Le sommet Russie-Afrique qui se tient ces 27 et 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg doit permettre à Moscou d’approfondir ses relations sur le continent et de jauger ses alliés. Beaucoup de choses ont changé depuis la première édition du sommet Russie-Afrique qui s’était tenue à Sotchi en octobre 2019. Ce nouveau rendez-vous devrait avant tout permettre à la Russie de compter ses soutiens, alors que l’Afrique s’est montrée particulièrement divisée sur la question de l’invasion de l’Ukraine, au moment de voter devant l’Organisation des Nations unies.
Quarante-trois
chefs d’État et de gouvernement avaient fait le déplacement lors du premier
sommet et la nouvelle photo de famille sera observée de très près, alors que la
Russie espère convaincre ses alliés de lui renouveler leur confiance.
Ces derniers
mois, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a multiplié
les visites sur le continent africain, alors que son homologue ukrainien se
trouvait en Guinée équatoriale quelques jours avant le début de ce sommet.
Durant les
semaines précédant ce rendez-vous crucial, la Russie a accusé les alliés
occidentaux de l’Ukraine – dont la France – d’avoir exercé des « pressions sans
précédent » pour dissuader les chefs d’États africains de se rendre à
Saint-Pétersbourg.
Le ministre
ukrainien Dmytro Kouleba a démenti ces manœuvres. En revanche, il a estimé que
ce sommet servira d’« instrument de propagande » à Vladimir Poutine, soucieux
de « blanchir sa réputation ».
Le président
russe, qui a visité l’Afrique subsaharienne une seule fois en vingt ans,
apparaît isolé sur la scène internationale et fragilisé dans son propre pays.
Après des mois de spéculation, Vladimir Poutine – qui est visé par un mandat
d’arrêt de la Cour pénale internationale – a notamment dû renoncer à participer
au sommet des Brics qui se tiendra fin août 2023 en Afrique du Sud.
Les céréales, un enjeu majeur
Au-delà de
l’aspect éminemment symbolique de ce sommet, la Russie promet « des annonces »
allant dans le sens d’un « meilleur accès à la nourriture, aux engrais, aux
technologies et aux ressources énergétiques » pour l’Afrique.
Moscou a
décidé récemment de ne pas renouveler sa participation à l’accord qui
permettait à l’Ukraine d’exporter ses céréales via la mer Noire, malgré le
blocus russe. Un retrait qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur
l’inflation et la sécurité alimentaire du continent où de nombreux pays
affichent une forte dépendance au blé russo-ukrainien.
Pour
faciliter ses exportations de céréales, de matériel agricole et surtout
d’engrais, la Russie réclame de son côté un allègement des sanctions
économiques qui la visent. En parallèle, Vladimir Poutine a d’ores et déjà
promis de « remplacer les céréales ukrainiennes à destination de l’Afrique » et
d’aider « les pays dans le besoin » à travers des donations spécifiques.
Moscou a
déjà procédé ces derniers mois à des dons stratégiques d’engrais à destination
de certains pays africains qui rencontrent des difficultés d’approvisionnement,
en faisant de son engrais un nouvel outil diplomatique.
L’avenir du groupe Wagner en question
La Russie
s'est en outre imposée entre 2018 et 2022 comme le premier exportateur d’armes
en Afrique subsaharienne, devant la Chine. Et, si ces exportations ne
représentent que 12% des ventes d’armes du pays, elles sont significatives sur
le plan stratégique.
En revanche,
la rébellion avortée du groupe Wagner à la fin du mois de juin a jeté un
certain trouble dans les esprits. Elle semble poser la question de l’avenir de
la milice russe sur le continent, particulièrement au Mali et en Centrafrique,
mais aussi au Soudan ou en Libye.
Dans une
vidéo postée depuis la Biélorussie, peu de temps après son bref coup de force,
le chef paramilitaire Evgueni Prigogine a néanmoins assuré que le travail des «
instructeurs » de Wagner se « poursuivrait évidemment » sur le continent.
Promesses non-tenues ?
Enfin, à
l’approche du sommet de Saint-Pétersbourg, de nombreux observateurs ont pointé
les manquements de la Russie, qui n’a pas toujours agi à la hauteur de ses
engagements. En 2019, Vladimir Poutine avait notamment promis de « doubler dans
les cinq ans les échanges commerciaux » avec le continent. Pourtant, ceux-ci
ont enregistré un net recul entre 2018 et 2021, passant de 20 milliards de
dollars à 17,7 milliards de dollars – très loin derrière la Chine, l’Union
européenne ou les États-Unis.
De plus, 70%
de l’ensemble du commerce russe avec les pays africains se limite en réalité
aux quatre partenaires privilégiés que sont l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et
l’Afrique du Sud.
Certaines
voix critiques accusent donc la Russie de ne pas être particulièrement
intéressée par le développement du continent, mais de chercher uniquement à se
positionner comme un partenaire incontournable pour les pays africains, déçus
par leurs relations avec les puissances occidentales.
Radio France Internationale