Le secteur des BTP est un gouffre sans fond, où le pouvoir d’Alpha Condé, sous le fallacieux prétexte de construire des routes, aura plutôt jeté des milliards de nos francs. Sans que malheureusement les fruits ne tiennent la promesse des fleurs. Au grand dam d’un peuple réduit à gémir comme Job sur son grabat. Toute cette manne financière n’aura profité qu’à un réseau constitué de magnats des BTP et de cols blancs, qui avec les artifices des contrats gré à gré, avaient de quoi se pourlécher les babines.
C’est ce que démontre cette enquête qui lève un
coin du voile sur les fameux contrats passés avec l’entreprise EBOMAF SA, de
l’homme d’affaire burkinabè Mamadou Bonkoungou, pour la reconstruction et le
bitumage de la route nationale n°6 sur le tronçon Kissidougou – Kankan, la
construction et le bitumage de la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan –
Mandiana – Fleuve Sankarani avec GUITER SA, entre-autres.
Les institutions de Bretton Wood avaient émis des réserves sur les
contrats passés, à tour de bras par le gouvernement guinéen au début du premier
mandat du professeur Alpha Condé, dans les secteurs des BTP et de l’énergie,
notamment.
Que dire sur ces fameux
contrats qui se chiffraient à coût de milliards ?
Il faut rappeler qu’entre 2012 et 2014, le
gouvernement guinéen a signé des contrats qui avaient attiré les inquiétudes
des partenaires techniques et financiers, tels que la Banque Mondiale et le
Fonds Monétaire International (FMI). Il s’agit entre autres du contrat n°
2013/768/N portant travaux de construction et de bitumage de la voie express en
2x2 voies entre T7 (Sonfonia) et T11 (Kagbelen) avec GUICOPRES BTP SA ; du
contrat n°2015/024/GG pour des travaux de réhabilitation de la route Dabola –
Kouroussa et de l’avenant n° 1 avec GUITER SA ; du contrat n°2014/128 /G pour
construction et de bitumage de la route nationale n°7 (RN7) sur le tronçon
Kankan – Mandiana – Fleuve Sankarani avec GUITER SA; du contrat n°2013/766/N
marché de reconstruction et de bitumage de la route nationale n°6 (RN6) sur le
tronçon Kissidougou – Kankan avec EBOMAF SA.
En plus des BTP, il y avait aussi ces lampadaires disséminés aux
quatre coins du pays, des luminaires qui ont pali à la vitesse grand v, faute
d’entretien.
A ce niveau, nous avons le contrat n° 2014/240/N de fourniture,
d’installation et de mise en service de 30 000 lampadaires solaires
photovoltaïques en faveur des 33 préfectures et 304 CRD de la République de
Guinée avec le Groupement China Jiangsu International – ADS qui avait été
complété par la note sur le programme de fourniture, d’installation et de mise
en service de 30 000 lampadaires solaires photovoltaïques en faveur des 33
préfectures et 304 CRD de la République de Guinée avec le Groupement China
Jiangsu International – ADS ; et du contrat n°2014/202/G portant contrôle et
surveillance des travaux de reconstruction et de bitumage de la route nationale
n°6 (RN6) sur le tronçon Kissidougou – Kankan. Cette enquête s’appuie
sur les résultats d’un audit réalisé par la Cour des comptes en 2016.
Des
travaux qui mettent à nu les effets pervers du mécanisme de préfinancement des
marchés publics ?
Tout à fait, sur la période de référence de cet audit de 2016,
l’Etat Guinéen a passé plusieurs marchés de gré à gré, notamment dans le
domaine des travaux publics, avec préfinancement des attributaires desdits
marchés contre une garantie de paiement ou de remboursement délivrée par l’Etat
via la Banque Centrale (BCRG).
Des marchés audités
à la faveur de cette revue effectuée par la Cour des comptes ?
La revue de 2016 a porté sur onze des douze marchés concernés et
s’est attachée à :
Identifier l’architecture de ce mécanisme de préfinancement afin
d’en décrire les différentes étapes et d’en étudier les différents outils tels
que les engagements des banques primaires, les engagements de l’Etat (Ministère
des Finances et BCRG) et les protocoles signés entre les différentes parties.
Analyser le mode utilisé pour déterminer le montant des frais
financiers générés par le préfinancement et vérifier la conformité dudit mode
avec la règlementation bancaire en vigueur.
Evaluer le montage financier mis en place et vérifier sa
conformité avec les procédures en vigueur en matière des finances publiques,
notamment la programmation budgétaire (antériorité de la prévision budgétaire).
Décrire la procédure utilisée pour le paiement des marchés
préfinancés par les entreprises dans les conditions ci-dessus indiquées.
L’audit a déploré la
violation des textes en matière de passation des marchés publics de la part du
gouvernement dans la signature de ces contrats….
Les inspecteurs devaient faire le point des paiements effectués
pour chacun des marchés figurant sur la liste en annexe, et s’il y a des
retards de paiement, en indiquer les causes.
A ce stade, la mission d’audit note que la procédure de
Prefinancement Avec Garantie De l’État n’existe dans aucun texte en matière de
marchés publics. En effet, ni les différents codes (ceux de 1997 et de 2012) ni
leurs textes d’applications respectives n’en font mention. La mission arrive
donc à la conclusion que tous les marchés passés selon ce mécanisme ne sont pas
des marchés publics au sens des textes précités.
Quels
constats peut-on dresser au visa des résultats de cet audit ?
Dans le cadre de la revue des documents mis à notre disposition,
il ressort les principaux constats suivants : La
Non-conformité entre le mode de financement du marché fixé par le contrat et la
lettre de garantie émise par la BCRG en faveur de la banque de l’Entrepreneur.
En effet, selon les clauses du contrat, le marché doit être entièrement financé
par l’entrepreneur et remboursé sur le Budget National de Développement (BND)
sur une période, généralement, de 5 ans plus un (01) an de moratoire. Or, la
lettre de garantie émise fixe un échéancier de remboursement n’excédant pas un
(01) an.
Il y a ensuite le Non-respect des modalités de paiement définies
dans le marché. En effet, les paiements devraient se faire sur la base des
décomptes certifiés par la Mission de Contrôle (MDC) et établis par application
des prix unitaires du bordereau aux quantités des travaux réellement exécutés
constatées contradictoirement. Or, les paiements ont été effectués n’ont pas
sur la base de décomptes certifiés, mais plutôt en ne tenant compte que de
l’échéancier défini dans la lettre de garantie. Ces paiements ne correspondent
donc pas dans la majorité des cas à l’état d’avancement réel des travaux sur le
terrain.
La lettre de garantie émise ne prévoit aucune « condition
suspensive ».
Des entreprises auraient bénéficié de ces
paiements comme
Ebomaf, sans que les travaux ne soient exécutés. Par
quoi peut-on expliquez cela ?
Aucune clause de la lettre de garantie
ne prévoit la suspension des paiements en l’absence de décomptes non certifiés
par la mission de contrôle. Cette insuffisance a eu pour conséquence le
paiement intégral d’un marché qui n’a connu aucun début d’exécution sur le
terrain car la lettre de garantie, une fois établie, devient exécutoire et ce,
de façon irrévocable et irréversible indépendamment du niveau d’avancement des
travaux sur le terrain. Le cas le plus illustratif est celui de l’entreprise
EBOMAF dont le détail est décrit ci-dessous.
Des marchés publics qui n’auraient servi qu’à enrichir des petits malins ?
L’attribution et l’exécution des
marchés publics devraient, en principe servir de moteur à la croissance de
l’économie guinéenne compte tenu de ses incidences sur le niveau de vie des
populations, de leur capacité de réduire la pauvreté et des revenus qu’ils procurent
aux services fiscaux. Malheureusement, tel ne semble pas avoir été le cas, si
se fie à ces cas-ci.
En effet, la présomption des réseaux de corruption ou de collusion
persistent.
Le constat porte spécifiquement sur le
cas des travaux de reconstruction et de bitumage de la route nationale n°6 sur
le tronçon Kissidougou Kankan soient 194 km, par l’entreprise Ebomaf. Un
contrat dont l’article 7 du contrat du 30 décembre 2013 stipule que le marché
sera entièrement financé par l’entrepreneur et remboursé sur le Budget National
de Développement sur 5 ans plus un an de moratoire. L’évidence est que la
lettre de garantie émise fixe un échéancier de remboursement sur un an. Alors
que l’audit des marchés publics de 2016 a observé une non-adéquation entre les
paiements et le niveau d’avancement des travaux sur le chantier situé entre
Kankan et Kissidougou.
On a
pourtant vu Ebomaf déménager à la cloche de bois, comme si cette entreprise
n’avait rien perçu de l’Etat guinéen ?
C’est tout à fait le contraire. Puisqu’au 30 juin 2015,
l’entrepreneur avait déjà perçu 50% du montant de son contrat qui est de 305
millions 824 mille 856,91 Euros (Toutes Taxes Comprises). Un constat qui selon
l’évaluateur ne correspondait pas à l’état réel d’exécution physique des
travaux.
L’entreprise ne demandait même pas une
prorogation du délai d’exécution des travaux, avant de tout abandonner, pour
quitter la Guinée ?
C’était faute de n’avoir pu mobiliser sur le chantier les
équipements nécessaires au bon fonctionnement des travaux. L’entrepreneur par
lettre du 29 juin 2015 demandait alors une prorogation de son délai contractuel
de 9 mois (le délai d’exécution des travaux avait été fixé à 36 mois). C’est
bon de le rappeler.
Ebomaf
était également en couple avec Guiter SA, pour la construction de la route
Kankan-Mandiana. Ce contrat-ci était-il clean ?
Pour son couple, Guiter, selon une fiche d’analyse des marchés
établie par un corps de contrôle consultée, un contrat passé en Guinée entre
une entreprise privée de droit guinéen et l’État Guinéen qui est libellé en
Euro est une violation du code des marchés publics et de la sincérité du taux
de change.
Un des exemples les plus illustratifs, le contrat de bitumage de
40 km constituant la route Kankan Mandiana- fleuve Sanakarani, constituant la
tranche ferme des 100 km marché, conclu le 15 mai 2014 pour une enveloppe de 35
millions d’euros TTC soit GNF 335 631 677 500.
Guiter reprend les choses en main à ce niveau, après le
départ d’Ebomaf ?
En ce qui concerne ces travaux de construction et de bitumage de
la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan-Mandiana de 100 Km (tranche ferme
de 40 Km) un rapport provisoire d’audit externe des marchés publics passés
entre 2013, 2014 et le premier semestre 2015 note que, l’entreprise accuse un
grand retard selon la mission de contrôle car aucun plan d’exécution n’était
disponible au démarrage.
Il y a
cependant un petit souci à ce niveau sur la source de financement. Qui de Guiter ou du BND ?
Sur la page de garde, tout comme à l’article 2, il est indiqué,
selon des corps de contrôle, que ce contrat est entièrement financé par le BND,
alors qu’à l’article 7 il est stipulé que ces travaux sont préfinancés dans
leur entièreté par l’entreprise GUITER qui se fera remboursée par le BND sur
une période de cinq ans allégés par un moratoire d’un an.
L’article 9 portant modalités de paiement indique que les
paiements dus à GUITER seront effectués sur la base des décomptes certifiés par
la mission de contrôle et établis par application des prix unitaires du
bordereau aux quantités des travaux réellement exécutés constatés
contradictoirement.
Quelle mission de contrôle ? N’est-ce pas le flou total qui entoure ces contrats ?
Encore fallait –il pour qu’il existe une mission de contrôle telle
que prévue à l’article 20 du même contrat. Les rapports de la direction
nationale, cités par une des sources consultées, soulignent qu’aucune mission
de contrôle n’a été recrutée pour superviser ces travaux. L’article
10 intitulé mode de paiement prévoit que l’administration se libérera des
sommes dues au titre du présent marché par règlement de la totalité du montant
TTC du marché en euro selon l’échéancier prévu dans la lettre de garantie
irrévocable à première demande de la BCRG, aux comptes de l’entrepreneur.
On se rend
bien compte que le Trésor public ne joue pas le rôle qui lui est dévolu, à
savoir vérifier l’exécution intégrale des travaux, avant tout paiement ?
Suivant une observation des sources consultées, la contradiction
majeure qui aurait dû alerter le Trésor
Public au regard de ses obligations de contrôle avant tout paiement entre les
modalités de paiement prévus à l’article 9 et le mode de remboursement
libératoire, intégrale et sans condition de l’article 10.
Ni
d’ailleurs le Ministère des TP ?
Pour accentuer le caractère exorbitant et onéreux de ce contrat,
il est prévu à l’article 33 que pour des besoins de nantissement éventuel que
le maître d’ouvrage, c’est à dire le Ministère des Travaux Publics (MTP)
délivrera à GUITER un exemplaire original unique dudit contrats à ces fins.
Ainsi le MTP qui a sollicité la dérogation au code des marchés
publics en vigueur pour passer ce marché va également contribuer à
l’enrichissement privé de son cocontractant en lui permettant d’user ce contrat
en guise de nantissement dans ses transactions commerciales privées.
Des
experts accusent le PM d’alors, Mohamed Saïd Fofana, a violé la loi. Que lui reprochent-ils ?
Pour des experts du domaine, en accordant la dérogation à la
procédure normale d’appel d’offre pour permettre au MTP qui a sollicité par
lettre n° 1246 / METPT/ DNI / 2013 du 20 décembre 2013 de passer par entente
directe (ED) les marchés de travaux de reconstruction et de bitumage de la RN
sur le tronçon Kankan-Kissidougou (194 km, EBOMAF), et la RN7 Kankan- Mandiana
– fleuve Sankarani (100km- GUITER), Monsieur le PM d’alors a violé l’article 45
de l’ancien code des marchés.
Cette disposition prévoit en effet que seul le PRG a le pouvoir
d’accorder une telle dérogation, nonobstant par ailleurs le caractère illusoire
de l’urgence invoquée pour y recourir.
La route
Kankan-Mandiana non plus tarde à être achevée par Guiter. Par quoi ce retard
peut-il s’expliquer ?
En ce qui concerne les travaux de construction et de bitumage de
la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan-Mandiana de 100 Km (tranche ferme
de 40 Km), pour un coût de 335 milliards 631 millions 677 mille 500 GNF en
faveur de Guiter SA, l’entreprise accuse un grand retard selon la mission de
contrôle car aucun plan d’exécution n’était disponible au démarrage.
Qu’en
est-il du tronçon Dabola-Kouroussa, où on est à près de 500 milliards de FG
comme coût d’exécution des travaux ?
Pour la réhabilitation de la route Dabola- Kouroussa, soit une
longueur de 151 Km pour une enveloppe de 435 milliards 556 millions 382mille
469 GNF (TTC), aussitôt ce marché a été immatriculé au Ministère de l’Économie
et des Finances le 27 février 2015, aussitôt il a été révisé en mars suivant
son avenant n°1 qui a modifié le montant du marché de base pour atteindre
désormais les 480 milliards 362 millions 889 mille 717 GNF (TTC) soit un plus
de 44,8 milliards GNF.
Une enquête réalisée par Akoumba Diallo