Travaux publics : Un trou sans fond (Enquête Mirador de FIM FM)

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  • 07 octobre 2021 16:10

  • Politique

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Le secteur des BTP est un gouffre sans fond, où le pouvoir d’Alpha Condé, sous le fallacieux prétexte de construire des routes, aura plutôt jeté des milliards de nos francs. Sans que malheureusement les fruits ne tiennent la promesse des fleurs. Au grand dam d’un peuple réduit à gémir comme Job sur son grabat. Toute cette manne financière n’aura profité qu’à un réseau constitué de magnats des BTP et de cols blancs, qui avec les artifices des contrats gré à gré, avaient de quoi se pourlécher les babines.

 

C’est ce que démontre cette enquête qui lève un coin du voile sur les fameux contrats passés avec l’entreprise EBOMAF SA, de l’homme d’affaire burkinabè Mamadou Bonkoungou, pour la reconstruction et le bitumage de la route nationale n°6 sur le tronçon Kissidougou – Kankan, la construction et le bitumage de la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan – Mandiana – Fleuve Sankarani avec GUITER SA, entre-autres.

 

Les institutions de Bretton Wood avaient émis des réserves sur les contrats passés, à tour de bras par le gouvernement guinéen au début du premier mandat du professeur Alpha Condé, dans les secteurs des BTP et de l’énergie, notamment.

 

Que dire sur ces fameux contrats qui se chiffraient à coût de milliards ?

 

Il faut rappeler qu’entre 2012 et 2014, le gouvernement guinéen a signé des contrats qui avaient attiré les inquiétudes des partenaires techniques et financiers, tels que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI).  Il s’agit entre autres du contrat n° 2013/768/N portant travaux de construction et de bitumage de la voie express en 2x2 voies entre T7 (Sonfonia) et T11 (Kagbelen) avec GUICOPRES BTP SA ; du contrat n°2015/024/GG pour des travaux de réhabilitation de la route Dabola – Kouroussa et de l’avenant n° 1 avec GUITER SA ; du contrat n°2014/128 /G pour construction et de bitumage de la route nationale n°7 (RN7) sur le tronçon Kankan – Mandiana – Fleuve Sankarani avec GUITER SA; du contrat n°2013/766/N marché de reconstruction et de bitumage de la route nationale n°6 (RN6) sur le tronçon Kissidougou – Kankan avec EBOMAF SA.

 

En plus des BTP, il y avait aussi ces lampadaires disséminés aux quatre coins du pays, des luminaires qui ont pali à la vitesse grand v, faute d’entretien.

 

A ce niveau, nous avons le contrat n° 2014/240/N de fourniture, d’installation et de mise en service de 30 000 lampadaires solaires photovoltaïques en faveur des 33 préfectures et 304 CRD de la République de Guinée avec le Groupement China Jiangsu International – ADS qui avait été complété par la note sur le programme de fourniture, d’installation et de mise en service de 30 000 lampadaires solaires photovoltaïques en faveur des 33 préfectures et 304 CRD de la République de Guinée avec le Groupement China Jiangsu International – ADS ; et du contrat n°2014/202/G portant contrôle et surveillance des travaux de reconstruction et de bitumage de la route nationale n°6 (RN6) sur le tronçon Kissidougou – Kankan. Cette enquête s’appuie sur les résultats d’un audit réalisé par la Cour des comptes en 2016.

 

Des travaux qui mettent à nu les effets pervers du mécanisme de préfinancement des marchés publics ?

Tout à fait, sur la période de référence de cet audit de 2016, l’Etat Guinéen a passé plusieurs marchés de gré à gré, notamment dans le domaine des travaux publics, avec préfinancement des attributaires desdits marchés contre une garantie de paiement ou de remboursement délivrée par l’Etat via la Banque Centrale (BCRG).

 

Des marchés audités à la faveur de cette revue effectuée par la Cour des comptes ?

 

La revue de 2016 a porté sur onze des douze marchés concernés et s’est attachée à :

 

Identifier l’architecture de ce mécanisme de préfinancement afin d’en décrire les différentes étapes et d’en étudier les différents outils tels que les engagements des banques primaires, les engagements de l’Etat (Ministère des Finances et BCRG) et les protocoles signés entre les différentes parties.

 

Analyser le mode utilisé pour déterminer le montant des frais financiers générés par le préfinancement et vérifier la conformité dudit mode avec la règlementation bancaire en vigueur.

 

Evaluer le montage financier mis en place et vérifier sa conformité avec les procédures en vigueur en matière des finances publiques, notamment la programmation budgétaire (antériorité de la prévision budgétaire).

 

Décrire la procédure utilisée pour le paiement des marchés préfinancés par les entreprises dans les conditions ci-dessus indiquées.

 

L’audit a déploré la violation des textes en matière de passation des marchés publics de la part du gouvernement dans la signature de ces contrats….

 

Les inspecteurs devaient faire le point des paiements effectués pour chacun des marchés figurant sur la liste en annexe, et s’il y a des retards de paiement, en indiquer les causes.

 

A ce stade, la mission d’audit note que la procédure de Prefinancement Avec Garantie De l’État n’existe dans aucun texte en matière de marchés publics. En effet, ni les différents codes (ceux de 1997 et de 2012) ni leurs textes d’applications respectives n’en font mention. La mission arrive donc à la conclusion que tous les marchés passés selon ce mécanisme ne sont pas des marchés publics au sens des textes précités.

 

Quels constats peut-on dresser au visa des résultats de cet audit ?

 

Dans le cadre de la revue des documents mis à notre disposition, il ressort les principaux constats suivants : La Non-conformité entre le mode de financement du marché fixé par le contrat et la lettre de garantie émise par la BCRG en faveur de la banque de l’Entrepreneur. En effet, selon les clauses du contrat, le marché doit être entièrement financé par l’entrepreneur et remboursé sur le Budget National de Développement (BND) sur une période, généralement, de 5 ans plus un (01) an de moratoire. Or, la lettre de garantie émise fixe un échéancier de remboursement n’excédant pas un (01) an.

 

Il y a ensuite le Non-respect des modalités de paiement définies dans le marché. En effet, les paiements devraient se faire sur la base des décomptes certifiés par la Mission de Contrôle (MDC) et établis par application des prix unitaires du bordereau aux quantités des travaux réellement exécutés constatées contradictoirement. Or, les paiements ont été effectués n’ont pas sur la base de décomptes certifiés, mais plutôt en ne tenant compte que de l’échéancier défini dans la lettre de garantie. Ces paiements ne correspondent donc pas dans la majorité des cas à l’état d’avancement réel des travaux sur le terrain.

La lettre de garantie émise ne prévoit aucune « condition suspensive ».

 

Des entreprises auraient bénéficié de ces paiements comme Ebomaf, sans que les travaux ne soient exécutés.  Par quoi peut-on expliquez cela ?

 

Aucune clause de la lettre de garantie ne prévoit la suspension des paiements en l’absence de décomptes non certifiés par la mission de contrôle. Cette insuffisance a eu pour conséquence le paiement intégral d’un marché qui n’a connu aucun début d’exécution sur le terrain car la lettre de garantie, une fois établie, devient exécutoire et ce, de façon irrévocable et irréversible indépendamment du niveau d’avancement des travaux sur le terrain. Le cas le plus illustratif est celui de l’entreprise EBOMAF dont le détail est décrit ci-dessous.

 

Des marchés publics qui n’auraient servi qu’à enrichir des petits malins ?

 

L’attribution et l’exécution des marchés publics devraient, en principe servir de moteur à la croissance de l’économie guinéenne compte tenu de ses incidences sur le niveau de vie des populations, de leur capacité de réduire la pauvreté et des revenus qu’ils procurent aux services fiscaux. Malheureusement, tel ne semble pas avoir été le cas, si se fie à ces cas-ci.

En effet, la présomption des réseaux de corruption ou de collusion persistent.

 

Le constat porte spécifiquement sur le cas des travaux de reconstruction et de bitumage de la route nationale n°6 sur le tronçon Kissidougou Kankan soient 194 km, par l’entreprise Ebomaf. Un contrat dont l’article 7 du contrat du 30 décembre 2013 stipule que le marché sera entièrement financé par l’entrepreneur et remboursé sur le Budget National de Développement sur 5 ans plus un an de moratoire. L’évidence est que la lettre de garantie émise fixe un échéancier de remboursement sur un an. Alors que l’audit des marchés publics de 2016 a observé une non-adéquation entre les paiements et le niveau d’avancement des travaux sur le chantier situé entre Kankan et Kissidougou.

 

On a pourtant vu Ebomaf déménager à la cloche de bois, comme si cette entreprise n’avait rien perçu de l’Etat guinéen ?

 

C’est tout à fait le contraire. Puisqu’au 30 juin 2015, l’entrepreneur avait déjà perçu 50% du montant de son contrat qui est de 305 millions 824 mille 856,91 Euros (Toutes Taxes Comprises). Un constat qui selon l’évaluateur ne correspondait pas à l’état réel d’exécution physique des travaux.

 

L’entreprise ne demandait même pas une prorogation du délai d’exécution des travaux, avant de tout abandonner, pour quitter la Guinée ?

C’était faute de n’avoir pu mobiliser sur le chantier les équipements nécessaires au bon fonctionnement des travaux. L’entrepreneur par lettre du 29 juin 2015 demandait alors une prorogation de son délai contractuel de 9 mois (le délai d’exécution des travaux avait été fixé à 36 mois). C’est bon de le rappeler.

 

Ebomaf était également en couple avec Guiter SA, pour la construction de la route Kankan-Mandiana. Ce contrat-ci était-il clean ?

 

Pour son couple, Guiter, selon une fiche d’analyse des marchés établie par un corps de contrôle consultée, un contrat passé en Guinée entre une entreprise privée de droit guinéen et l’État Guinéen qui est libellé en Euro est une violation du code des marchés publics et de la sincérité du taux de change.

 

Un des exemples les plus illustratifs, le contrat de bitumage de 40 km constituant la route Kankan Mandiana- fleuve Sanakarani, constituant la tranche ferme des 100 km marché, conclu le 15 mai 2014 pour une enveloppe de 35 millions d’euros TTC soit GNF 335 631 677 500.

 

Guiter reprend les choses en main à ce niveau, après le départ d’Ebomaf ?

 

En ce qui concerne ces travaux de construction et de bitumage de la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan-Mandiana de 100 Km (tranche ferme de 40 Km) un rapport provisoire d’audit externe des marchés publics passés entre 2013, 2014 et le premier semestre 2015 note que, l’entreprise accuse un grand retard selon la mission de contrôle car aucun plan d’exécution n’était disponible au démarrage.

 

Il y a cependant un petit souci à ce niveau sur la source de financement. Qui de Guiter ou du BND ?

 

Sur la page de garde, tout comme à l’article 2, il est indiqué, selon des corps de contrôle, que ce contrat est entièrement financé par le BND, alors qu’à l’article 7 il est stipulé que ces travaux sont préfinancés dans leur entièreté par l’entreprise GUITER qui se fera remboursée par le BND sur une période de cinq ans allégés par un moratoire d’un an.

 

L’article 9 portant modalités de paiement indique que les paiements dus à GUITER seront effectués sur la base des décomptes certifiés par la mission de contrôle et établis par application des prix unitaires du bordereau aux quantités des travaux réellement exécutés constatés contradictoirement.

 

Quelle mission de contrôle ? N’est-ce pas le flou total qui entoure ces contrats ?

 

Encore fallait –il pour qu’il existe une mission de contrôle telle que prévue à l’article 20 du même contrat. Les rapports de la direction nationale, cités par une des sources consultées, soulignent qu’aucune mission de contrôle n’a été recrutée pour superviser ces travaux. L’article 10 intitulé mode de paiement prévoit que l’administration se libérera des sommes dues au titre du présent marché par règlement de la totalité du montant TTC du marché en euro selon l’échéancier prévu dans la lettre de garantie irrévocable à première demande de la BCRG, aux comptes de l’entrepreneur.

 

On se rend bien compte que le Trésor public ne joue pas le rôle qui lui est dévolu, à savoir vérifier l’exécution intégrale des travaux, avant tout paiement ?

 

Suivant une observation des sources consultées, la contradiction majeure   qui aurait dû alerter le Trésor Public au regard de ses obligations de contrôle avant tout paiement entre les modalités de paiement prévus à l’article 9 et le mode de remboursement libératoire, intégrale et sans condition de l’article 10.

 

Ni d’ailleurs le Ministère des TP ?

 

Pour accentuer le caractère exorbitant et onéreux de ce contrat, il est prévu à l’article 33 que pour des besoins de nantissement éventuel que le maître d’ouvrage, c’est à dire le Ministère des Travaux Publics (MTP) délivrera à GUITER un exemplaire original unique dudit contrats à ces fins.

 

Ainsi le MTP qui a sollicité la dérogation au code des marchés publics en vigueur pour passer ce marché va également contribuer à l’enrichissement privé de son cocontractant en lui permettant d’user ce contrat en guise de nantissement dans ses transactions commerciales privées.

 

Des experts accusent le PM d’alors, Mohamed Saïd Fofana, a violé la loi. Que lui reprochent-ils ?

 

Pour des experts du domaine, en accordant la dérogation à la procédure normale d’appel d’offre pour permettre au MTP qui a sollicité par lettre n° 1246 / METPT/ DNI / 2013 du 20 décembre 2013 de passer par entente directe (ED) les marchés de travaux de reconstruction et de bitumage de la RN sur le tronçon Kankan-Kissidougou (194 km, EBOMAF), et la RN7 Kankan- Mandiana – fleuve Sankarani (100km- GUITER), Monsieur le PM d’alors a violé l’article 45 de l’ancien code des marchés.

Cette disposition prévoit en effet que seul le PRG a le pouvoir d’accorder une telle dérogation, nonobstant par ailleurs le caractère illusoire de l’urgence invoquée pour y recourir.

 

La route Kankan-Mandiana non plus tarde à être achevée par Guiter. Par quoi ce retard peut-il s’expliquer ?

 

En ce qui concerne les travaux de construction et de bitumage de la route nationale n°7 sur le tronçon Kankan-Mandiana de 100 Km (tranche ferme de 40 Km), pour un coût de 335 milliards 631 millions 677 mille 500 GNF en faveur de Guiter SA, l’entreprise accuse un grand retard selon la mission de contrôle car aucun plan d’exécution n’était disponible au démarrage.

 

Qu’en est-il du tronçon Dabola-Kouroussa, où on est à près de 500 milliards de FG comme coût d’exécution des travaux ?

Pour la réhabilitation de la route Dabola- Kouroussa, soit une longueur de 151 Km pour une enveloppe de 435 milliards 556 millions 382mille 469 GNF (TTC), aussitôt ce marché a été immatriculé au Ministère de l’Économie et des Finances le 27 février 2015, aussitôt il a été révisé en mars suivant son avenant n°1 qui a modifié le montant du marché de base pour atteindre désormais les 480 milliards 362 millions 889 mille 717 GNF (TTC) soit un plus de 44,8 milliards GNF.

 

Une enquête réalisée par Akoumba Diallo

 

                                                                                                                              

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