Lorsque le peuple tunisien sortait des
années de braise et surtout de la nuit noire d’absence de liberté totale que
lui a imposée Zine el-Abidine Ben Ali pendant plus de deux décennies, soit de
1987 à 2011, il ignorait sans doute qu’il tomberait encore dans les bras d’un
autre prédateur de la démocratie, qui ramènerait le pouvoir, et tout le
pouvoir, à sa seule personne.
Si
l’avènement de l’universitaire spécialisé en droit constitutionnel et juriste
de formation en 2019, a fait naître un vent d’espoir ostensible au sein des
populations, celles-ci déchanteront bien vite. Kaïs Saied dont la probité a
énormément pesé dans la balance pour son élection au second tour de la
présidentielle de 2019 face à l’homme d’affaires Nabil Karoui, à partir de 2021
vendangera tout le crédit confiance qui était le sien auprès des…siens. La
popularité de l’ancien président de l’Association tunisienne de droit
constitutionnel adulé par ses étudiants, n’a, en réalité, duré que le temps des
polémiques politiques et du règne implacable du Covid-19. Très vite, dévoilant
sa vraie face de confiscateur de libertés, le président d’une Tunisie qui peut
se targuer d’avoir été le berceau du «printemps arabe», s’adjugera toutes les
prérogatives, au mépris des fondements véritables de la démocratie.
Kaïs
Saied, se donne les pleins pouvoirs constitutionnels, renvoie des ministres du
gouvernement, bloque le fonctionnement du parlement, avant de s’en débarrasser.
Horrifiés, les opposants au chef de l’Etat tunisien, et autres analystes
politiques crient à la dictature. Mais ils ignoraient sans doute que le pire
allait venir. Alors qu’il venait de s’illustrer encore négativement par des
propos racistes et xénophobes, qui ont livré à la vindicte populaire les
Africains subsahariens dont les Etats respectifs ont été contraints à leur
rapatriement, l’homme fort de Tunis, au sens profond du terme, vient de mettre
aux arrêts plusieurs responsables du mouvement islamiste Ennahdha, à commencer
par son chef, Rached Ghannouchi.
Dans
la foulée, les autorités tunisiennes ont fermé le QG du mouvement, tout comme
ses représentations sur l’ensemble du territoire national. Kaïs Saed, voudrait
faire dans le musellement de voix discordantes qu’il ne s’y prendrait
autrement! La Tunisie est-elle sur le chemin d’une autre révolution, la
situation économique du pays, catastrophique selon les détracteurs du «rois
Kaïs», n’étant pas des plus reluisantes? Il faut bien le craindre et c’est sans
doute pour se refaire une virginité populaire, voire populiste, que le
président tunisien a brandi sa fameuse théorie d’immigration clandestine.
En
effet, selon Kaïs Saed, cette immigration constitue une «entreprise criminelle
ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la
Tunisie», dans le but de la transformer en un pays «africain seulement» et lui
ôter ainsi sa composante arabo-musulmane. Pire, il fait croire aux Tunisiens
par son discours haineux, que ce sont les «Africains» qui leur ôtent le pain de
la bouche en accaparant toutes les activités rémunératrices! En tout cas, à
moins que Kaïs Saed redresse le gouvernail, tout porte à croire que la Tunisie
retournera à la case départ, avec un pays fortement policé, ayant à la
commande, un seul capitaine qui n’accepterait la moindre contestation à bord,
même face à ses pires dérives.
Sauf
que, le peuple acceptera difficilement encore cette situation, la Tunisie,
comme un seul homme ayant réussi à faire bouger et chasser du pays,
l’indéboulonnable, jusqu’à la furie populaire de 2011, Ben Ali. Les jours de
Kaïs Saed à la tête du navire battant pavillon Tunisie, sont donc peut-être
comptés!