Treize ans après les violences commises le 28 septembre 2009 au stade
de Conakry, le procès de l'ancien président guinéen Moussa Dadis Camara et de
10 autres anciens responsables politiques et militaires s’est ouvert mercredi
28 septembre en Guinée. Après des questions de forme, l'audience doit reprendre
le 4 octobre. Selon une enquête mandatée par l’ONU, 156 personnes ont été
tuées, au moins 109 femmes violées et des centaines de personnes blessées.
Il était 15h15 mercredi lorsque
le procès du 28-Septembre s’ouvre dans une salle archicomble. Le public s’est
déplacé en masse pour assister à ce procès historique, 13 ans après les
faits. Les 11 accusés, tous placés en
détention provisoire, sont tous là. Aux côtés du principal d’entre eux,
l'ex-président Moussa Dadis Camara, se trouvent plusieurs hommes forts de son
régime : son ancien chef de camp Toumba, l’ancien chef de la sécurité
présidentielle Claude Pivi, l’ex-ministre de la Santé Abdoulaye Cherif Diaby,
ou encore Moussa Tiegboro Camara qui était chargé de la lutte contre le trafic
de drogue.
La cour procède d’abord à la
lecture de l’ordonnance de renvoi, qui rappelle en détails les violences
commises le 28 septembre 2009. Dans la salle, le silence est lourd, l’ambiance
pesante, décrit notre envoyée spéciale, Bineta Diagne. À mesure que les
événements sont exposés, l’assistance s’enfonce dans l’horreur de cette journée
: les meurtres par arme à feu, par arme blanche de manifestants pacifiques, les
viols, les enlèvements, les tortures, le refus d’accorder des soins aux
blessés…
Devant les parties civiles et les
dizaines de caméras de télévision, les prévenus sont alors appelés les uns
après les autres à la barre pour décliner leur identité, raconte notre
correspondant, Matthias Reynal. Lorsque vient le tour de Moussa Dadis Camara,
plusieurs dizaines de personnes dans le public se lèvent spontanément comme un
seul homme pour l’observer. Vêtu d’un boubou blanc, l’accusé se lève et
s'avance lentement vers le pupitre en bois verni. Il répond d'une petite voix
pour donner son identité, son adresse, sa profession...
Le président lui rappelle les
faits qui lui sont reprochés : coups, blessures et violence volontaire au
stade, pillage de marchandise, incendie de magasins, enlèvement, torture,
séquestration de manifestants… L’ancien dirigeant reste imperturbable.
La défense et la partie civile se
font face à face. De chaque côté, une vingtaine d'avocats en robe noire.
La défense estime que les droits des accusés ne sont pas respectés
Dès l’ouverture l’audience, la
défense soulève une question : celle de la couverture médiatique. Au nom du
respect de la présomption d’innocence, les avocats de Moussa Dadis Camara et de
ses dix co-accusés refusent que les médias enregistrent et filment leur procès.
Une demande rejetée par le Procureur, Ibrahima Sory Tounkara : la Cour a
autorisé la présence de caméras dans le prétoire pour nourrir la mémoire
collective.
Les avocats de Moussa Dadis Camara estiment que certains
droits de leur client ne sont pas respectés. Maître Pépé Antoine Lama : «
Depuis hier soir, nous n’avons pas pris attache avec nos clients. Nous les
attendions au tribunal avant de faire les derniers entretiens, avant qu’ils ne
soient invités à comparaître à la barre du tribunal. Malheureusement, on a fait
comme si nous, avocats, étions intrus dans ce Palais de justice. On nous a
empêché d’accéder à nos clients. »
Défense et parties
civiles d'accord pour éviter un procès expéditif
La défense affirme avoir reçu les dossiers du procès la
veille de l’audience : elle demande du temps pour mieux se préparer.
Le procès doit reprendre mardi 4 octobre. D’ici là, chaque
partie compte affuter ses arguments sur le déroulement du procès.