A quelques heures des élections générales (présidentielle,
parlementaires et municipales) prévues pour se tenir le 24 juin prochain, en
Sierra Léone, Freetown retient son souffle. En effet, la tension est montée de
plusieurs crans depuis que le principal candidat de l’opposition, Dr Samura
Kamara du Congrès de tout le peuple (APC), a exigé la démission du président de
la Commission électorale ainsi que celle de tous les commissaires électoraux. Il
leur reproche d’avoir produit des listes électorales truffées d’irrégularités
dans le but de favoriser le candidat du parti au pouvoir qui n’est personne
d’autre que le président Julius Maada Bio qui veut se succéder à lui-même. Et
ce n’est pas tout. Car, entre autres, l’opposition dénonce la mauvaise qualité
des cartes d’électeurs et le système de décompte des voix dans les centres de
vote et districts ainsi que le transfert manuel et électronique des suffrages.
Ainsi donc, le décor est planté. Car, ces griefs formulés contre l’instance
électorale sierra-léonaise ne présagent rien de bon, surtout dans ce petit pays
dont l’histoire s’est écrite en lettres de sang. On a encore en mémoire la
terrible guerre civile qui a secoué le pays pendant plus d’une décennie
(1991-2002) et qui a coûté la vie à plus de 120 000 personnes sans compter les
milliers de civils mutilés. Mais en dépit de ce passé pour le moins douloureux,
la Sierra Léone, depuis quelques années, a su se relever tant et si bien que
malgré son taux d’inflation très élevé, le pays se place en 179e position dans
la liste des pays les plus riches du monde avec un PIB (Produit intérieur brut)
atteignant 406 euros par habitant.
Les acteurs politiques sierra-léonais doivent tous privilégier
l’intérêt supérieur de la Nation
Certes, ces données ne font pas de la Sierra
Léone, ce que l’on appelle un tigre ou un dragon ; loin s’en faut. Mais à tous
le moins, le pays se caractérise par une stabilité politique encourageante que
les turpitudes des hommes politiques, si l’on n’y prend garde, pourraient
remettre en cause. Certes, l’opposition politique a peut-être raison de
demander la dissolution de la Commission électorale, surtout que cette dernière
reconnaît, elle-même, avoir transmis, par erreur, une mauvaise copie de la
liste électorale aux partis politiques. Elle a donné des verges pour se faire
fouetter si bien qu’elle se doit de s’assumer pleinement. Cependant,
l’opposition ne pousse-t-elle pas trop loin le bouchon en allant jusqu’à
réclamer le départ du président de la Commission électorale et ce, alors même
que l’on est à la veille du scrutin ? Certes, comme on le sait, en politique,
tous les coups sont permis mais force est de reconnaître que les insuffisances
relevées par l’opposition ne sont pas propres à la Sierra Léone. En effet,
comparaison n’est pas raison mais très rarement, un fichier électoral a fait
l’objet de consensus en Afrique. Des tiraillements et chamailleries, il n’en
manque pas mais dans bien des pays, la raison finit toujours par l’emporter.
C’est du moins ce qu’on attend aussi les acteurs politiques sierra-léonais qui
se doivent de tout faire pour ne pas réveiller les vieux démons. Pour cela, ils
doivent tous privilégier l’intérêt supérieur de la Nation.