C’était donc un coup d’Etat! Lorsque que tôt le matin de ce dimanche, les tirs nourris provenant de plusieurs camps militaires ont réveillé les populations de Ouagadougou, de Ouahigouya et de Kaya, les «djihadophobes», se remémorant les attaques simultanées de l’ambassade de France et de l’Etat-major général des armées du Burkina, le 2 mars 2018, étaient persuadés que les «fous de dieu» étaient encore à l’œuvre. Les plus naïfs, eux, mangeaient, jusqu’à ce lundi, le plat chaud de la mutinerie, servi avec la sauce des revendications classiques qui va avec. Mais, les initiés et autres observateurs pointus de la chose militaire ont immédiatement pensé à un coup d’Etat. C’est toujours ainsi que ça commence, pour noyer le poisson dans l’eau. Ou c’est le peuple chauffé à blanc, parce que exaspéré par les exactions, mal gouvernance, brimades et oppression qui «contraint» les militaires à arbitrer le jeu socio-politique.
Ou bien ce sont les querelles
incessantes entre politiciens, de nature à pourrir la vie aux citoyens, qui poussent
les hommes en kaki à sortir de leurs casernes. Ou encore, ce sont tous ses
ingrédients auxquels s’ajoutent, comme au Burkina, l’incapacité des dirigeants
à assurer la sécurité et la quiétude aux populations en luttant efficacement
contre les attaques armées et en offrant, entre autres, aux Forces de défense
et de sécurité (FDS) des équipements adéquats de lutte et des conditions plus
dignes, qui provoquent les putschs. Avec ce cocktail déjà explosif, se conjugue
l’effet contagion qui peut venir directement du voisin. En l’occurrence le
Mali, pour le cas du Burkina.
En effet, alors que le Cameroun
accueille la Coupe d’Afrique des Nations qui en est à sa 33e édition, il se
joue dans une autre partie du continent, la coupe d’Afrique de l’ouest des coups
d’Etat! Après un dribble diabolique qui a désarçonné la défense malienne et son
libéro, feu Ibrahim Boubacar Keïta, le colonel Assimi Goïta a adressé une
courte passe au colonel Mamady Doumbouya qui, après avoir donné le tournis à
Alpha Condé, l’historique métronome de l’opposition devenu attaquant de pointe
de la présidence guinéenne, a fait un long centre vers au colonel Paul Henri
Sandaogo Damiba, qui, d’une tête imparable a cloué au pilori le gardien de but
burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré qui n’a jamais su bien choisir les hommes
qu’il faut pour constituer sa barrière. C’est ainsi que l’équipe des colonels,
profitant des défaillances de l’éternel arbitre, nommé Communauté économique de
l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui siffle toujours en retard, gérant les
conséquences, en ignorant les causes des fautes, continue de marquer des buts
applaudis par un public diversifié de peuples profondément déçus par leurs
dirigeants.
«La CEDEAO, à force de taper du
poing sur la table a fini par casser la table et n’effraie plus ces dirigeants
militaires», a d’ailleurs bien vu un internaute qui voulait sans doute,
caricaturer la défiance, ce fossé qui ne cesse de se creuser entre les peuples
de l’organisation sous-régionale.
Pourtant, avec ses acquis indéniables sur le plan de rapprochement des
différents pays, en matière commerciale et le rapprochement des pays par
l’absence de visa, de document unique et de la possibilité de fournir comme
document de voyage dans son espace, la carte nationale d’identité, etc., la
CEDEAO avait conquis les cœurs de ses populations et fait même des jaloux
auprès d’autres institutions du même genre sur le continent. Malheureusement,
elle fonctionne à géométrie variable et devient totalement aveugle, atone et
aphone face à l’oppression des peuples par leurs dirigeants et aux troisièmes
mandats antidémocratiques pour sortir la main lourde contre les prises de
pouvoir par les armes.
En tout cas, malgré la démission
de Roch Marc Christian Kaboré, la CEDEAO et la communauté internationale
lanceront bientôt des salves de sanctions, ciblées ou collectives. Si ces
mesures amènent les putschistes burkinabè à respecter les engagements qu’ils
ont pris et qui ont été applaudis par des populations qui les soutiennent, ce
sera un pas en avant qui pourrait atténuer le recul démocratique important que
vient de connaître le Burkina Faso, où il faut le dire les coups d’Etat ont
presque toujours constitué la dévolution du pouvoir entre deux régimes. Pour
l’instant, nous ne cesserons jamais de condamner, avec la plus grande fermeté,
l’irruption des militaires sur la scène politique où ils s’incrustent sans
vergogne, malgré toutes leurs promesses de départ. Question: maintenant qu’ils
ont déserté le front qui va combattre les terroristes et bandits qui écument le
Burkina et ses voisins qu’ils endeuillent au quotidien? Question encore: quel devenir pour les pays
du G5 Sahel dont trois sur les cinq, en l’occurrence le Mali, le Tchad et
maintenant le Burkina Faso sont dirigés par des juntes militaires? Vite la fin
de ce cycle de coups d’Etat, tout comme les 3è mandats qui ne portent presque jamais bonheur
aux pays où ils ont cours.
Wakat Séra