Trente années de prison ferme
pour l’ancien président du Faso Blaise Compaoré en exil en Côte d’Ivoire et
l’adjudant Hyacinthe Kafando en cavale, absents au tribunal. Vingt années fermes
pour le général Gilbert DIendéré. Ce sont les réquisitions du parquet militaire
de Ouagadougou contre les accusés emblématiques de l’assassinat de Thomas
Sankara et de ses douze compagnons, un jeudi noir d’octobre 1987, dans un
Burkina Faso en pleine révolution. En attendant les plaidoiries des avocats
des présumés coupables prévues pour ce mois de mars, il faut dire que la tenue
de ce procès constitue un tournant important dans la vie d’un pays confronté
aux attaques terroristes et où tous invoquent, jour et nuit, le retour de la
paix et de la cohésion sociale. A la fin du marathon judiciare, le peuple
pourra être libéré de ce fardeau qu’il a traîné sur des décennies.
Trente-cinq ans! Un temps si
long, mais si court pour que se tienne le procès de la mort d’un des héros de
la jeunesse africaine, père d’une révolution qui a fait de sa patrie, le «pays
des Hommes intègres» et du continent noir une terre d’espérance. Il s’appelait
Thomas Isidore Noël Sankara. Le «Che Guevara» africain n’avait que 37 ans
lorsqu’il a été fauché par les balles assassines d’un commando d’hommes armés.
C’était le jeudi 15 octobre de l’année triste 1987 au siège du Conseil de
l’Entente à Ouagadougou. Le coup d’arrêt asséné à la révolution était ainsi
consommé et l’espoir d’un avenir radieux brisé, pour des millions de jeunes qui
avaient trouvé leur étoile du berger en ce jeune et fringant capitaine
«anti-impérialiste, révolutionnaire, panafricaniste et tiers-mondiste».
Si la pilule de la tuerie de
«Thom Sank» a été des plus difficiles à faire passer par les nouveaux dirigeants
de l’ancienne Haute-Volta, rebaptisée Burkina Faso par l’idole du peuple, le
procès pour connaître la vérité sur les circonstances et les auteurs de la
tuerie sauvage qui l’ont emporté, était des plus incertains. Il était même
impossible, tant que le régime des rectificateurs était encore aux affaires.
Mais le camp qui réclamait
justice pour Thomas Sankara n’a jamais baissé les bras, tout comme d’ailleurs,
ceux qui avaient fait de cette affaire un fonds de commerce fructueux. Le
dossier dont l’instruction vivotait et qui avait comme connu un enterrement de
première classe, sera ressuscité à la faveur de la transition politique mise en
place au Burkina, à la suite de la démission de l’ancien président Blaise
Compaoré, sorti du jeu politique par une insurrection populaire.
La procédure relancée, passera
par toutes les péripéties, mais continuera son chemin. Même le coup de force
des militaires du lundi 24 janvier n’y mettra pas fin. Contrairement aux
rumeurs qui voyaient l’irruption des militaires, avec à leur tête le
Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, sur la scène politique comme un
frein au procès des assassins de Thomas Sankara et de ses douze compagnons,
commencé le 11 octobre 2021, ont vite changé de refrain. Le nouvel homme fort
de Ouagadougou, et ses collaborateurs, dont la plupart et lui, dans un passé
très récent, ont affiché leur opposition au coup d’Etat du général Gilbert
Diendéré en 2015, ont redonné toutes ses chances au procès de redémarrer, après
la remise en selle de la constitution.
Et tous les acteurs de ce procès
qui, bien entendu connaît ses scories, notamment la presqu’omerta sur les
imbrications à l’international dans cette page sombre de l’histoire du Burkina,
peuvent se targuer d’avoir fait œuvre utile, pour un pays qui est à la croisée
des chemins et entend se mettre aux pas du triptyque
Vérité-Justice-Réconciliation.
Sans doute que la poursuite de ce
procès jusqu’à sa fin, devrait servir de tremplin à la réalisation de ce vœu
cher de réconciliation qui ramènera tous les Burkinabè à boucher de leurs
doigts la jarre trouée.
W S