Violations des droits humains en Guinée : l’UE change de fusil d’épaule (enquête FIM FM)

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  • 17 mai 2021 11:39

  • Politique

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L’Union Européenne vient de brandir des sanctions à l’encontre de cinq membres de l’ancienne junte dont son chef le capitaine Moussa Dadis Camara, en exil forcé au Burkina Faso. Ces putschistes sont frappés d’interdiction de voyager dans l’espace Schengen et leurs avoirs confisqués pour leur inculpation dans le dossier relatif au massacre du 28 septembre 2009. L’UE sous la pression de députés européens acquis à la cause des victimes de tueries et autres violations des droits humains n’entend pas s’arrêter en si bon chemin dans son régime de sanctions. Une liste de 25 autres personnalités civilo-militaires serait entre les mains de Bruxelles pour examen, en vue de sceller leur sort, si jamais elles avaient joué un rôle quelconque dans la répression qui s’est abattue sur les opposants, lors des joutes électorales de 2020.

Des sanctions ciblées

Ils  sont 5 personnalités de la junte -qui s’est emparée du pouvoir au lendemain de la disparition du général Lansana Conté-  à être frappées d’interdiction d’entrée en territoire de l’Union européenne et à voir leurs avoirs gelés. Mais il se peut que l’UE ne s’arrête pas en si bon chemin, vu qu’une trentaine de députés du parlement européen souhaitent depuis le 8 avril 2021 que des sanctions plus exemplaires soient prises à l’encontre de 25 responsables de l’administration guinéenne, pour motif de violations des droits de l’Homme.

Suite au massacre à Conakry d’environ 156 civiles, le 28 septembre 2009, des manifestants politiques réunis au stade éponyme par la junte au pouvoir, les membres de l’Union Européenne ont adopté le 27 octobre 2009 une position commune concernant des mesures restrictives à l’encontre de la République de Guinée, telle que modifiée par la décision 2009/1003/PESC du conseil du 22 décembre 2009.

Cette position commune prévoit certaines mesures restrictives à l’encontre du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) et des personnes qui leur sont associées, responsables de la répression violente du 28 septembre 2009 ou de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays.

Ces mesures prévoient le gel des fonds des ressources économiques des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes énumérés ainsi que l’interdiction de fournir une assistance technique et financière et d’autres services liés à des équipements militaires, ou toute personne physique ou morale, entité ou organisme en République de Guinée ou aux fins d’une utilisation dans ce pays. Les mesures comprennent en outre une interdiction de la vente et de la fourniture à la République Guinée, ainsi que du transfert et l’exportation à destination de ce pays d’équipement d’équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne.

Ce massacre avait tellement choqué et ému le monde entier que c’est le Secrétaire général des Nations Unies de l’époque, M. Ban Ki-moon qui avait demandé la mise en place d’une commission d’enquête de son institution pour rétablir les faits ?

Dans une lettre du 28 octobre 2009, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon a informé les membres du conseil de sécurité de sa décision d’instituer une commission d’enquête internationale chargée d’établir les faits et les déterminer la nature des crimes commis, d’établir des responsabilités, d’identifier les auteurs dans la mesure du possible et de faire des recommandations.

 Les conclusions de  l’enquête !

 Au cours de son enquête, la commission a auditionné le Président Moussa Dadis Camara et plusieurs représentants du gouvernement d’alors. Au total, cette commission d’enquête s’est entretenue avec 687 interlocuteurs à Conakry et à Dakar.

La commission d’enquête fut ainsi en mesure de confirmer l’identité de 156 personnes tuées ou disparues, soit 67 personnes tuées et dont les corps ont été réémis aux familles, 40 autres qui ont été vues mortes au stade ou dans des les morgues mais dont les corps ont disparu, ainsi que 48 autres vues au stade dont le sort reste inconnu.

La commission d’enquête des Nations Unies confirme qu’au moins 109 femmes ont été victimes de viols et d’autres violences sexuelles, y compris de mutilations sexuelles et d’esclavage sexuel. Plusieurs femmes ont succombé à leurs blessures suite à ces agressions sexuelles particulièrement cruelles.

L’enquête confirme également des centaines d’autres cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des dizaines de personnes ont été arrêtées et détenues arbitrairement dans les camps militaires d’Alpha Yaya Diallo et de Koundara ainsi qu’à la caserne de la police anti-émeute (CMIS) où elles ont été torturées. Les forces de sécurité ont aussi systématiquement dépouillé les manifestants de leurs biens et commis des actes de pillage.

 Dissimulation de preuves

La commission d’enquête estime que, lors des exactions du 28 septembre et des jours suivants, les autorités guinéennes se sont engagées dans une logique de destruction des traces des violations commises, qui vise à dissimuler les faits : nettoyage du stade, enlèvement des corps des victimes d’exécution, enterrement dans des fosses communes, privation de soins médicaux aux victimes, altération intentionnelle des documents médicaux et prise de contrôle militaire sur les hôpitaux et morgues. Cette opération a eu pour résultat d’instaurer un climat de peur et d’insécurité au sein de la population. Par conséquent, la commission considère que le nombre de victimes de toutes ces violations est très probablement plus élevé.

Selon le rapport de la commission d’enquête internationale sur la Guinée mise en place par les Nations Unies, les manifestants qui étaient au stade le 28 septembre ont été frappés avec des matraques en bois et des crosses de fusils, poignardés, tués par des balles tirées à bout portant-souvent dans le dos- et à l’aide d’armes automatiques. Les femmes ont été victimes de viols collectifs souvent perpétrés à l’aide d’objets, dans des lieux publics, tous ces actes étant commis en moins de deux heures, principalement en un seul endroit, au vu et au su de tous ceux qui étaient présents.

En réponse à cette violente répression des forces de sécurité contre les manifestants politiques, des mesures restrictives ciblées ont été introduites pour la première fois le 27 octobre 2009 contre 71 guinéens parmi lesquels des membres du CNDD, des hommes d’affaires, un ancien directeur général de la RTG et des soutiens au mouvement « Dadis doit rester ».

Qu’en est-il des mesures prises à leur encontre ?

Ces mesures comprenaient un embargo sur les armes, un gel des avoirs et une interdiction de voyager contre les membres du gouvernement. Le 25 octobre 2010, le Conseil de l’UE a introduit des mesures restrictives supplémentaires compte tenu de la gravité de la situation en République de Guinée cette fois-ci contre 67 personnes (soit 4 retraits à savoir :), interdisant la fourniture d’équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne.

 Le 21 mars 2011 le conseil de l’Union européenne a pris des sanctions qui veuillent que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes identifiées par la commission d’enquête internationale comme responsables des évènements qui se sont déroulés le 28 septembre 2009 en Guinée, ainsi que des personnes associées à celles-ci, à savoir : Le capitaine Moussa Dadis Camara, le commandant (à présent colonel) Moussa Tiégboro Camara, le colonel Dr Abdoulaye Chérif Diaby, le lieutenant Aboubacar Chérif (alias Toumba) Diakité et le lieutenant (à présent colonel) Jean-Claude Pivi (alias Coplan).

Et compte tenu de l’évolution positive dans le pays, les restrictions ont été assouplies le 14 avril 2014 et l’embargo sur les armes et sur le matériel pouvant être utilisé à des fins de répression interne a été levé.

Force est de constater que depuis 2011, des centaines de guinéens ont continué à être fauchés par des balles que seuls les agents de force de sécurité et de défense sont sensés en avoir possession. Elles sont nombreuses les organisations non gouvernementales comme Human Right Watch et Amnesty International à exercer une sévère surveillance documentée sur les violations présumées des droits de l’homme en Guinée.

Sensibles à la situation des nouvelles victimes guinéennes, une trentaine des députés de l’Union européenne ont saisi, le 8 avril 2021, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires et la politique de la sécurité. Se faisant écho des violations des droits humains ayant conduit à la mort de 99 personnes en lien avec le processus électoral du 22 mars 2020, ces élus européens auraient déposé une liste comportant 25 personnalités de la République devraient prochainement subir la rigueur des lois européennes.

Ces députés n’entendent pas baisser… les bras !

 Ils le rappellent d’ailleurs dans leur lettre que depuis la publication des résultats de cette présidentielle, une trentaine de députés note près 51 morts ainsi que près de 400 arrestations des opposants à travers le pays. Ils évoquent avec pincement au cœur à la mort inexpliquée des prisonniers Mamadou Oury Barry, Roger Bamba, Mamadou Lamarana Diallo et Thierno Ibrahima Sow.

Dans un article signé par deux universitaires dont Catherine Maia, professeure de droit à l’Université Lusófona de Porto et Ghislain Poissonnier, magistrat, paru en 2020 et intitulé « MASSACRE DU 28 SEPTEMBRE 2009 : LA GUINÉE À L’ÉPREUVE DU PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ », les auteurs disent  que « le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry a connu un fort retentissement médiatique tant en Afrique de l’Ouest que dans le monde, justifiant un intérêt particulier de la communauté internationale et imposant une réponse judiciaire. Et que plus de dix ans après ce massacre, alors que l’information judiciaire sur les faits est close et que l’ouverture d’un procès en Guinée se fait toujours attendre, les inconnues autour d’un futur jugement des responsables du massacre demeurent nombreuses. Pour eux, la situation en Guinée constitue ainsi un test quant à la possibilité de mettre en œuvre le principe de complémentarité selon lequel la Cour pénale internationale n’intervient qu’en cas de manque de volonté ou de capacité d’un État à juger les responsables de crimes internationaux ».

Egalement,  ils rappellent que « le rapport démontrait que la junte au pouvoir avait prémédité et lancé, le 28 septembre et les jours suivants, des attaques meurtrières contre des cibles civiles en raison de leur appartenance ethnique et/ou de leur affiliation politique présumées. Aussi, le rapport estimait-il « raisonnable de conclure que les crimes perpétrés le 28 septembre 2009 et les jours suivants peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité. Ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée par la garde présidentielle, des gendarmes chargés de la lutte anti-drogue et du grand banditisme et des miliciens, entre autres, contre la population civile. La Commission conclut aussi qu’il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale de certaines personnes nommées dans le rapport, soit directement soit en tant que chef militaire ou supérieur hiérarchique ».  C’est le cas, en particulier, « du président et numéro 1 du CNDD, le capitaine Moussa Dadis Camara, de son aide de camp et chef de la garde présidentielle, le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité (dit Toumba) et du ministre chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme, le commandant Moussa Tiégboro Camara ».

 Plus loin,  les auteurs de l’article mentionnent qu’il n’y avait pas que ce trio.  La Commission d’enquête internationale avait identifié, par ailleurs, d’autres personnes pouvant être considérées comme pénalement responsables pour leur implication dans les événements du 28 septembre et des jours suivants, mais dont le rôle et le degré exact d’implication devraient être examinés dans le cadre d’une enquête judiciaire. Sont visés le ministre de la Sécurité présidentielle, le capitaine Claude Pivi (dit Coplan), et le ministre de la Santé, le colonel Abdoulaye Chérif Diaby »

La Commission a identifié enfin, ceux dont l’implication présumée les désigne comme devant faire l’objet d’une enquête plus approfondie. Sont concernés l’aide de camp du lieutenant Toumba, le sous-lieutenant Marcel Guilavogui, le chauffeur du président, le sous-officier Sankara Kaba, le ministre de la Défense, le général Sékouba Konaté, et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le général Mamadouba Toto Camara. Il s’agit également du ministre de la Jeunesse et des Sports, Fodéba Isto Keira, du directeur du stade du 28 septembre, Ibrahima Sory Keïta (dit Petit Sory), et de la directrice de l’hôpital Donka, Fatou Sikhe Camara ».

 Le cas des milices n’avait pas été occulté non plus dans le rapport. Il s’agit là « de personnes concernées mais non dénommées, telles que les responsables des milices venues du camp de Kaleah (en particulier en relation avec leur rôle dans les événements du 28 septembre et des jours suivants) et des cadres civils du CNDD (en particulier en relation avec la dissimulation des faits et des preuves) ».

Dossier d’enquête FIM FM

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