En sortant du Palais Sekhoutouréa, de manière brutale et humiliante, le 5 septembre dernier, après onze ans de règne sans partage, le Pr Alpha Condé doit forcément méditer son sort. Dans le secret d’une introspection tardive, l’octogénaire doit sans doute avoir réalisé qu’il n’aurait jamais dû se fier aux sirènes révisionnistes que feu Kéléfa Sall avait dénoncées comme par prémonition. C’était à l’occasion de ce qui aurait dû être la seconde et dernière investiture de l’ex-opposant historique.
Le 5
septembre 2021, c’est désormais une des cimes de l’histoire guinéenne
mouvementée et digne des montagnes russes. Elle fixe dans le marbre le
sort d’un homme que Dieu et le peuple ont voulu grandir. Mais qui, lui,
choisira de sortir par le toit du Palais Sekhoutourea. Ce Palais présidentiel sous
les lambris duquel l’histoire l’a gracieusement logé, au détriment de 23 autres
candidats en 2010.
Opposant
historique, comme on l’étiqueta à l’occasion de la première élection dite
démocratique dans ce pays-martyre, Alpha Condé s’empara du pouvoir suprême en
Guinée, auréolé de ses décennies de lutte contre les dérives dictatoriales et
les gestions calamiteuses de Sékou Touré, Lansana Conté, Moussa Dadis Camara et
Sékouba Konaté.
Après une
élection dont le caractère trouble n’a toujours pas livré tous ses secrets, le
champion du RPG arc-en-ciel accède néanmoins au saint Graal au détriment d’un
Cellou Dalein Diallo, candidat de l’UFDG, qui n’a jamais cessé de contester
cette victoire au second tour de la présidentielle de 2010, un triomphe
visiblement tiré par les cheveux.
Seulement
voilà, cet ex-leader de la FEANF, rompu aux manœuvres politiciennes, devenu ivre
d’autorité, réduira son séjour à Sekhoutouréa en une sombre partie de jeu de
poker-menteur. Ni la loi, ni les accords politiques, ni les promesses, ni même
les serments prêtés la main sur la constitution, plus rien ne valait aux yeux de
cet universitaire, pourtant considéré comme le premier président guinéen au rang
d’intellectuel de haut vol.
Alpha Condé,
au pouvoir, ce sont des scènes macabres de tueries de manifestants,
d’embastillement d’opposants, de sanctuarisation du vol de deniers publics et
de gabegie. Ses onze ans de règne, c’est aussi des discours aux accents
injurieux où les Guinéens sont traités de tortues, alors que ses opposants sont
assimilés à des chiens qui aboient.
Fort de ses
pouvoirs d’hyper-président, celui qui incarnait pourtant tant d’espoirs, dériva
et s’enferma dans son palais glacial, s’y plaisant apparemment comme dans une
tour d’ivoire.
L’overdose du
pouvoir lui avait si pernicieusement affecté la vue, qu’il ne voyait guère plus
loin que les murs de son immense palais au style mandarin. Et au mépris des
valeurs démocratiques pour lesquelles il s’est battu quarante ans durant, comme
il se plaisait si souvent à nous le seriner, les notions de justice équitable,
de gouvernance vertueuse et d’alternance démocratique n’avaient plus ni sens,
ni goût pour lui. Ainsi, il imposa aux Guinéens une nouvelle constitution, au
prix de dizaines de morts, de centaines de blessés et de dégâts matériels
incalculables. Après une présidentielle et une victoire au premier tour, faite
de bric et de broc, Alpha Condé s’octroyait un insipide 3ème mandat.
C’est ce
nouveau bail de trop, synonyme de trahison de la démocratie et de reniement de
soi, que le Colonel Mamady Doumbouya, a interrompu brusquement, le matin du 5
septembre 2021. Ejectant ainsi du fauteuil confisqué, un homme que l’histoire
destina à la félicité, mais qui aura gâché onze années de la vie d’un peuple.
Un peuple livré aux pires tribulations de ses élites.
Talibé Barry