Le procès des événements du 28 septembre 2009 est renvoyé au 3 octobre prochain pour la suite des débats à cause des vacances judiciaires. Mais avant, de nouvelles parties civiles ont été entendues la semaine qui s’achève devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry.
Efreime
Kamanda Soumah est la première partie civile qui a été invitée à la barre par
le juge. C'est un plombier né en 1970 à Conakry. Il s'est également présenté
comme un des gardes du corps du président de l'UFR. Dans la matinée du 28
septembre 2009, il dit avoir rejoint Sidya Touré à son domicile à 7 heures.
Quand d'autres militants du parti sont arrivés, ils sont allés ensemble chez
Jean Marie Doré, aux environs de 8 heures. Après une brève rencontre avec des
religieux, ils ont rallié le stade aux environs de 9 heures, a-t-il expliqué.
Au niveau de la FONDIS, dit-il, leur équipe a été bloquée par le Colonel Moussa
Tiegboro Camara et ses éléments. Malgré la volonté des gendarmes de vouloir les
disperser à coups de gaz lacrymogène, les leaders et leurs militants ont
poursuivi leur chemin. Ils sont passés à la terrasse pour accéder à l'enceinte
du stade.
C’est difficilement
que les leaders ont pu prendre place à la tribune, a rappelé le plaignant. Il était
ensuite sorti pour aller acheter de l’eau quand son patron en a eu besoin.
Selon Efreime Kamanda, il avait vu en ce moment à la terrasse, des bus qui
débarquaient des agents habillés en maillot de Chelsea.
Dans
l’enceinte du stade, les premiers tirs de gaz lacrymogène et de coups de feu
sont intervenus simultanément, a précisé la victime. Suite à l'irruption des
militaires, Kamanda dit avoir vu le commandant Aboubacar Sidiki Diakité, dit
Toumba, au stade. L’ancien aide de camp du capitaine Dadis appelait les leaders
à venir vers lui. Pendant que Toumba évacuait son patron et d'autres leaders,
il a vu le capitaine Marcel Guilavogui les poursuivre et assommé Sidya Touré de
coups sur la tête, mais il ne sait avec quel objet. Après le départ de son
patron, il est reparti dans l'enceinte du stade dans l'intention de pouvoir se
sauver. Il a pu escalader le mur avant de se retrouver dans les mains d’agents
derrière la Cour. Il dit avoir été blessé au bras suite aux bagarres qui ont
éclaté entre lui et le groupe. Kamanda a pu se tirer d’affaire. Il a fui pour
aller vers l’université Gamal. Mais avant, a-t-il raconté, il a vu d'autres
manifestants se faire électrocuter.
Interrogé sur
les cas de viols et de morts, le plaignant a répondu qu'il n'en a aucune idée
d'autant plus qu'il était préoccupé par la sécurité de son patron. Deux mois
après les faits, un pick-up l'a renversée alors qu'il était à moto sur le
tronçon Dabondy Coléah, a révélé Efreime Kamanda. Il a été victime de fracture
au pied et est resté cloué au sol durant 19 mois, a-t-il dit. Pour lui, cet
accident est la conséquence des événements du 28 septembre 2009 d'autant plus
que ceux qui l'ont percuté n'ont rien pris sur lui pendant qu'il disposait
d'une somme de 14 millions de francs guinéens et trois portables. Et puis il se
dit qu’il était recherché par des militaires précédemment. Suite à cet
accident, il boite et marchait désormais avec une béquille. Il demande justice.
Après Efreime Kamanda Soumah, c'est
Mamadou Sadjo Diallo qui a comparu.
C'est une
autre victime née en 1969 à Lélouma. Le plaignant a informé qu'il était au
stade dans la matinée du 28 septembre 2009 pour assister au meeting des Forces
vives de la nation. Aux environs de midi, a-t-il déclaré, les éléments de la
garde présidentielle sont entrés. Les uns lançaient du gaz lacrymogène,
d'autres tiraient à balle réelle, a affirmé le plaignant. Pendant qu'il
cherchait à se sauver, il est d'abord intercepté par des bérets rouges dans
l'enceinte du stade. Ceux-ci l'ont violenté avant de lui retirer ses deux
téléphones et une somme de 43 milles francs guinéens. A la sortie du stade
également, il dit avoir été bastonné avant d'être embarqué manu militari par la
police pour la CMIS de Camayenne. Il n'a pas expliqué dans quelles conditions,
mais lui et d'autres manifestants ont recouvré leurs libérés le lendemain aux
environs de 17h.
Mamadou Yaya Diallo a aussi été
entendu. Ce n'est pas lui-même qui a été victime, mais plutôt son papa du nom
de Boubacar Sidi Diallo.
Mamadou Yaya
Diallo est âgé d'une trentaine d'années. Il a commencé par déclarer que son
père était bel et bien allé au stade dans la matinée du 28 septembre en 2009.
Pendant qu'il cherchait à se sauver quand le massacre a commencé, Boubacar Sidi
a été intercepté par deux militaires, a rapporté son fils. L'un l'a terrassé
pour lui retirer son téléphone, l’autre l’a assommé de coups jusqu'à fracturer
son pied par deux fois, a poursuivi le plaignant. Boubacar Sidi est ensuite
secouru par la croix rouge. Il a été conduit à l'hôpital Ignace Deen où il a
passé 1 ans 6 mois au cours desquels il a subi deux opérations selon Mamadou
Yaya Diallo. Pour avoir passé assez de temps à l'hôpital dans les difficultés
sans aide des autorités, ses enfants ont décidé de le ramener à la maison sans
qu'il ne recouvre sa santé. C'est suite à ses blessures du stade, que Boubacar
Sidi Diallo est décédé en 2021, a révélé son fils.
Mamadou Yaya Diallo a été succédé à
la barre par une autre victime du nom de Mamadou Oury Baldé. Il s'est présenté
comme un des gardes du corps du président de l'UFDG.
Mamadou Oury
Baldé est né en 1958 à Labé. Il est allé en compagnie de son patron au domicile
de Jean Marie Doré avant de rallier le stade, dans la matinée du 28 septembre
2009. Ils ont été momentanément bloqués par le colonel Moussa Tiegboro Camara
et ses éléments au niveau de la FONDIS, a-t-il expliqué. Suite à la pression de la foule, les leaders
et leurs militants ont pu poursuivre leur chemin jusque dans l'enceinte du
stade. A leur arrivés, les uns priaient, les autres dansaient, a-t-il rappelé.
Oury Baldé se souvient que les premiers coups de gaz sont tombés alors que les
leaders avaient commencé à s'adresser à la foule. Les militaires sont entrés
ensuite en tirant à bout portant. Il dit avoir vu beaucoup de personnes tomber
sous les balles. C’est dans ces conditions, a-t-il poursuivi, qu'il a vu le
commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba appeler les leaders à le
rejoindre. « Ne brutalisez aucun leader », ajoutait l'ancien aide de camp du
président Dadis. Pendant que d'autres militaires munis de bois brutalisaient
des manifestants, selon la victime.
Mamadou Oury Baldé est ensuite revenu
sur sa propre mésaventure.
Il a vu un
agent de la police se saisir du président de l'UFDG. Pendant qu'il se battait
pour faire libérer son patron, une balle a frôle sa tête. Il est tombé. « J'ai
entendu un ami du nom de Baïlo Sow dire qu'ils ont tiré sur koto Oury ».
Déterminé à sécuriser Cellou, il a pu se lever quelques temps après. Quand il cherchait
à sortir de la pelouse, il a été pris à partie à plusieurs endroits, par
d'autres agents munis de couteaux. Il a été poignardé et dépossédé d'un de ses
deux téléphones et une somme de 22 milles 500 francs guinéens. Il continue son
chemin et se dirige vers le palais des sports où il dit avoir trouvé des femmes
déshabillées qui se faisaient violer par des militaires. « Ce que mes yeux ont
vu là-bas, je ne peux pas dire tout ça ici », a-t-il indiqué. Il a également
témoigné avoir vu des manifestants électrocutés couchés par terre. À la
terrasse, il a trouvé de nombreux manifestants qui attendaient d'être embarqués
à bord des camions militaires par contrainte. Alors qu'il était contraint au
même exercice, son téléphone qu'il avait caché dans sa chaussette a sonné.
Quand il a décroché, un gendarme lui a donné un coup jusqu'à ce que ses dents
aient perforé ses lèvres inférieures, a regretté Oury Baldé. Quand son tour est
arrivé de monter dans le camion, il a refusé avant de s'en fuir. C'est après
qu'il a rejoint sa famille à Yimbaya en passant par le CMC de la Minière où il
a reçu quelques soins. A son arrivée à la maison, son épouse aussi a piqué une
crise, avant de se réveiller plus tard. En dépit de ses blessures, il a eu peur
d'aller à l'hôpital. Il a plutôt privilégié l'automédication.
Au terme de l’audience dans la
soirée, les avocats du colonel Ibrahima Camara dit Kalonzo ont sollicité la
mise en liberté de leur client, mais sans succès.
La demande
était portée par deux de ses avocats. Conformément à l’article préliminaire et
à l’article 244 du code de procédure pénale, Me Hassan Kaba et Me Lancinè 3
Doumbouya ont sollicité la mise en liberté de leur client au motif que sa
détention n'est plus nécessaire pour la manifestation de la vérité. Parce que
pour eux, aucun accusé ou partie civile ne l'a cité dans cette affaire. Ils ont
également attiré l’attention du tribunal sur la dégradation de l’état de santé
de l’accusé qui selon eux, a vu sa capacité de vue se détériorer alors qu’il
n’a pas accès aux soins de santé appropriés à la maison centrale. Le ministère
public et les avocats des parties civiles se sont opposés à la demande. «
Monsieur Kalonzo est poursuivi pour des faits criminels. A ce stade de la
procédure monsieur le président, sa détention est nécessaire pour préserver
l’ordre public. Sa mise en liberté compromettrait dangereusement le cours
normal de la procédure », a rétorqué Abdoulaye Babadi Camara, un des substituts
du procureur. Comme lui, les avocats des parties civiles aussi ont sollicité le
rejet de la demande parce qu’elle n’est pas fondée.
Le juge a rejeté
sur siège la demande de mise en liberté de Kalonzo, après avoir écouté les
différentes parties. Ibrahima Sory 2 Tounkara a ensuite renvoyé l’affaire au 3
octobre 2023 pour la suite des débats.
Une synthèse de Sékou Diatéya Camara
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