Yewwi Askan Wi avait maintenu son appel à la mobilisation malgré
l'interdiction décrétée par le préfet et des échauffourées dans plusieurs quartiers.
La principale coalition de l'opposition conteste le rejet de sa liste nationale
menée par Ousmane Sonko pour les législatives prévues le 31 juillet. Trois
personnes sont décédées vendredi, selon plusieurs sources, un chiffre non
confirmé par les autorités.
Des heurts et des rassemblements
ont éclaté de manière éparse dans la capitale. D’abord à Cité Keur Gorgui près
du domicile d’Ousmane Sonko, ou un important dispositif de sécurité a été
déployé vendredi. Là-bas, des partisans de l’opposant ont été dispersés avec
des gaz lacrymogènes après la prière, en tout début d’après-midi. L'opposant
lui était bloqué à son domicile, encerclé par les forces de sécurité.
Des échauffourées se sont
également produites aux abords de la place de la Nation, où le rassemblement de
l’opposition était annoncé à partir de 15h. Pneus brûlés, poubelles incendiées,
puis, là encore, des tirs de gaz lacrymogènes. Une épaisse fumée noire s'est déclarée
autour de l’obélisque. Il y a eu ensuite des va-et-vient entre forces de
l’ordre et groupes de manifestants, parfois munis de masques et de vinaigre
pour se protéger les yeux.
« Nous voulons, en tant que
citoyen sénégalais, dire ici au président de la République qu'il n'est pas
question de choisir ses adversaires puisque le champ politique est libre et
accessible à tous ceux qui le veulent. S'il continue à barrer la route aux listes
de Yewwi Askan Wi et aux autres listes, les Sénégalais sortiront dans la rue
pour manifester », clame un jeune manifestant.
Amadou Samba Guèye, 27 ans, s'est
déplacé car il craint surtout une éventuelle troisième candidature du président
Macky Sall en 2024 : « Nous on ne veut pas d'un troisième mandat, mais c'est
leurs intentions. Pourquoi ils ne nous laissent pas manifester ? C'est notre
droit ! C'est hyper injuste. »
Des femmes, elles, sont venues
pour défendre le pouvoir d’achat : « On est fatiguées ! tout est cher ! »,
disent-elles en écho dans le micro.
À quelques mètres du face à face,
Mohammed, mécanicien, est impassible. Il ne comprend pas cette montée de
tensions et veut simplement pouvoir travailler.
Trois morts
Des tensions ont aussi eu lieu
dans le périmètre de l’axe routier de la VDN, où se trouve le siège du parti de
Déthié Fall, mandataire de Yewwi Askan Wi. Selon la coalition, Déthié Fall a
été arrêté aux alentours de 16h. Il est en garde à vue à la section de recherches
pour « appel et participation à une manifestation interdite », précise son
avocat.
Concernant le bilan des
échauffourées, à ce stade, la Croix-Rouge sénégalaise confirme avoir pris en
charge un corps sans vie, calciné, d’un adolescent décédé dans l’incendie d’une
gargote dans le quartier de Colobane. Le défunt a d’abord été emmené au
commissariat de police des HLM avant d’être déplacé à la morgue de l’Hôpital
principal de Dakar.
La coalition Yewwi Askan Wi avait
également appelé à un rassemblement à Ziguinchor en Casamance, au sud du pays.
Là encore, la manifestation avait été interdite par la préfecture. Le bilan
dans cette région du Sénégal est de deux morts, selon l'opposition. L’activiste
Guy Marius Sagna - de Frapp France Dégage - a assuré que l’un d’entre eux avait
reçu une balle dans le cou lors de la manifestation. Dans sa déclaration de
vendredi soir, Ousmane Sonko a promis que « ces crimes de plus ne resteront pas
impunis »
Seydi Gassama, directeur exécutif
d’Amnesty International Sénégal, a demandé sur Twitter à ce que « tous les
corps des personnes décédées suite aux manifestations soient autopsiés avant
d'être remis aux familles pour inhumation ». « Une étape importante de la
recherche de la vérité sur les causes et les circonstances de leur décès »,
ajoute-t-il.
Réactions des coalitions
« Nous venons de vivre une
journée qui s’inscrit dans la droite ligne de ce qu’on a vécu il y a peine un
an et demi », a déclaré Ousmane Sonko vendredi soir, en référence aux émeutes
meurtrières de mars 2021. L’opposant à dénoncé des violations du droit de
manifester, de sa liberté de mouvement, et de la liberté de culte.
De son côté, la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar a salué dans un communiqué « la maturité démocratique » du peuple sénégalais « qui n’a pas répondu à l’appel insurrectionnel de la coalition Yewwi Askan Wi », accusée « d’irresponsabilité et d’immaturité ». Benno Bokk Yaakaar a félicité « l’efficacité de l’action publique à faire respecter la loi et maintenir l’ordre ». « Les Sénégalaises et Sénégalais iront aux urnes, normalement et en toute sécurité », a poursuivi la majorité
Rfi