Dans la continuité du 62ème sommet des chefs d’Etat de la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a décidé, le 4
décembre dernier, à Abuja au Nigeria, entre autres, de la création d’«une force
d’intervention contre le terrorisme et les changements anticonstitutionnels
dans la sous-région », les chefs d’Etats-majors de l’institution sous-régionale
étaient en conclave les 18 et 19 décembre derniers, à Bissau, pour discuter de
l’opérationnalisation de la force en attente. Une rencontre qui s’est tenue
dans la capitale bissau-guinéenne sans la présence du Mali, du Burkina Faso et
de la Guinée Conakry qui restent sous le coup de sanctions suite aux différents
coups d’Etat qui ont ouvert des transitions que la CEDEAO surveille comme du
lait sur le feu, à l’effet d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. En
tout état de cause, c’est une rencontre qui vient à point nommé ; tant la
situation sécuritaire qui impacte négativement la situation économique, est
fort préoccupante avec la menace terroriste qui s’étend aujourd’hui jusqu’aux
pays du littoral après avoir durement frappé ceux de l’hinterland.
Il ne faudrait pas que la lutte contre les coups d’Etat prenne le pas
sur la lutte contre le terrorisme
Et c’est tant mieux si les autorités
politiques, au plus haut sommet, ont pris conscience de la nécessité de fédérer
les énergies pour donner une meilleure réponse à un mal pernicieux qui ne cesse
de se métastaser au point de menacer certains Etats jusque dans leur existence.
Cela dit, on peut comprendre que l’institution d’Abuja reste fidèle à ses
principes en n’acceptant pas de putschistes à ses rencontres régulières. Mais
concernant la question cruciale de la lutte contre le terrorisme qui est au
menu de cette rencontre de Bissau, on peut trouver à redire sur la mise à l’écart de pays comme le Mali et le Burkina
Faso qui constituent l’épicentre du péril djihadiste depuis près d’une décennie
et dont les changements anticonstitutionnels intervenus au sommet de l’Etat, se
justifient peu ou prou par la question sécuritaire. Il ne s’agit pas de
remettre en cause la fermeté dont veut faire montre la CEDEAO vis-à-vis des
putschistes de ces pays, mais de trouver la meilleure formule pour combattre,
dans une synergie d’actions, le mal du terrorisme à la racine dans la
perspective du renforcement de la stabilité des institutions dans la
sous-région. C’est pourquoi il ne faudrait pas que la lutte contre les coups
d’Etat prenne le pas sur la lutte contre le terrorisme. Attention donc à ne pas
laisser la proie pour l’ombre ! Car, si les coups d’Etat sont nocifs à la
démocratie, le terrorisme l’est encore plus parce que c’est la survie même de
nos Etats qui est parfois en jeu. Comme c’est le cas au Burkina Faso et au Mali
où le président du Haut conseil islamique, Cheick Chérif Ousmane Madani
Haïdara, est récemment sorti de sa réserve pour demander à ses coreligionnaires,
de briser le silence en disant la vérité aux autorités de la transition sur la
dégradation continue de la situation sécuritaire dans leur pays.
La CEDEAO doit être conséquente avec elle-même
Autant dire que si la solution à la lutte
contre le terrorisme dans la sous-région ouest-africaine, doit passer par
Bissau, il faut impérativement clarifier le rôle de la force en attente de la
CEDEAO pour qu’elle ne paraisse pas plus une force destinée à protéger le trône
des princes régnants qu’à repousser l’hydre terroriste pour assurer la sécurité
des populations. C’est dire si sous le parapluie de la lutte contre le
terrorisme, cette force en attente ne doit pas être destinée à servir les
intérêts des chefs d’Etat qui ne se sentent plus rassurés dans une sous-région
en plein recul démocratique, où aucun chef d’Etat ne se sent véritablement à
l’abri d’un coup d’Etat. Comment peut-il en être autrement quand des dirigeants
africains veulent ignorer la poutre des tripatouillages constitutionnels
devenus leur sport favori pour s’éterniser au pouvoir, pour indexer du doigt
les pronunciamientos ? C’est dire si la CEDEAO doit être conséquente avec
elle-même, en montrant autant d’engagement contre les tripatouillages
constitutionnels que d’énergie contre les coups d’Etat. Autrement, il y a à
craindre qu’elle ne se trompe de combat et continue de cristalliser
l’incompréhension et la rancœur de populations bien décidées à tourner la page
des dictateurs et de la démocratie en trompe-l’œil. La lutte contre le
terrorisme et pour la restauration de l’ordre constitutionnel passe aussi par
là.