Cela fera bientôt deux ans que la Guinée se démène dans la grisaille d’une transition, dans l’attente d’un rayon de soleil salvateur. Mais cette transition que bien des Guinéens voulaient plutôt fugace, est en train de se dérouler à marche forcée. Au grand dam de tous ceux qui caressaient le secret espoir, de voir notre pays enfin débarrassé de ses vieux démons. Comment se défaire de ce boulet, revient à résoudre une énigme de haut vol.
Quand on
sait que la junte qui tient le gouvernail du vaisseau, n’obéit qu’à son
tropisme. Et de son chapeau, elle nous a sorti la bagatelle de 600 millions
d’euros comme le prix à payer pour s’affranchir de sa tutelle. C’est à prendre
ou à laisser.
Telle une
grosse pierre jetée dans le jardin de la Cédéao, dont l’ombre tutélaire plane
sur les transitions en cours dans la sous-région. Sur fond d’explications
vaseuses, d’un ministre de l’Administration du territoire et de la
décentralisation. Trônant à la tête du département charnière du gouvernement,
pour qui l’organisation des élections constitue le plat de résistance.
En attendant
que l’institution sous-régionale et les autres partenaires bi et multilatéraux
de la Guinée ne daignent mobiliser cette cagnotte digne de la caverne d’Ali
Baba, le pouvoir de Conakry rêve de transformer les rivières du sud en pays de
cocagne.
En mettant
plus du cœur dans la réalisation d’infrastructures immobilières et routières
dans les quatre coins du pays. Histoire sans doute pour le président de la
transition de laisser à la postérité, une empreinte de prince bâtisseur.
Cet âge d’or
de l’immobilier, favorisé par l’interventionnisme de l’État, pourrait toutefois
laisser la porte grandement ouverte à la corruption. Avec des marchés de gré à
gré, des passe-droits, et autres graissages de pattes, j’en passe et des
meilleurs. Certains magnats du béton, tels des pêcheurs en eau trouble, ne
pouvaient rêver mieux pour s’en mettre plein les poches.
De son côté,
la Cédéao qui était jusque-là à hue et à dia face aux régimes en porte-à-faux
avec l’ordre constitutionnel, vient de changer de braquet, en mettant le holà
aux velléités putschistes des hommes en treillis. Si l’on en croit en tout cas
les propos de son « timonier » Bola Tinubu, nouveau président du Nigeria, en
même temps président en exercice de la Cédéao, qui sentent le souffre.
Un discours
à la teneur d’une douche écossaise, administrée à l’axe Bamako, Conakry et
Ouaga, qualifié de « triangle des Bermudes » par leurs détracteurs. Sauf que
les hommes forts de ces États, mâtinés d’un souverainisme cocardier, n’ont cure
de ces injonctions. Qu’elles émanent aussi bien du gendarme de la sous-région
ou d’un sous-fifre.
Même si les
opposants à ces transitions, comme nos forces vives, pensent qu’il y a de quoi
pavoiser. Cela à juste raison. Car cette tirade ne pouvait que tomber à pic,
agissant ainsi comme un grand bol d’air sur les opposants au CNRD. Qui, il faut
le reconnaître, étaient en plein dépérissement, pour ne pas dire en pleine
déconfiture.
Dalein et
ses pairs peuvent donc boire du petit lait, en se faisant à l’idée qu’avec
l’effet Tinubu, le régime de Conakry ne pourrait que rentrer dans le rang. Ce,
conformément au chronogramme de 24 mois, fixé d’un commun accord avec la
Cédéao. Sans aucune possibilité de glissement.
Contrairement
à ce que prétendent certains observateurs, qui vont jusqu’à prêter au colonel
Mamadi Doumbouya, des velléités de candidature à la prochaine présidentielle.
Ce qui trancherait avec la profession de foi de l’homme, et la Charte de la
transition.
Il y a
certes cet aphorisme qui dit je cite : « qui veut faire l’ange, fait la bête ».
La nature humaine n’étant pas parfaite, chez les hommes de pouvoir, le loup
noir finit souvent par l’emporter sur le loup blanc. Soit.
D’autant que
révolution et mensonge sont liés, d’après Alexandre Soljenitsyne. Célèbre
dissident du régime soviétique.
Ceux qui
viennent parfois en sauveur voire en chevaliers blancs, au chevet d’un peuple
en déshérence, une fois confortablement installés au pouvoir, ont tendance à
s’y fossiliser. Lansana Conté, Eyadéma, Moussa Traoré, Mobutu, la liste des
hommes en treillis ayant rompu leurs serments est non exhaustive.
Des
contrevaleurs dont le colonel Doumbouya ne devrait guère s’inspirer.
D’ailleurs, sans faire preuve d’aucun angélisme, nous ne doutons nullement de
la bonne foi des autorités de la transition qui se disent disposées à ouvrir
les vannes, en faveur d’une transition inclusive.
Une main
tendue rejetée d’emblée par les frondeurs. Qui, après avoir refusé de rejoindre
la table de dialogue, restent sur leurs gardes. Arguant ne rien comprendre dans
les non-dits du drame qui se joue depuis le 5 septembre 2021 au pays de
l’Almamy Samory Touré.
Comme si la
transition avait désormais l’air d’une énigme de haut vol, que ne peuvent
percer que des thaumaturges de la trempe de Merlin l’enchanteur.
Mamadou Dian Baldé