Le procès des événements du 28 septembre 2009 s’est poursuivi cette
semaine devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de
Conakry. Alpha Oumar Barry qui a comparu le lundi 8 mai dit s'être constitué
partie civile pour avoir perdu son petit frère du nom de Midjaou Barry.
Le quadragénaire a expliqué que
son petit frère est sorti de la maison dans la matinée du 28 septembre 2009.
Depuis lors, a-t-il ajouté, Midjaou est porté disparu. Le plaignant reste
convaincu que le jeune était en route pour le stade en compagnie de ses
camarades, lorsqu'il a été perdu de vu au niveau du rond-point de Bambeto. En
dépit des recherches tant ici en Guinée qu'en Sierra Leone, Midjaou Barry reste
introuvable. Alpha Oumar Barry demande justice. Mais avant, il a informé qu’il
porte plainte contre le capitaine Moussa Dadis Camara.
Alpha Oumar Barry a été succédé à la barre par Abdourahamane Bah, un
des gardes rapprochés du président de l'UFDG. Il a d’abord expliqué comment il
s’est retrouvé au stade
Comme d'habitude, dans la matinée
du 28 septembre 2009, a expliqué Abdourahamane Bah, il s'est rendu au domicile
de Cellou Dalein Diallo. Ils sont allés ensemble chez Jean Marie Doré à Donka
avant de prendre le départ pour le stade. Selon lui, ils ont rencontré le colonel
Moussa Tiegboro Camara et ses hommes non loin de l'université Gamal Abdel
Nasser pendant qu'ils faisaient des tirs de sommation. L'officier gendarme a
aussitôt demandé à Cellou Dalein de reporter le meeting, mais en vain, a-t-il
rappelé. Ensuite le colonel a eu des prises de becs avec Mouctar Diallo,
président des NFD, s'est souvenu Abdourahamane Bah. Comme si cela ne suffisait
pas, l'ex patron des services spéciaux a menacé ses interlocuteurs en déclarant
que s'ils entrent au stade ils trouveront ce qu'ils auraient cherché, a révélé
le plaignant. Pour avoir constaté ces tiraillements, a indiqué le garde
rapproché, des militants se sont mobilisés sur les lieux entrainant le départ
du colonel et ses hommes. Après avoir accédé à l'enceinte du stade, il est allé
s'installer à la tribune en compagnie de son patron.
Et c’est lorsque les leaders ont commencé leurs discours après avoir
pris place à la tribune du stade que des bérets rouges ont fait irruption au
stade sur fond de tirs, a rappelé Abdourahamane Bah.
Abdourahamane Bah se souvient de
l’irruption des militaires au stade. Selon lui, pendant que certains tiraient
sur des manifestants, d’autres sont allés chercher les leaders au niveau de la
tribune. Ils étaient en train de marcher pour sortir du stade sur fond de
tiraillement, quand un agent a tiré à balle réelle sur Abdoulaye Sylla, un des
gardes du corps de Cellou Dalein, a affirmé Abdourahamane Bah. « C'est en ce moment que le président Cellou
nous a demandé de nous sauver. Nous avons continué avec lui jusqu'au niveau des
grillages qui séparent la tribune de la pelouse. Thieboro était à l'intérieur
des grillages. Il a dit de laisser les leaders seulement passer et de tirer sur
le reste », a déclaré le garde rapproché de Cellou Dalein Diallo. Il a précisé
que son chef du nom d'Aldjouma 10 et un autre agent du nom d'Abdoulaye 3 Bah
ont pu passer avec Cellou. Eux qui sont restés derrière, a-t-il ajouté, ont
alors été la cible d'autres bérets rouges. Cependant, il a pu se sauver dans ce
contexte, a-t-il rappelé.
C’est en se sauvant qu’il dit être tombé sur Abdoulaye Yero Baldé, l'ex
ministre de l'enseignement supérieur, qui était couché sur la route
« Il a soulevé sa main pour me
dire jeune frère ne me laisse pas ici. J'ai pris sa main, nous avons couru pour
aller nous cacher dans la salle des journalistes. Nous y avons trouvé beaucoup
d'autres personnes. De ce côté, les policiers après avoir reçu des ordres, au
lieu de tirer sur nous, nous ont plutôt fouillé », a-t-il relaté. C’est dans
ces conditions a ajouté le plaignant, qu’un des agents de la police a aperçu
son petit frère qui gardait à l'époque El hadj Mamadou Sylla. Il lui a donné
une paire de gifles avant de le sortir de la salle, a témoigné Abdourahamane
Bah. C’est ainsi que lui et Abdoulaye Yero Baldé en ont profité pour sortir
aussi, a-t-il dit. Lorsqu'ils sortaient par la grande porte, ils ont été
frappés à l'aide du bois. Mais malgré ces coups, il a pu rejoindre le domicile
de Cellou Dalein Diallo où lui et d’autres personnes sont agressés par des
bérets rouges quelques heures plus tard, a révélé le garde rapproché du
président de l'UFDG. « Le colonel Claude Pivi et d'autres militaires en béret
rouge sont venus nous trouver dans la cour là-bas. Ils tiraient », a affirmé
Abdourahamane Bah. Pour se sauver à nouveau, il dit avoir été obligé de prendre
la mer pour sortir vers l'école Sainte Marie pour enfin rejoindre son domicile
à Hamdallaye.
Après Abdourahamane Bah, c'est
Abdoulaye 3 Bah qui a comparu. C'est un autre garde du corps du président de
l'UFDG. Du domicile de Cellou Dalein Diallo dans la matinée du 28 septembre, à
l'irruption des bérets rouges en passant par l'étape du domicile de Jean Marie
Doré et les péripéties qui ont précédé l'entrée des leaders au stade, ses
déclarations corroborent avec celles de son prédécesseur. Cependant, lui, il
est longuement revenu sur les violences qui ont été infligées à Cellou et à
ceux qui tentaient de le sauver comme lui-même.
Selon Abdoulaye Bah, en marge de
l'irruption des militaires au stade, il a vu le commandant Toumba Diakité
appeler les leaders à le rejoindre en disant que personne ne les frappe.
Lorsqu'ils arrivaient à son niveau, a expliqué le garde, un policier s'est
détaché de son groupe pour aller prendre Cellou Dalein Diallo au collet avant
de le gifler. Au même endroit et au même moment d'autres agents ont tiré sur un
de ses gardes du nom d'Abdoulaye Sylla, a affirmé Abdoulaye Bah. A cause de ces
policiers, a-t-il poursuivi, Toumba et d'autres leaders ont laissé Cellou et
ses hommes derrière. Ils se sont débrouillés jusqu'à la pelouse où ils ont
rencontré le colonel Moussa Tiegboro Camara, selon Abdoulaye 3. « Il a alors
dit : Cellou c'est toi ? Je ne t'ai pas dit de ne pas venir ? Entre-temps, un
agent l'a terrassé. Mamadou Djouma qui l'a fait relever a été assommé sur la
tête. Je l'ai dépassé là où il était couché, pour m'approcher de Cellou.
Devant, un autre agent lui a donné un coup de matraques, le sang a jailli. Je
l'ai attrapé, quand j'ai constaté qu'il perdait le contrôle. C'est après que
moi aussi, j'ai reçu un coup sur la tête », a relaté le plaignant. Cellou et
ses hommes ont ainsi continuer de recevoir des coups même de la part des
éléments de Tiegboro sans que ce dernier ne réagisse, a regretté Abdoulaye 3.
Après avoir expliqué toutes ces
péripéties dans des conditions pénibles, Abdoulaye 3 Bah a rappelé comment
Cellou a été évacué. Ce qui ne corrobore pas avec les déclarations de Tiegboro
qui avait affirmé avoir sauvé le président de l'UFDG.
Malgré qu'il soit violenté et
même menacé de mort, Abdoulaye Bah révèle qu'il n'a jamais accepté d'abandonner
Cellou Dalein Diallo. Selon lui, il avait le président de l'UFDG au dos quand
ils ont aperçu un pick-up garé à la terrasse dans lequel se trouvait un
gendarme. C'est Bah Oury qui a demandé à ce dernier de les aider à évacuer
Cellou à cause de son état critique, a rappelé la partie civile. C'est en cours
de route que le colonel Moussa Tiegboro Camara est monté à bord du véhicule,
s'est souvenu Abdoulaye 3. Ils empruntent la route de Donka et bifurque à
partir du camp Camayenne pour rallier la clinique Ambroise où ils ont été
contraints de quitter sous la menace d'autres militaires, a-t-il expliqué. De
là, ils sont transférés au camp Samory où ils ont reçu les premiers soins.
Ensuite, Cellou et Bah Oury sont transférés dans une autre clinique en le
laissant seul au camp Samory. Quelque temps après, l’autorisation lui est
donnée de rentrer chez lui avec un de ses pieds enflé suite aux violences et
son bras qui était déjà fracturé. Il dit avoir porté plainte pour coups et
blessures et vols.
Après la déposition d’Abdoulaye 3 Bah mardi, c’est Abdoulaye Diallo qui
a été entendu. Lui se plaint des faits de coups et blessures et de
séquestration.
Ce plaignant explique qu'il a été
raflé dans la journée du 28 septembre au stade. Lui et d'autres manifestants
interpellés sont ensuite conduits au camp Koundara, a-t-il rappelé. Ils ont été
privés de nourriture selon lui, du lundi jusqu'au mercredi. Comme si cela ne
suffisait pas, a affirmé Abdoulaye Diallo, ils ont aussi été bastonnés chacun
50 coups par jour, aspergés d'eau chaude et amenés à se battre entre eux. Même
si elle parle de bérets rouges, la partie civile dit ignorer l'identité des
agents qui les ont interpellés et convoyés. Cependant, au sein de la caserne,
Abdoulaye dit avoir reconnu le commandant Bégré ancien responsable dudit camp
et le sergent Paul qui se trouve être Paul Mansa Guilavogui, présent dans le
box des accusés, selon lui. Grâce aux négociations engagées par son grand
frère, il a recouvré sa liberté au terme de 6 jours de détention, a rappelé
Abdoulaye Diallo.
Confirmant le témoignage de Abdoulaye Diallo sur les violences dont
Cellou Dalein Diallo a été victime, Aldjouma Diallo est aussi revenu sur sa
propre mésaventure.
Aldjouma Diallo dit s'être
constitué partie civile pour coups et blessures et vol. Quand le président de
l'UFDG a commencé à recevoir des coups, lui, il était personnellement épargné
pour un début, a-t-il relaté. Aldjouma dit avoir cru que c'était à cause de son
accoutrement qui s'apparentait à celui des militaires. Sa mésaventure selon
lui, est partie de son intention de relever Cellou qui venait d’être terrassé
par un agent. « C'est à partir de là, qu’ils se sont rendus compte que je suis
le garde rapproché d'El hadj. C'est ainsi qu'on a commencé à me bastonner. Un
agent m'a donné un coup à la figure et j'ai perdu deux dents. Je suis tombé. J'ai
perdu connaissance », a-t-il expliqué. Aldjouma Diallo ajoute que depuis qu'il
est tombé, il n'a plus su comment son patron est sorti du stade. Quand il a
repris connaissance, il dit s'être vu entourer par de nombreux gendarmes,
policiers et bérets rouges. « J’ai vu des agents fouiller dans les poches des
corps pour prendre leurs objets. Personnellement, deux personnes m'ont fouillé.
Ils ont pris sur moi deux téléphones et un montant de 500 mille francs guinéens
», s’est souvenu le plaignant. Pendant ce temps, a-t-il poursuivi, il entendait
des cris d’enfants et de femmes. Après avoir senti qu'il est en danger, il
s'est fait passer pour un mort. Il profitera selon lui, de l'arrivée d'une
foule à son niveau pour sortir du stade, mais toujours sur fond de bastonnade.
Il se réfugie d'abord chez le cuisinier de Cellou à Dixinn. Il a attendu vers 19h pour rentrer chez lui à
Haffia. A cause des blessures qu'il présentait, il est allé se faire soigner
chez un voisin médecin, a indiqué Aldjouma Diallo.
Les trois jours d'audiences de la semaine ont été clôturés par la
comparution d'une victime du nom de Mamadou Baldé.
Mamadou Baldé est né en 1980 à
Koubia. Il dit avoir porté plainte pour coups et blessures. Il est parti du
rond-point de Hamdallaye pour le stade en compagnie d'autres personnes, dans la
matinée du 28 septembre, a expliqué le marchand. Puisqu'il était à jeun, après
avoir accédé à la pelouse, il a prié deux rakats avant l'irruption des
militaires. Dans la débandade, a rappelé le quadragénaire, il cherche à sauver
sa tête vers la mairie de Dixinn. Il grimpe sur un manguier avant d'apercevoir
de l'autre côté des hommes. Des hommes aux crânes rasés, habillés en maillot de
Chelsea munis de couteaux, en train de violenter des manifestants, a relaté
Mamadou Baldé. Il décide alors de sauter pour descendre. Il parvient à sauter
certes, mais il s'en est sorti avec un bras fracturé. Selon lui, il s'est
débrouillé pour aller se coucher dans la salle de soins des joueurs. A partir
de là, a affirmé le plaignant, il a entendu quelqu'un demander au téléphone
d'envoyer des camions qu'il y a beaucoup de corps. Aux environs de 14 heures,
il parvient à s'échapper vers la Pharma Guinée pour rentrer ensanglanté chez
lui à Hamdallaye. Il a été hospitalisé par la suite aux frais de sa famille,
a-t-il dit. Mamadou Baldé demande l'application de la loi dans toute sa
rigueur.
En attendant, le procès est
renvoyé au 15 mai prochain pour la suite des débats.
Sékou Diatéya Camara