Le procès des événements du 28 septembre 2009 s’est poursuivi cette semaine devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d'Appel de Conakry. Les parties civiles continuent à défiler à la barre. Après les victimes de viol et de violences sexuelles, c'était au tour d’Amadou Oury Bah, connu sous le nom de Bah Oury, président du parti UDRG de comparaitre.
Bah Oury est né en 1958 à Pita, en Moyenne Guinée. Le lundi
20 mars, il a livré son exposé préliminaire des faits qu’il a vécus au Stade du
28 septembre de Conakry. Il a félicité les autorités actuelles du pays pour
avoir eu le courage d’organiser le procès. Il a également rendu hommage à tous
les manifestants qui ont trouvé la mort dans le massacre du 28 septembre.
Ensuite, Bah Oury s'est réjoui du transfert du pouvoir à Dadis après la mort de
Conté, sans effusion de sang. Le politique a rappelé que tout allait bien
jusqu'au mois d'avril 2009 entre les forces vives de la nation et le CNDD. Les
choses ont commencé à basculer lorsque Dadis a exprimé à Kaloum, selon lui, le
sentiment de vouloir ôter la tenue pour se présenter à l’élection
présidentielle. Bah Oury a indiqué qu'entre temps, lui, Jean Marie Doré, et El
hadj Mamadou Bhoye Barry, l’ancien challenger du général Lansana Conté en 2002
sont allés nuitamment rencontrer le capitaine Moussa Dadis Camara, mais sans
succès. C’était pour le dissuader, sans bruit, afin qu’il renonce à briguer la
magistrature suprême. La tension est montée d’un cran quand des mouvements de
soutien ont commencé à foisonner en faveur du capitaine Dadis, même de la part
d'Abdoulaye Wade, ex président Sénégalais, a-t-il rappelé.
Bah Oury est revenu
sur le choix de la date du 28 septembre dans le cadre de la manifestation des
forces vives de la nation.
La date du 28 septembre n’a pas été choisie fortuitement, a
expliqué l'ancien président de la commission d'organisation de la
manifestation. Pour Bah Oury, les forces vives de la nation ont voulu faire
d'elle, l'autre versant de la date du 28 septembre 1958, pour dire non à la dictature
et oui à la démocratie. Le meeting a été programmé, la municipalité de Dixinn
en a été informée ainsi que le ministère de la jeunesse et des sports, a-t-il
poursuivi. La mobilisation a eu lieu en dépit des obstacles qui ont été érigés
dans la matinée du 28 septembre, notamment par le colonel Moussa Tiegboro
Camara et son équipe, a révélé le politique. Dans l’enceinte du stade, les
manifestants ont été surpris par des bérets rouges. L’ancien vice-président de
l’UFDG dit avoir vu le commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba intimer
aux leaders de descendre des gradins. L’irruption des militaires au stade a
débouché sur des agressions, a témoigné Bah Oury. Il informe avoir reçu un coup
sur la tête « Ça m'a sonné, mais ça ne m'a pas déstabilisé », a-t-il relaté.
Sur les cas de viols, l'acteur politique révèle qu'il n'a vu qu'une seule femme
qui se battait pour cacher sa nudité alors qu'elle était entourée par des
hommes en uniforme qui cherchaient à la déshabiller à l'esplanade du stade.
L'ancien vice-président de l'UFDG indique également n'avoir pas vu de corps à
cause de la débandade. Par rapport à l'existence des fosses communes où
seraient enfouis les corps des victimes, Bah Oury répond qu'il ne dispose pas
de preuve formelle à propos.
A part Toumba
Diakité, Bah Oury dit avoir vu au stade le colonel Moussa Tiegboro Camara qui
lui a été d’un apport inestimable.
Quand les militaires qui se sont introduits au stade ont
commencé à agresser les leaders, Cellou Dalein Diallo s’est évanoui après avoir
reçu des coups, a témoigné Bah Oury. Il se souvient que le président de l’UFDG
était à terre quand il a aperçu le colonel Moussa Tiegboro à qui il a fait
appel pour l’aider à évacuer son compagnon. A partir de l'esplanade, ils ont
pris la direction de la ville à bord de la Jeep du colonel Tiegboro. Pour un
début, ils sont hospitalisés à la clinique Ambroise Paré pendant que Cellou
était toujours évanoui, a expliqué Bah Oury. Avant d'être pris en charge,
a-t-il ajouté, deux militaires se sont présentés devant la clinique et ont
menacé de la faire sauter à travers des grenades si les médecins continuaient
de leur donner des soins. A cause de cette menace, le colonel Moussa Tiegboro
Camara les a conduits au dispensaire du camp Samory Touré où ils avaient été
momentanément pris en charge. Bah Oury se souvient avoir vu en ce moment un
camion militaire rentrer dans la cour et stationner dans un des couloirs du
camp. Il a précisé qu'il n'a rien su du contenu de cet engin. Dans l'après-midi
a déclaré l'ancien président du comité d'organisation de la manifestation, lui
et ses compagnons ont été conduits à la clinique Pasteur où ils avaient trouvé
tous les autres leaders des forces vives hospitalisés.
Par rapport à une
éventuelle inculpation du général Sékouba Konaté dans le dossier du 28
septembre 2009, l’ancien vice-président de l’UFDG n’est pas contre l’idée
En répondant à une des questions de Me Hamidou Barry, le
plaignant affirme avoir lu le rapport d'enquête international des nations
unies. Dans les conclusions de ce rapport, il est indiqué que les crimes commis
au stade sont assimilables à ceux contre l'humanité, même si par la suite les
faits ont été requalifiés. Est-il d'avis avec ces conclusions ? a de nouveau
interrogé Me Hamidou Barry. Bah Oury a répondu qu'il n’est pas juriste, mais
qu'il a compris l'esprit de cette qualification. Dans le même rapport, a
rappelé l'avocat, les noms des personnes comme général Sékouba Konaté sont
expressément cités. Compte tenu de la logique de l'équité, Bah Oury pense que
l'ex ministre de la défense du CNDD devait être cité devant ce dossier au même
titre que le chef de l'Etat, commandant en chef des forces armées et Mamadouba
Toto Camara, l'ex ministre de la sécurité, mais qui est décédé. Le président de
l'UDRG répondait toujours aux questions de Me Hamidou Barry.
Alpha Condé accusé de
complot par le capitaine Moussa Dadis, Bah Oury ne partage pas cet avis.
Depuis le début du procès des événements du 28 septembre
2009, le capitaine Moussa Dadis Camara et ses avocats accusent Alpha Condé de
complot et pointent du doigt la complicité du commandant Aboubacar Sidiki
Diakité dit Toumba et du général Sékouba Konaté. Ils en veulent pour preuve
l'absence du Président du RPG le 28 septembre 2009 à Conakry. Interrogé à
propos ce mardi par Me Pépé Koulémou, Bah Oury s'est inscrit en faux avant de
donner sa version des faits. « Le 28 septembre 2009, les forces vives nationales,
de ce point de vue, ont été victimes d'un complot meurtrier. De notoriété
publique, vous savez que M. Alpha Condé était rarement en Guinée. Et ceux qui
faisaient fonctionner le parti c'était le secrétaire permanent, Dr Mohamed
Diané et tous les autres responsables. Donc c'est avec ceux-là que nous
traitions. Donc, son absence, du fait qu'il était à New-York en marge de la
Conférence annuelle des Nations unies, pouvait s'expliquer aisément », a-t-il
soutenu.
Lundi, mardi, mercredi, les trois jours ont suffi pour finir
avec l’interrogatoire de Bah Oury. Le procès est renvoyé au 27 mars pour la
comparution de nouvelles parties civiles.
Sékou Diatéya Camara