Quand l’investissement public erratique crève les plafonds de la dette ! (Enquête Mirador)

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  • 07 juin 2021 11:48

  • Economie

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Pour financer les investissements publics, le gouvernement guinéen, confronté ces dernières années à un tarissement de l’aide publique au développement et à une assiette fiscale insuffisante, a dû recourir à l’endettement. Une dette dont l’encours est reparti à la hausse, s’établissant à plus de 40% du PIB à fin 2015. Tandis que la dette structurée connait une progression de 8,2 % pour se situer à plus de 15 mille milliards, contre 13 mille milliards GNF en 2018.

On frôle déjà les 8 mille milliards GNF, à cause de l’augmentation de l’encours des bons du Trésor et des emprunts obligataires, qui sont respectivement de l’ordre de 4 mille 854 milliards GNF et mille 510,5 milliards GNF, respectivement. Il n’y a cependant pas feu au lac, car malgré cette dette abyssale, notre pays semble être dans les clous. La seule fausse note dans cette émission effrénée de dettes, c’est que les investissements ne servent parfois qu’à bâtir des éléphants blancs.

 En mars 2019, le Département des finances publiques du Fonds Monétaire International (FMI) a procédé à l’évaluation de la gestion des investissements publics en Guinée. Cette évaluation a été préparée par une équipe des services du FMI et repose sur des informations disponibles au moment où elle a été achevée, en juillet 2018. Les conclusions de cette évaluation peuvent être obtenues sur demande, adressée aux services publication du FMI.

 Les experts du FMI échangent avec de nombreux services

 Au cours de son séjour à Conakry du 3 au 17 mai 2018 afin de procéder à l’évaluation de la gestion des investissements publics, la mission a rencontré les institutions de la Présidence de la République, comprenant le Bureau central des études et projets, l’Administration et Contrôle des Grands Projets et des Marchés Publics, et la Direction Nationale du Patrimoine Bâti Public. Elle a été aussi reçue par la Cour des comptes. Elle a eu des séances de travail avec les hauts responsables de la plupart des directions nationales intervenant la gestion des investissements publics au sein du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF), du Ministère du Budget (MB), et du Ministère du Plan et de la Coopération Internationale (MPCI): les investissements publics, le Bureau d’appui technique aux études, le budget , le patrimoine de l’État et des investissements privés, la comptabilité matières et du matériel, le Trésor et de la comptabilité publique, le plan et de la prospective, le contrôle des marchés publics, la dette et l’aide publique au développement.

 D’autres structures impliquées dans la gestion des investissements publics également rencontrées

La mission a également rencontré la plupart des hauts responsables des structures impliquées dans la gestion des investissements publics (Bureaux stratégiques de développement, Directions des affaires administratives et financières, directions techniques, comptables des matières) des Ministères des secteurs suivants : Agriculture, Éducation, Santé, Travaux Publics (et Fonds d’Entretien Routier), Énergie et Hydraulique, Administration du Territoire et de la Décentralisation. Enfin, elle s’est aussi entretenue avec les représentants de certains partenaires techniques et financiers en Guinée.

La mission « constate » une augmentation de l’investissement public, chiffres à l’appui

 L’une des conclusions est que l’investissement public en Guinée a augmenté substantiellement au cours de ces dernières années. Rapporté au PIB, son niveau moyen a atteint 7 % entre 2012-15, contre 4 % entre 2000-10, mais demeure en deçà du niveau moyen des pays de l’Afrique sub-saharienne (ASS). Le taux d’exécution des dépenses d’investissements a été en progression, passant de 42% en 2015 à 75% en 2017. En moyenne, près de 70 % de cet effort d’investissement a été financé par les ressources intérieures.

 A quel taux se situe l’encours de la dette de l’Etat guinéen ?

Avec l’insuffisance des recettes fiscales et le tarissement progressif des flux d’aide publique au développement, une partie de l’investissement public a été financée par l’endettement.

En 2005, l’encours de la dette du gouvernement était de 100% du PIB, avant de retomber à 27 % du PIB à la faveur de l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE en 2012. Reflétant en partie la reprise de l’investissement, la dette du gouvernement est repartie à la hausse, s’établissant à plus de 40% PIB à fin 2015.

L’endettement de la Guinée pourtant encadré par des dispositions de la CEDEAO avec des critères

L’endettement du gouvernement guinéen est encadré par des dispositions communautaires de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO). Fixés par la décision A/DEC.7/12/99 relative aux critères de convergence macroéconomique pour la mise en œuvre du programme de coopération monétaire de la CEDEAO, ces critères ont été révisés par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement le 19 mai 2015 à Accra.

Ces critères sont désormais au nombre de six, dont quatre de premier rang et deux de second rang, comprenant la limite sur l’encours de la dette à 70 % du PIB. Ces règles communautaires ont été retranscrites dans la Loi L/2012/N°012/CNT portant loi organique relative aux lois de finances (LORF). Comme la LORF, son décret d’application D/2014/222 portant cadre de gouvernance des finances publiques dispose en son article 2 que les objectifs de la politique budgétaire doivent être conformes aux engagements pris par la Guinée dans le cadre d’accords internationaux relatifs en particulier à la CEDEAO.

Le Comité national de la dette publique (CNDP) dans la danse…

Un projet de Déclaration de la politique d’endettement public et de gestion de la dette publique existe. Cette déclaration donne un contenu plus opérationnel à l’objectif de viabilité de la dette publique. Elle servirait d’outil de référence au renforcement du cadre institutionnel de suivi, de contrôle et de gestion de l’endettement public. Son périmètre d’application s’étend à toute entité publique contractant ou consentant à une dette, ou bénéficiant d’une garantie souveraine. Ces entités doivent solliciter au préalable l’approbation du comité national de la dette publique (CNDP) sur rapport du Ministère de l’économie et des finances.

La Guinée respectait-elle ou pas ses engagements auprès du FMI pour ce qui est de la limite d’endettement conformément à la Facilité Élargie de Crédit (FEC) ?

En pratique, l’endettement du gouvernement guinéen est soumis aux limites plus strictes, convenues dans le cadre du programme soutenu par la Facilité Élargie de Crédit(FEC) du FMI. Ce programme, approuvé en décembre 2017, limite l’endettement non concessionnel du gouvernement à 1,85 milliards de dollars US, dont 1,2 milliards de dollars US réservés au financement du projet hydro-électrique de Souapiti, et 650 millions de dollars US au Financement de projets prioritaires d’infrastructures (énergie, transport, et éducation). L’engagement du gouvernement guinéen à respecter la limite d’endettement peut être aisément jaugé à l’aune des rapports de suivi trimestriels.

La Guinée dispose d’une bonne marge par rapport à la limite de 70% du PIB pour l’encours de la dette publique, même s’il faut être prudent

Sous la houlette du Comité national de coordination des politiques économiques, des rapports trimestriels sur les performances de la Guinée par rapport aux critères de convergence sont élaborés et transmis à la Commission de la CEDEAO. Il en ressort qu’à la faveur de l’allègement de la dette dont a bénéficié la Guinée suite à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2012, la Guinée dispose d’une bonne marge par rapport à la limite de 70 pour cent du PIB pour l’encours de la dette publique.

Cependant, le recours de plus en plus accru aux PPP pour la fourniture d’infrastructures en Guinée pourrait compromettre le respect de la limite d’endettement dans le futur. A fin 2017, le recensement des projets PPP par la DNPEIP indiquait un total de 25 contrats PPP signés entre 2012 et 2017, notamment dans l’énergie, le logement, et l’hôtellerie, d’une valeur d’environ 58% du PIB, mais deux (d’un montant total d’engagements d’environ 0.4 pour cent du PIB) seulement seraient actuellement en cours d’exécution.

Fin de la 1ère partie

 

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