Les inondations au Pakistan qui ont noyé une partie des terres agricoles et la décision de l'Inde de limiter ses exportations de riz pourraient aggraver les tensions sur le front de la sécurité alimentaire dans les pays africains les plus dépendants des importations en provenance d’Asie.
Déjà confronté à la flambée des prix du blé et du maïs en
raison de la guerre en Ukraine, le continent africain pourrait également devoir
faire face à une augmentation des cours du marché du riz en raison des
inondations au Pakistan et de la décision de l’Inde de limiter ses
exportations.
L'Inde a en effet interdit la semaine dernière les
exportations de brisure de riz et a imposé un droit de 20 % sur les
exportations des qualités de riz supérieures. Avec cette mesure, le premier
exportateur mondial cherche à faire baisser les prix au niveau local après des
pluies de mousson inférieures à la moyenne.
Les exportations pourraient ainsi s’effondrer de 25 % dans
les prochains mois, selon le directeur de Satyam Balajee, le principal
exportateur de riz indien. "Toutes les céréales avaient augmenté, sauf le
riz. Désormais, il va rejoindre cette tendance", affirme Himanshu Agarwal,
interrogé par l’agence Reuters.
Dans le même temps, la Thaïlande et le Vietnam ont convenu
d’augmenter les prix pour mieux rémunérer leurs agriculteurs. "Il va y
avoir des tensions importantes sur la sécurité alimentaire dans de nombreux
pays", confirme Phin Ziebell, économiste agroalimentaire à la National
Australia Bank.
Dépendance au riz
asiatique
D’autant que la situation au Pakistan, confronté aux
conséquences d’inondations historiques, pourrait aussi peser sur les cours mondiaux.
"Le Pakistan est un gros exportateur de riz. Or, un tiers du pays est sous
l’eau et donc on a des risques à terme d’une augmentation du prix du riz sur le
marché international", note sur l’antenne de France 24, le chercheur
Nicolas Bricas, titulaire de la chaire UNESCO alimentations du monde.
Enfin, la forte demande chinoise pour la brisure de riz
destiné à remplacer le maïs devenu trop cher pour nourrir les animaux d’élevage
a eu tendance à faire grimper les prix ces derniers mois.
Une mauvaise nouvelle de plus sur le front de la sécurité
alimentaire en Afrique subsaharienne qui dépend très largement des importations
du petit grain blanc en provenance d’Asie. Selon RFI, l’Afrique pourrait
absorber cette année 40 % du commerce mondial de riz, soit 20 millions de
tonnes, un record.
"Le problème de cette dépendance vis-à-vis des
importations de riz est chronique et va durer", explique le chercheur au
CIRAD Patricio Mendez del Villar. "La production locale n’arrive pas à
suivre la courbe des besoins qui augmente avec la croissance démographique et
la croissance urbaine. En Afrique, le riz est préféré par les urbains car c’est
un produit prêt à l’emploi contrairement aux céréales traditionnelles comme le
mil et le sorgho qui nécessitent une préparation".
Une hausse des prix
qui devrait rester "contenue"
Si la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne ne
repose pas uniquement sur le riz, elle reste la deuxième céréale la plus
consommée après le maïs. Une flambée des cours serait un nouveau coup dur pour
des populations déjà fragilisées par la hausse du prix des denrées alimentaires
agricoles.
La situation est particulièrement critique dans la Corne de
l’Afrique en proie à une sécheresse historique. Du sud de l’Éthiopie au nord du
Kenya en passant par la Somalie, plus de 22 millions de personnes sont menacées
par la faim, selon l’ONU.
Cependant, malgré ces inquiétudes, les cours du riz ne
connaissent pas encore d’envolée et une augmentation des prix devrait rester
"contenue" et de courte durée, selon Patricio Mendez del Villar.
"La récolte principale dans les grands pays producteurs
et exportateurs (Inde, Thaïlande et Vietnam) va commencer d’ici quelques
semaines. Tout ce riz va s’ajouter à des stocks qui seront à leur maximum, ce
qui va pousser ces pays à vendre l'ancienne récolte pour faire de la place.
Cela devrait atténuer la pression sur le marché. On serait au mois de mars ou
avril, cela serait beaucoup plus problématique", analyse le spécialiste de
la filière riz.
Quant au Pakistan il n’exporte que 4 millions de tonnes de
riz par an contre 21 millions de tonnes pour l’Inde, "le marché devrait
donc pouvoir tenir le choc même si le Pakistan limite ses
exportations".
Source :
france24