Il y a presque dix jours, les autorités de transition maliennes avaient
annoncé avoir déjoué une tentative de coup soutenue par un « État occidental ».
Le gouvernement de Bamako s'était alors engagé à mettre les personnes arrêtées
à la disposition de la justice. Depuis, plus aucune communication officielle.
Le flou le plus total règne autour de cette tentative de putsch présumée et de
son traitement judiciaire.
Le 16 mai dernier, par
communiqué, les autorités maliennes expliquaient qu'un « groupuscule
d'officiers et de sous-officiers anti-progressistes maliens », « soutenus par
un État occidental », avait tenté de renverser le régime dans la nuit du 11 au
12 mai. Elles avaient annoncé des interpellations.
Le lieutenant-colonel Amadou
Keïta est le plus gradé des présumés putschistes arrêtés. C'est ce qu'ont
confirmé plusieurs sources judiciaires, ainsi que des responsables du Conseil
national de transition. En tant que membre lui-même du CNT, le
lieutenant-colonel Keïta bénéficie d'ailleurs de l'immunité parlementaire
habituellement dévolue aux députés.
Le règlement intérieur du CNT
prévoit que seule une commission ad hoc, « dont la taille et la composition
sont fixées par la plénière », peut lever cette immunité, après audition de
l'intéressé. Un élément que devra prendre en compte le juge d'instruction en
charge du dossier, s'il en a bien été saisi.
Communiqué publié le 16 mai par
les autorités de Bamako, dénonçant une tentative avortée de coup d'État qui
aurait été menée par un « groupuscule d’officiers et de sous-officiers
anti-progressistes maliens », « soutenus par un État occidental ».
Communiqué publié le 16 mai par
les autorités de Bamako, dénonçant une tentative avortée de coup d'État qui
aurait été menée par un « groupuscule d’officiers et de sous-officiers
anti-progressistes maliens », « soutenus par un État occidental». © Facebook /
Matdmali
Pôle
judiciaire antiterroriste
Selon plusieurs sources
judiciaires maliennes concordantes, sept officiers et sous-officiers auraient
été présentés le mardi 17 mai devant le tribunal de la Commune VI de Bamako,
avant d'être placés sous mandat de dépôt.
Le dossier aurait été confié à un
juge d'instruction du pôle judiciaire spécialisé antiterroriste, un point que
le procureur du tribunal de la Commune VI et le juge d'instruction concerné au
pôle antiterroriste démentent respectivement, sans autre forme de précision.
Sollicitées par RFI, les institutions judiciaires officielles, dont le
ministère de la Justice, n'ont pas donné suite.
À ce jour, depuis le communiqué
initial, l'unique précision apportée par les autorités de Bamako est un démenti
sur le fait que l'arrestation d'un combattant de la CMA – les ex-rebelles
signataires de l'accord de paix de 2015 – serait liée à la tentative de putsch.
En dehors de ce démenti, rien depuis l'annonce fracassante faite le lundi 16 au
soir sur les ondes de l'ORTM, la télévision d'État au Mali.
Combien, qui et où sont les présumés putschistes ?
Magistrats, politiques,
défenseurs des droits humains... Nombreux sont ceux qui questionnent ce silence
des autorités : une instruction judiciaire a-t-elle réellement été ouverte ? Si
oui, à qui est-elle confiée ?
Il y a dix jours, le communiqué
gouvernemental affirmait que la traque d'éventuels complices se poursuivait.
Combien de personnes ont-elles finalement été arrêtées, et peut-être inculpées,
à ce jour ? Où sont-elles détenues ? Factuellement, les autorités maliennes n'ont
toujours rien révélé des actes posés, dans cette mystérieuse nuit du 11 au 12
mai, par les putschistes présumés. Les faits qui leur sont reprochés n'ont
jamais été communiqués.
Tentative de coup déjouée ou purge au sein de l'armée ?
Un silence qui ne manque pas
d'alimenter les doutes de nombreuses sources judiciaires et politiques
maliennes, qui ne croient pas dans la réalité de cette tentative de coup
d'État, et estiment qu'il s'agit essentiellement d'une purge destinée à
étouffer des voix dissidentes au sein de l'armée.
L'arrestation de plusieurs
personnalités militaires ces derniers jours, dans le cadre d'une autre affaire
liée à de possibles malversations dans le budget de l'armée, contribue
également au flou général.
La France en « soutien » ?
Aucune précision n'a d'ailleurs été
communiquée non plus sur le rôle qu'aurait joué dans cette tentative de coup,
selon le communiqué gouvernemental du 16 mai, un « État occidental ». De quel
État s'agit-il ? Quel « soutien » a-t-il apporté ? La France n'a pas été citée,
mais elle est la cible récurrente des autorités maliennes de transition. En
février dernier, le Premier ministre de transition Choguel Maïga avait
d'ailleurs déjà accusé l'ambassadeur de France de planifier le renversement du
gouvernement malien, sans fournir davantage d'éléments.
Les sources diplomatiques
françaises jointes par RFI démentent et assurent n'avoir aucune information sur
cette tentative de coup d'État – pas plus que sur la précédente – dénoncée par
les autorités de Bamako.
Quatrième tentative de renversement selon Bamako
Au total, c'est la quatrième fois
que les autorités maliennes de transition dénoncent des tentatives de coup
d'État. En décembre 2020, l'ex-Premier ministre Boubou Cissé et l'animateur
radio Ras Bath, entre autres, avaient été inculpés pour ce motif avant d'être
blanchis, quatre mois plus tard, par la justice malienne.
Le dernier cas concerne l'ancien
secrétaire général de la présidence, Kalilou Doumbia, l'ancien chef des
services de renseignement, le colonel-major Kassoum Goïta, et quatre autres
co-accusés. Tous ont été officiellement inculpés en novembre dernier après
avoir, pour certains, passé plusieurs semaines dans les geôles de la Sécurité
d'État (les services maliens de renseignement), en dehors de tout cadre légal.
Leurs avocats ont dénoncé des actes de torture particulièrement violents. Les
six hommes sont toujours en détention et attendent d'être jugés