En Guinée, les autorités ont annoncé la date du procès du massacre du 28 septembre 2009. L'ouverture de ce procès historique aura lieu pour le 13e anniversaire des événements, le 28 septembre prochain. En 2009, ils étaient des milliers à s'être réunis dans un stade à l'appel de l'opposition, pour rejeter l'idée d'une candidature de Moussa Dadis Camara à l'élection présidentielle. Le rassemblement est réprimé dans le sang. Au moins 157 personnes sont assassinées et 109 femmes violées. L'opposant Cellou Dalein Diallo fait partie des leaders politiques qui étaient dans le stade avec leurs militants. Treize ans plus tard, il salue l'ouverture de ce procès tout en espérant qu'il ne fera pas l'objet d'une instrumentalisation politique.
RFI : Le procès du
massacre du 28 septembre 2009 est sur le point de commencer. Vous étiez,
vous-même, dans le stade ce jour-là. De nombreux militants de votre parti ont
été victimes de la furie des hommes en uniforme. Comment accueillez-vous
l’annonce de cette ouverture du procès ?
Cellou Dalein Diallo : J’étais bien au stade. J’ai été
laissé pour mort sur la pelouse. J’ai été récupéré et transporté au camp
Samory, à l’infirmerie, où j’ai repris conscience. Je me réjouis, bien entendu,
que ce procès tant attendu, puisse se tenir maintenant pour que les victimes
aient droit à la vérité et à la justice. Je pense que toutes les dispositions
vont être prises pour que le droit soit dit.
Il y a beaucoup de rumeurs qui circulent en Guinée, des
craintes que la justice ne soit instrumentalisée, à cette occasion aussi, pour
condamner dans la même foulée les organisateurs de la manifestation et les
auteurs ou commanditaires des crimes commis. Cette inquiétude existe. Cette rumeur,
je souhaite vivement qu’elle ne soit pas fondée et que le droit soit dit, qu’un
discernement, soit fait entre les victimes et les bourreaux, et que seulement
les bourreaux soient sanctionnés.
À quelles conditions
ce procès pourrait-il être une réussite selon vous ?
Si effectivement le droit à la vérité, le droit à la justice
et, peut-être, le droit à la réparation sont assurés pour les victimes. Les
gens qui ont agi, ont agi au nom de l’État. L’État a les moyens, justement, de
marquer sa compassion avec les victimes en envisageant des solutions qui
peuvent être assimilées à une réparation.
La justice
sera-t-elle suffisante pour que cette page-là soit tournée, si elle peut être
tournée ?
Nous avons besoin d’aller à un exercice de réconciliation.
Il y a eu beaucoup de violences, il n’y a pas eu que le 28 septembre. Avant, il
y en a eu et surtout, après. Sous le régime d’Alpha Condé, il y a eu 250 jeunes
qui ont été abattus, souvent à bout portant lors de manifestations. Ils n’ont
pas eu, non plus, droit à la justice. Je pense que, pour qu’il n’y ait plus
jamais ça, il est important que les Guinéens se retrouvent. Lorsqu’il y aura
des institutions légitimes, parce qu’il faudrait envisager de prendre des lois
d’amnistie qui ne peuvent être que le fait d’une assemblée élue.
Vous souhaitez la mise en place d’institutions légitimes en
Guinée. Cela fait plusieurs mois que vous n’êtes pas revenu sur le sol guinéen.
Vous considérez-vous aujourd’hui comme un exilé ?
Je ne suis pas rassuré quant à l’indépendance de la justice.
La manière dont elle a géré deux dossiers me concernant a aggravé, vraiment,
mes préoccupations quant à l’indépendance de la justice. Il y a eu l’affaire de
ma maison, qui a été réduite en poussière alors que le dossier était à la
justice. Ensuite, le dossier d’Air Guinée où l’on m’attribue la responsabilité
d’avoir, non seulement, décidé de la liquidation d’Air Guinée et de la vente de
ses actifs alors que, tout le monde le sait, le ministère de Transports, que je
dirigeais, n’a pas participé.
Ce sont ces deux
affaires qui font que vous ne rentrez pas en Guinée aujourd’hui ?
Ces deux affaires me font douter quant à l’indépendance de
la justice. Je pense que l’on a voulu instrumentaliser la justice pour me faire
mal ou pour, sans doute, me disqualifier des prochaines échéances électorales. J’ai
l’intention de rentrer en Guinée
Êtes-vous en exil
actuellement ?
Non, pas du tout. J’ai l’intention de rentrer en Guinée. Je
voulais simplement avoir les gages que la justice dira le droit et rien que le
droit.
On parle beaucoup,
justement, en Guinée pour le moment, du climat politique. Le gouvernement
affiche sa volonté de relance du dialogue. L’ANAD, la coalition que vous
dirigez, est-elle prête à saisir cette nouvelle main tendue ?
Nous sommes demandeurs du dialogue. Nous considérons qu’il
est urgent d’aller à l’organisation des élections pour mettre en place des
institutions légitimes. Mais jusqu’à présent, dans tous les dialogues qu’il y a
eu, on n’a pas abordé ces questions. On va parler de refondation de l’État, de
réconciliation nationale, de recensement général de la population. Pour nous,
il est urgent d’organiser la sortie de la période d’exception.
Radio France Internationale
(RFI)