Trois morts, de nombreux blessés et au moins 200 arrestations. C’est le
triste bilan de la marche sanglante de ce vendredi dans les rues de Dakar et
d’autres villes sénégalaises. Tous les ingrédients étaient en place pour que
cette manifestation interdite se transforme en cocotte-minute dont le
sifflement ne fait qu’annoncer, une explosion socio-politique d’envergure si
les gouvernants et les leaders politiques n’adoptent un comportement de
gentleman, avant les législatives du 31 juillet.
Or, les militants de la coalition
de l’opposition, Yewwi Askan Wi, qui sont décidés à mettre du sable dans le
thiéboudiène de Macky Sall ne voudraient, pour rien au monde se limiter à cette
marche malgré les pertes en vies humaines et l’incarcération de ses militants
et leaders. Le pouvoir de Macky Sall, lui, oublie, ou feint d’oublier, que
c’est grâce à la mobilisation de cette même rue qu’il avait, en son temps,
réussi à écourter la longévité excessive que l’ancien président Abdoulaye Wade
voulait s’octroyer. Mais comme le boucher a peur du couteau connaissant assez
bien sa dangerosité, Macky Sall s’est vite engouffré dans la brèche grossière
ouverte par ceux d’en face.
Une faille de l’opposition qui a
consisté en l’inscription, sur la liste électorale nationale, de la même
personne comme titulaire et suppléante, pour éliminer un candidat au gabarit
imposant. En effet, la liste incriminée est celle conduite par le fougueux et
très populaire maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko. L’opportunité était trop
belle et si inattendue que le pouvoir ne pouvait pas ne pas la saisir! Et c’est
tant pis pour une opposition qui ne peut et ne doit s’en prendre qu’à
elle-même! Même si l’erreur est humaine, certaines ne sont pas à commettre, car
impardonnables!
Sauf que cet impair pouvait être
rattrapé, si le maître de Dakar ne s’était voulu aussi intransigeant, en
bloquant, par le biais des grands juges du Conseil constitutionnel, toute
possibilité à Yewwi Askan Wi de remettre de l’ordre sur sa liste. Les Sages
ont-ils vraiment fait preuve de sagesse? Sans doute pas, parce qu’ils auraient
pu redresser la barre. Mais, comme ailleurs sous les tropiques, la plupart des
institutions sont, question de stratégie politique, sous le contrôle du prince du
jour! Sauf que, cet acte a eu pour conséquence de contribuer à renforcer le
schisme entre l’opposition, avec elle une bonne partie du peuple, et le pouvoir
de Macky Sall. Ce qui fait craindre au droit-de-l’hommniste Alioune Tioune, la
période de «dégénérescence politique» que risque le Sénégal.
Le cycle sans fin des marches n’a
jamais été bon signe dans un pays où il est prêté au président la faiblesse de
succomber au charme du troisième mandat qui découle inévitablement des
charcutages de constitution, acte malheureux qui serait en préparation dans les
labos du pouvoir de Dakar. Toutefois, l’espoir est encore permis que le patron
de l’Union africaine (UA) fera mentir tous ces bruits qui ne sont, pour
l’instant que supputations. Le président de l’UA n’a donc pas droit à l’erreur,
lui qui essaie de rabibocher les parties russe et ukrainienne en conflit, tout
en oubliant que le feu couve dans sa propre maison. En tout cas, le Sénégal a
toujours été un pays de grande culture démocratique et ce serait dommage que ce
phare s’éteigne par la faute d’un seul homme. Pour l’instant, c’est la peur au
ventre que les populations attendent ces élections législatives, qui, selon le
président sénégalais ne seront point repoussées pour permettre des
réaménagements qui devraient servir à éteindre l’incendie en préparation.
Comme à l’accoutumée et ailleurs
sous les tropiques, le Sénégal va-t-il fait rimer élections avec violences?
Oui, si les positions demeurent aussi raides, tant du côté de l’opposition que
de celui d’un pouvoir qui, pourtant, a le devoir d’assurer la quiétude à son
peuple.
W S