Sécurité routière en Guinée : ce que recommande Dr Saïkou Oumar Baldé du CERF

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  • 17 juin 2022 16:31

  • Société

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La Guinée a enregistré de tragiques accidents de la circulation ces derniers jours avec une trentaine de morts. Alors que le gouvernement a annoncé une batterie de mesures pour stopper la saignée, des propositions viennent de personnalités diverses pour se pencher sur la problématique. Pour en parler, la rédaction de FIM FM a donné la parole à Dr Saïkou Oumar Baldé, dans la journée de ce jeudi, 16 juin 2022.

Dr. Saïkou Oumar BALDÉ, est Docteur en Science Politique, spécialiste des organes de gestion des élections en Afrique de l’Ouest. Il est directeur du cabinet d’études sociologiques et politiques (CERF), Enseignant-chercheur et consultant international sur les transitions démocratiques, les processus électoraux et la gouvernance publique en Afrique noire francophone. Il a fait plusieurs publications nationales et internationales dans des revues à comité de lecture (ouvrages, articles scientifiques, études sociologiques et politiques, rapports, etc.).

Dr Baldé est auteur d'une étude Sécurité Routière en Guinée, Enquête sur le sentiment d'insécurité et les causes perçues d'accidents à Conakry, publiée en 2021.

Que vous inspirent ces accidents successifs qui ont endeuillé de nombreuses familles à travers la Guinée ?

Ces vraiment regrettable et permettez-moi d’avoir une pensée pour les victimes et leurs familles. Des drames qui viennent alourdir la liste des victimes de nos routes. Les accidents dans notre pays sont de plus en plus meurtriers et fréquents. La sécurité routière est en forte dégradation depuis plusieurs années. L’accidentalité et le nombre de morts et de blessés sur nos routes sont en forte augmentation et la période hivernale ne va pas résoudre le problème.

Que peut-on retenir des causes de ces multiples accidents ?

Le centre de recherche que je dirige (CERF) en partenariat avec l’Agence africaine de communication publique et institutionnelle (AGACOMPI) a effectué une étude sur la SÉCURITÉ ROUTIÈRE EN GUINÉE : Enquête sur le sentiment d’insécurité et les causes perçues d’accidents à Conakry. Une enquête publiée en janvier 2021 et qui avait pour objectif d’interroger les usagers des routes sur le sentiment d’insécurité et les facteurs d’accidents à Conakry. Et cela devait permettre d’améliorer les connaissances des phénomènes d’insécurité routière en Guinée, car les analyses élaborées par la police routière et le ministère des Transports se basaient uniquement sur l’exploitation de statistiques d’accidents. 

Les causes des accidents de la route selon nos résultats de 2021 (d’un point de vue de la perception des usagers) sont multiples et variées. Ils montrent que la principale cause d’accident à Conakry par exemple c’est les dépassements dangereux et les vitesses excessives. Les usagers estiment à 40,5 % que c’est le principal facteur d’accident. Viennent ensuite les conducteurs de taxis-motos qui sont cités en deuxième position (21,3 % des usagers). Depuis quelques années, les taxis-motos prolifèrent dans la capitale guinéenne et les accidents impliquant les motos se multiplient. S’ensuivent l’utilisation du téléphone au volant (7,9 %), l’alcool et les produits stupéfiants (6,8 %), le non-respect des panneaux de signalisation (4,9 %), l’état des routes (4,8 %), les défaillances mécaniques des véhicules (4,4 %), le refus d’accorder la priorité (3,5 %), le manque de vigilance des piétons (3,2 %) et enfin la non-utilisation des passages pour piétons (2,7 %).

Encore, ces données ne concernent que les résultats d’une étude à Conakry (uniquement).

Il serait très bénéfique pour la Guinée, si le ministère de la Sécurité en collaboration avec les hôpitaux du pays et le ministère des Transports faisaient un travail plus exhaustif en recoupant les enquêtes (s’il y en a) après les accidents, pour publier les causes réelles de ces accidents.

Quelles sont les couches sociales les plus touchées par ces accidents ?

Il est très difficile de faire cette stratification, car ne disposant pas d’informations sur les accidents et les victimes. Ces informations doivent être fournies par les autorités qui disposent de plus de moyens pour faire des rapports chaque année sur les accidents avec les données sociodémographiques des victimes de la route.

Disposez-vous de bilan chiffré du nombre de victimes ?

A l’occasion de la journée africaine de la sécurité routière en novembre 2018, le ministre des Transports, Aboubacar Sylla affirmait que « selon les statistiques non exhaustives des services spécialisés de la police et de la gendarmerie, 21 890 cas d’accidents se sont produits durant les cinq dernières années sur les routes guinéennes avec 2 781 tués et 13 711 blessés qui, parfois décèdent après ou se retrouvent handicapés à vie ». J’estime que ces données sont largement sous-évaluées, et que le nombre de victimes serait très au-dessus.

Quelles solutions préconisez-vous pour freiner cette hémorragie ? Éducation citoyenne ? Répression ? Renforcement de la législation ?

Je vais reprendre ici un certain nombre de recommandations que nous avions formulées dans le cadre de la dernière étude réalisée. Nous estimons que les autorités doivent mettre en place un observatoire qui regroupe les acteurs de la sécurité routière, les syndicats, les hôpitaux, les autorités du Centre d’Administration Automobile de Conakry (CADAC) pour non seulement faire des enquêtes sur les causes réelles de ces accidents, mais aussi lutter contre les infractions et fraudes comme le trafic de faux permis.

Il est fondamental de vulgariser davantage le contenu du Code de la route à tous les usagers à court terme et à long terme.

Améliorer les infrastructures et multiplier l’installation des panneaux de signalisation.

Rendre obligatoire et systématique la vérification des résultats de l’examen du permis avec un système de contrôle plus strict sous la direction du ministère de la Sécurité.

Voilà quelques éléments qui pourraient aider à renforcer la sécurité sur nos routes et réduire les accidents. 

Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo

 

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