L’actualité onusienne a été marquée, le 12 octobre dernier, par un vote
massif des Etats contre les « annexions illégales » russes en Ukraine. En
effet, ils étaient 143 sur 193 à avoir condamné, par leurs suffrages, les
annexions de la Russie des quatre régions ukrainiennes : Louhansk, Donetsk,
Zaporijjia et Kkerson. Il faut rappeler que la résolution portant
condamnation de ces annexions, a été portée par l’Ukraine et co-parrainée par
l’Union européenne. Les Etats qui ont pris fait et cause pour Moscou, se comptaient sur les
bouts des doigts. Ils étaient, en effet, cinq seulement à s’être exprimés en
faveur de l’Ours russe. Il s’agit de la Biélorussie, la Syrie, le Nicaragua, la
Corée du Nord et la Russie. De ces pays qui ont pris le parti de soutenir la
raison du plus fort, l’on remarque qu’il
n’y a point de pays africain. En mars dernier, seule l’Erythrée avait daigné
voter en faveur de la Russie. Cette fois-ci, elle s’est abstenue. Au total,
l’on note 19 abstentions parmi les Etats africains. 29 Etats africains se sont
positionnés ouvertement pour la cause de l’Ukraine. Par voie de conséquence,
ces derniers ont tourné le dos à Moscou. Parmi eux, l’on peut citer le pays de
la Teranga, c’est-à-dire le Sénégal de Macky Sall. En mars dernier, on se
souvient, ce pays, à l’instar de bien
d’autres Etats du continent noir, s’était illustré en s’abstenant. Cette
posture avait été décryptée, à juste titre, comme celle de la couardise. Ce
mercredi, le Sénégal a pris ouvertement le parti de l’Ukraine. Peut-on
interpréter cela comme l’un des effets induits par la récente visite africaine
du chef de la diplomatie ukrainienne ? C’est probable.
Il n’est pas exclu que cette dynamique évolue crescendo sur le
continent
En effet, le 3 octobre dernier,
Dmytro Kouleba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, avait entamé une tournée en
Afrique. Ses pas l’avaient guidé d’abord au Sénégal. Dans ce pays, le chef de
la diplomatie ukrainienne a plaidé la cause de sa patrie. En outre, il avait
tenu un discours prônant le renforcement de la coopération de son pays avec le
continent noir. Manifestement, on peut se permettre de dire que Dmytro Kouleba
n’a pas prêché dans le désert au Sénégal. En effet, quelque 8 jours seulement
après cette virée africaine, on fait le constat que le Sénégal a rejoint, avec
armes et bagages, le camp de Kiev. Le Gabon en a fait de même. L’Erythrée,
certes, n’a pas franchi ce pas, mais elle a tout de même mis de l’eau dans son
…thé, en passant du camp des soutiens inconditionnels de la Russie à celui des
abstentions. De ce qui précède, on peut dire que les lignes commencent à bouger
en faveur de l’Ukraine en Afrique. Et il n’est pas exclu que cette dynamique
évolue crescendo sur le continent, les jours et mois à venir. En effet, au
début de la crise, ils étaient nombreux, les pays africains qui ne voulaient
pas prendre le risque de fâcher l’ours russe en votant contre « son opération
spéciale » en Ukraine. Mais plus les jours passent, plus les choses sont en train
de tourner au vinaigre pour Poutine. Une victoire même de David (l’Ukraine)
contre Goliath n’est pas à exclure dans cette guerre, au regard des nombreux revers déjà enregistrés par l’armée
rouge sur le théâtre des opérations. Mais, il ne faut pas oublier que les pays
votent à l’ONU selon leurs intérêts. De ce point de vue, on peut s’attendre à
ce que des pays africains, à l’instar du Sénégal et du Gabon, basculent
prochainement et ouvertement dans le camp de l’Ukraine. En attendant, le Mali
et la Centrafrique qui convolent aujourd’hui en justes noces avec l’Ours russe,
n’ont pas daigné franchir le Rubicon, en votant contre la résolution
ukrainienne. Et cela devrait paraître gênant pour Moscou.
P Pickou