de faire arrêter des leaders s'ils ne quittaient pas les lieux. C'est sur fond de brouhaha que les premiers tirs à balles réelles sont intervenus entraînant la mort des deux premières personnes, a relaté la partie civile. Elle aussi, a rappelé que quand les discours ont commencé au stade, des bérets rouges ont fait irruption avec des tirs. En tentant de se sauver, il a été poignardé au bras gauche, a témoigné le sexagénaire.  Tout de même, il parvient à retourner au domicile du président de l'UFDG. C'est là qu'il a dit avoir vécu le pire. Les bérets rouges tombent sur lui, a-t-il expliqué. Il s'en est sorti avec un pied fracturé et sa moto emportée. En plus du colonel Moussa Tiegboro Camara, le garde du corps d'El hadj Cellou Dalein Diallo affirme avoir vu le commandant Toumba Diakité secourir des leaders. Il a également vu Marcel Guilavogui agressé des manifestants. Il tient le capitaine Moussa Dadis Camara pour responsable du massacre du 28 septembre et demande justice. Sa déposition est terminée. L'affaire est renvoyée au 8 mai prochain pour la suite des débats.

Une synthèse de Sékou Diatéya Camara

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