Faudrait-il ramener l’organisation des élections au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation ou la laisser à la Commission électorale nationale indépendante ? Depuis des mois, la question revient fréquemment dans les débats et nourrit bien des interrogations. L’Association Guinéenne des Sciences politiques s’est appliquée à saisir la volonté des électeurs à travers un sondage. Le rapport est édifiant…
Tout a commencé fin décembre 2021 lorsque, à la surprise générale, le colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition prend un décret des plus controversés. Duquel il ressort qu’il revient dorénavant au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) d’organisation des élections politiques. Beaucoup de d’observateur n’en croyaient à leurs oreilles. Dans la polémique qui s’en est suivie, certains analystes et commentateurs, prenant avec appréhensions le décret, se sont livrés même à des interprétations erronées de son contenu.
Se disant surpris de l’étonnement auquel cette disposition a donné
lieu, le ministre Mory Condé a, lui-même, été obligé de préciser
que "dans tous les pays que nous prenons
comme modèle, c’est le ministère de l’Administration du territoire et de la
Décentralisation qui est l’organe chargé de gérer les élections''. Rappelant
que c’est à la suite d’une crise de
confiance entre les acteurs politiques qu’on est allé vers la CENI, à l’occasion
des élections communales de 2005. Plus loin,
le chef du département de de l’Administration du Territoire et de la
Décentralisation a révélé que le
coût de location du siège de la CENI était de 65 000 euros jusqu’à la
prise du pouvoir par le CNRD. « En
ce qui concerne le personnel, la CENI nous a présenté un effectif de 900 et
quelques personnes », a-t-il dénoncé. Faisant remarquer que les cadres de la CENI
qui se font appeler des techniciens sont tous des fonctionnaires du MATD, payés
à la fonction publique et, au même moment, contractuels au niveau du ministère du Budget.
C’est pour toutes ses raisons, à l’en
croire, que le CNRD et le gouvernement se sont dit qu’il fallait ramener les élections dans la maison mère et
permettre aux politiciens d’être dans un comité de veille qui sera associé à
toutes les étapes du processus électoral, comme quand ils avaient leurs
commissaires à la CENI.
Au niveau des politiques, des
leaders soutiennent la position des autorités de la transition. Le
président de l’ARENA, Dr Koureissy Condé par exemple propose, lui aussi, la nécessité
de supprimer la CENI et de revenir au principe républicain où c’est le
Ministère de l’Administration du Territoire qui gère les élections : «
on n’a pas besoin que 25 personnes se retrouvent pour gérer et finaliser à la
place de 15.000.000 de votants. »
Par contre, une autre franche importante de
politiciens s’oppose à l’option de ramener l’organisation des
élections au niveau de l’Etat. En première ligne, Dr Ousmane Kaba, président du PADES, qui dénonce notamment le risque d’impartialité et
le manque de compétence professionnelle requise des autorités administratives
déconcentrées en matière électorale. Pour lui, le pays a un mauvais souvenir
des opérations électorales organisées par l’Administration du
Territoire.
De toutes évidences, si on s’en tient
aux expériences vécues dans le pays, aucune des deux approches n’est
irréprochable, chacune ayant ses
avantages et ses conséquences. Cependant, selon une étude menée par l’Association
Guinéenne des Sciences Politiques (AGSP) dont le rapport est publié le 13 avril
dernier, la CENI reste l’organe de
gestion électorale favori des Guinéen en dépit des perpétuelles tensions
politiques autour de l’institution. En effet, 66, 63% des personnes
sondées sont favorables au maintien de la Commission électorale nationale indépendante.
Mieux, près d’un sympathisant sur
deux du RPG (48,7%) préfère
l’organisation des élections prochaines par une CENI composée de représentants
des partis politiques, de la société civile et de l’administration. Par contre, la
majorité des militants de l’UFDG (52%) sollicite une CENI d’experts électoraux
compétents pour la gestion du processus électoral. Une CENI technique avec une
composition politique est sollicitée de façon générale par les électeurs. Quoi qu’il en soit, les acteurs politiques de
camps opposés doivent apprendre à se faire confiance. Confiance qui, comme on
le sait, n’exclut pas le contrôle.
Gilles Mory Condé