Cinq jours d’audience au procès des crimes du 28 septembre 2009, n'ont pas permis de clôturer l'interrogatoire sur le fond du colonel Claude Pivi. L'ancien ministre de la sécurité présidentielle sous le règne du capitaine Dadis a comparu durant toute cette semaine sans reconnaître les faits d'enlèvement, de séquestration et de pillage pour lesquels il est poursuivi devant le Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. En plus du fond du dossier, les questions sont revenues sur le rôle de Toumba ou de Pivi dans la prise du pouvoir par Moussa Dadis Camara. Ce qui a débouché sur une guerre de photos devant le tribunal.
A l’entame de la première audience de cette semaine, les
avocats de l’ancien président Moussa Dadis Camara ont présenté dans la salle
des images le montrant en compagnie du colonel Claude Pivi, du capitaine Moussa
Dadis Camara et des généraux Sékouba Konaté et Mamadouba Toto Camara.
L’objectif de cette séquence photo était de démontrer que le commandant
Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba n’était nullement impliqué dans la prise du
pouvoir par Dadis, comme l’avait clamé l’ancien aide de camp du chef de la
junte d’alors.
Ces images ont été obtenues frauduleusement, a réagi Me Paul
Yomba Kourouma. Cet avocat de Toumba Diakité ne leur accorde aucun crédit et
affirme s’en tenir à la version de son client. Et comme pour étayer son
argument, lui aussi a présenté une photo dans laquelle Toumba détient un papier
en main, entouré de Pivi, de Sékouba Konaté et de Dadis qui regardaient tous ledit
papier. Après avoir visionné la photo, les avocats de Claude Pivi y ont vu
Dadis comme le patron qui contrôle la situation et Toumba Diakité, comme
quelqu’un qui rend compte d’une mission qui lui avait été confiée. Claude Pivi
lui-même a révélé qu’il aurait pu prendre le pouvoir bien avant le capitaine
Moussa Dadis Camara, s’il était véritablement intéressé. Cette affirmation a
été faite pour démentir le commandant Toumba Diakité. L’ancien aide de camp de
Toumba avait indiqué avoir pesé en faveur du capitaine Moussa Dadis Camara pour
son accession au pouvoir en décembre 2008, alors que, dit-il, des officiers
comme Claude Pivi dit ‘’Coplan’’ étaient manifestement intéressés. C’est faux,
rétorque le colonel Pivi, qui jure même qu’il avait toutes les opportunités de
renverser le président Lansana Conté. « Si je voulais le pouvoir, c’était le
jour où je suis rentré chez le président Conté, paix à son âme. Parce que le
vieux, en âme et conscience, m’avait dit mon fils, l'hélicoptère est là,
aidez-moi pour que je retrouve mon village à Gbantama. Vous les militaires
faites ce que vous voulez. C’est moi qui ai dit : ‘’Non Papa ! Vous resterez
toujours président, parce que vous le méritez. Ma mission principale, c’est de
signer ce document (le bulletin rouge, ndlr) pour les militaires. Si moi
j’étais ambitieux du pouvoir, j’aurais pris le pouvoir avant Capitaine Dadis ou
général Sékouba Konaté », a lancé le Colonel Claude Pivi.
Pour revenir sur les
évènements relatifs au dossier du 28 septembre, Claude Pivi a été accablé par
de nouvelles révélations notamment sur des actes de pillage.
Quand Toumba se présente comme un militaire exemplaire, qui
a roulé sa Kalachnikov dans la sous-région, certains avocats des parties
civiles se mettent en colère. C’est le cas de Me Alseny Aissata Diallo. Ce
dernier a cherché à déconstruire cette image que Pivi s’attribue. C’est dans ce
cadre que l’avocat lui a opposé plusieurs faits de pillage. Selon Me Alseny
Aissata Diallo, Coplan s’est bel et bien rendu coupable de pillage chez
l’opérateur économique Oury Birédy. Il a expliqué que les hommes de Pivi ont
emporté des coffres forts, et le butin lui a permis de s’acheter le plus grand
immeuble à N’Zérékoré. L’avocat a également évoqué le cas d’El hadj Alseny
Barry, un autre opérateur économique qui aurait été victime de pillage, et qui
a vu ses coffres forts emporter. Toutes ces affirmations ont été rejetées par
l’accusé en répondant calmement : « Je n’en sais rien ».
Après la tentative
d’assassinat de Dadis, Claude Pivi explique comment il a pu sauver Cécé Raphaël
Haba.
Pour rappel, Toumba Diakité a tiré sur le président du CNDD
le 3 décembre 2009 au camp Koundara rebaptisé camp Makambo à Kaloum. Les jours
qui ont suivi, beaucoup de ses proches ont été interpellés, d’autres froidement
abattus par les proches de Dadis, dit-on. Ce fut le cas de Sankaran Kaba, un
des chauffeurs de Dadis, de Jeannot Destin, un des gardes de corps de Toumba et
de Bégré, ancien commandant du camp Koundara. L’un des rares, sinon le seul qui
a eu la vie sauve, est le garde du corps du commandant Toumba Diakité. Le
Colonel Claude Pivi s’attribue le mérite d’avoir sauvé le capitaine Cécé
Raphaël Haba : « Son arrivée a coïncidé avec mon passage quand je rentrais au
camp. J’étais arrêté et ça discutait entre les militaires au niveau des 32
escaliers. Je leur ai dit d’arrêter, parce qu’il y a un chef de bataillon.
C’est comme ça que je suis intervenu pour Cécé Raphaël Haba », a-t-il déclaré,
même si des avocats comme Me Alseny Aissata Diallo et Me Thierno Souleymane
Barry, ont regretté le fait qu’il n’ait pas sauvé Sankaran Kaba et les autres
qui ont trouvé la mort.
Provoqué par un des
avocats, le colonel Pivi est revenu sur les cauris qu’il aimait arborer, son
parcours scolaire et la manière dont il a intégré l’armée.
C’est Me Thierno Souleymane Barry, un des avocats des
parties civiles qui a cherché à percer ce secret, et la réponse de l’accusé ne
s’est pas fait attendre. « La situation des cauris, ça, ce sont mes habits qui
m’ont été donnés par mon grand-père. Ce sont mes habits de défense, je les
porterai à n’importe quel moment », a-t-il réagi vigoureusement. Il a enchaîné
en parlant de son parcours scolaire, suite à une autre question. Selon Pivi, il
s’est limité en classe de 11ème année. D’une question à une autre, il a aussi
répondu à celle relative à son intégration dans l’armée. Il dit avoir intégré
l’armée en 1985 après avoir remporté un trophée sur le plan africain en arts
martiaux. « En 1985, je fus champion d’Afrique de karaté. Et quand je suis
rentré, on m’a demandé ce que je voulais. J’ai dit que je voudrais être dans
l’armée pour pouvoir former mes collègues militaires », a-t-il rappelé.
Dans la foulée, un
des substituts du procureur révèle que Coplan a une société de gardiennage, et
l’ancien ministre de la sécurité présidentielle sous Dadis, ne nie pas les faits.
En répondant aux questions des membres du parquet, l'accusé
reconnaît avoir disposé d'une société dénommée AES. Il s'agit d'une société de
gardiennage. El hadj Sidiki Camara, un des substituts du procureur, a cherché à
savoir si la société comporte des recrues de Kalia. Coplan répond par la
négative, avant d'informer que ce sont des jeunes civils recrutés dans les
quartiers au nombre de 400 hommes. Le nom d'un jeune est évoqué dans le
dossier. C'est Mathieu Kolié. Il est supposé appartenir aux recrues de Kalia.
Claude Pivi s’est montré formel. Il n'y a aucun Mathieu Kolié sur la liste de
ses hommes.
Lors du voyage du
capitaine Dadis à Labé, Pivi accuse Toumba de complot.
A l’occasion du déplacement du président du CNDD en 2009 à
Labé, en Moyenne Guinée, un pompiste aurait mis du gasoil en lieu et place de
l'essence dans la voiture du chef de la junte d’alors, dans une
station-service. Le colonel Claude Pivi qualifie cet acte de complot. Un
complot fomenté selon lui, par le commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit
Toumba et ses acolytes comme Bégré, ancien commandant du camp Koundara et
d'autres personnes dont il n'a pas cité les noms. La cabale visait à renverser
le pouvoir de Dadis, a insisté l'ancien ministre de la sécurité présidentielle
dont l’interrogatoire va se poursuivre le lundi 5 décembre prochain.
Une synthèse de Sékou
Diatéya Camara