« En position de pouvoir, seul le bon sens est votre meilleur allié, les collaborateurs vous flattent et vous éloignent généralement de vos engagements de départ pour lesquels le peuple vous a applaudi, car ils bénéficient tous de votre ombre ».
Deux ans jour pour jour le groupement des forces spéciales
de notre armée renversa le Président Alpha Condé, mettant fin à 11 années de
gouvernance à la tête de notre pays.
Onze années d’exercice du pouvoir marquées par des
soubresauts et des progrès importants !
En 2010, le Professeur ALPHA CONDE remporta la première
élection présidentielle sous la bannière de l’alliance RPG Arc-En-Ciel, une
élection qualifiée de démocratique et saluée par toute la communauté
internationale.
L’accession au pouvoir du professeur Alpha Condé est le
fruit d’un long et difficile combat. Un chemin émaillé de privation de liberté,
de persécution de toute sorte, de mise en quarantaine pour plusieurs cadres
fonctionnaires et hommes d’affaires proches du parti. Notre parti le RPG
arc-en-ciel a payé un lourd tribut pour arriver à la consécration en 2010.
Sous le magistère du Président Alpha Condé, le pays a
enregistré des avancées importantes qui ont amélioré les conditions de vie de
nos populations et présageaient des lendemains meilleurs pour une Guinée
émergente à l’horizon.
Après avoir rétabli le cadre macroéconomique par l’obtention
de l’initiative PPTE, pris possession des immenses richesses du sous-sol,
marqué notre indépendance par le choix courageux de la diversification de nos
partenaires dans un monde multipolaire, relevé le défi énergétique, et j’en
passe. La Guinée est depuis quelques années devenue un pays profondément en
chantier.
Ainsi, le pays avait atteint un taux de croissance de 7% en
2019 avant de chuter à 5% suite à l’apparition de la COVID19. Les prévisions
économiques post CORONA VIRUS mettaient la Guinée en tête de peloton avec une
prévision de croissance à deux chiffres à l’horizon 2025 ce, malgré un contexte
de récession économique mondiale.
Contre toute attente, un coup de force est intervenu le 05
septembre 2021 compromettant ainsi cette bonne dynamique économique et le rêve
de toute une génération de militants politiques profondément attachés au RPG.
Si l’on peut trouver des explications à cette intervention de l’armée, l’on ne
saurait cependant remettre en cause le bilan tout à fait positif des 11 années
de gouvernance. Ce n’est pas non plus le referendum constitutionnel de 2020 qui
pourrait justifier cet état de fait car, le putsch est intervenu un an après
une élection présidentielle ouverte avec la participation des forces politiques
représentatives de notre pays.
Quant à notre parti, la réorganisation des instances du
sommet à la base demeurait déjà pour les responsables avisés la priorité numéro
un, même si cela n’était pas toujours accueilli avec enthousiasme au niveau des
sherpas du parti, comme aujourd’hui encore.
Une telle réforme par un congrès permettrait in fine au
parti de jouer son rôle d’arrière-garde pour une gouvernance vertueuse et
efficace de l’Etat, sous le slogan du gouverner autrement et de la prospérité
partagée. Mais hélas ! Ce manquement a entrainé le développement de mouvements
conjoncturels et encombrants, à la limite démagogiques. La conséquence directe
est l’affaiblissement et la mise dans le second rôle des structures statutaires
et la démobilisation du parti.
Après deux ans d’hibernation, nous sommes en droit de nous
interroger en tant que militants pour redéfinir les contours de notre
engagement politique dans un contexte de transition aux enjeux multiples et
complexes. Explorer les meilleures voies pour la poursuite du combat autour des
valeurs partagées pour l’intérêt de la république sous le sceau de notre parti.
Si l’on ne peut pas évoquer le désenchantement des militants du parti, leurs
attentes n’ont pas été comblées car, le coup de force étant dans l’absolu, un
échec de notre gouvernance.
S’interroger sur la gouvernance et le management sous le
magistère du professeur Alpha Condé s’avère nécessaire. En fait, disposer des
meilleures idées ne suffit plus pour un leader, il faut disposer des hommes
intègres et loyaux pour la mise en œuvre. Pour un parti qui a gagné les
élections, les cadres du parti selon le mérite doivent constituer le premier
cercle de compétences, pas simplement pour occuper des postes dans l’administration
mais pour mettre en place un système afin de veiller à la mise en œuvre effective
de la vision stratégique du parti dans la gestion de l’état sur le court, moyen
et long terme.
Le manque d’anticipation sur ces enjeux de la gouvernance,
notamment la mise en place d’un mécanisme institutionnalisé de définition des
rôles à l’intérieur d’un système, constitue l’une des causes de l’échec dans la
gouvernance des partis qui gagnent les élections en Afrique ; le manque de
préparation à gérer l’état, réduisant le rôle du parti uniquement à la
mobilisation électorale. L’ouverture est toujours nécessaire en politique,
faire appel à des compétences externes. Cependant, le souci d’ouverture ne devrait
pas phagocyter et saper les fondements de la conviction de départ. Ainsi, on se
retrouve avec une équipe hétéroclite où on rame à contre-courant les uns des
autres.
L’ouverture mal maitrisée a favorisé l’émergence de nouveaux
acteurs qui n’ont jamais intégré la vision stratégique du parti et du coup,
n’ont pas tardé à prendre leur distance dès l’annonce de la chute du régime (…)
Depuis le 05 septembre 2021 nous avons fait le choix de la
résilience, de la dignité et de la responsabilité en s’assumant. C’est pourquoi
nous nous sommes aussitôt remis au travail pour sauver l’institution RPG
quoique profondément affectée, elle demeure un patrimoine politique à
sauvegarder jalousement, c’est tout le sens de ma posture.
La relance du RPG doit s’adosser en premier lieu à
l’établissement d’un diagnostic objectif en tirant les meilleurs enseignements
de nos erreurs. Deux ans après la chute de notre régime, le parti doit
travailler à la préservation du capital politique construit dans la douleur. Ce
travail doit tenir compte de deux paramètres à savoir : - Le questionnement
sans complaisance de notre gouvernance pour en déduire les raisons de notre
chute inattendue et brutale. - le changement de cap par la responsabilisation
de la génération du parti ayant atteint la maturité politique et indemne de
tout soupçon afin de conduire le parti vers de nouvelles victoires politiques.
A la vérité, notre système s’est planté de l’intérieur comme
je le disais dans une tribune précédente : « le système s’est confronté à
lui-même et s’est détruit tout seul sous le regard impuissant des légitimes
militants du parti ». Le choix de collaborateurs opportunistes ou incompétents,
les intrigues, le mensonge et les manipulations de tout genre, l’hyper
personnalisation du pouvoir ont fini par noyer nos efforts pourtant salvateurs,
créant ainsi un désamour avec notre base et la population en général. Les choix
par complaisance de cadres sans conviction en lieu et place des militants
méritants, l’accommodation et la trahison du minimum représentatif du parti
dans le système ont entrainé l’irréparable crise de confiance avec le Patron
qui a fini par s’isoler de sa propre base.
Aujourd’hui, le parti doit renaitre et se positionner comme
parti leader en Guinée. Le bilan de la gouvernance du professeur Alpha Condé,
l’expérience politique des cadres du parti notamment des jeunes, l’organisation
territoriale du parti, les enseignements des années de gouvernance sont autant
d’atouts qui fondent mon espoir d’une renaissance politique emprunte d’engagement
pour la préservation des acquis et la pérennisation de notre parti. Au bout du
processus, le professeur ALPHA CONDE sera ainsi réhabilité comme étant le
véritable Président bâtisseur de la Guinée émergente.
Le RPG doit pour se faire, maintenir et élargir son alliance
politique et sociale dans le pays. Alliance qui a permis des victoires
électorales majeures ces dernières années. Nous devons surtout garder notre
rôle leader dont le leitmotiv doit demeurer la résilience et le rassemblement
de toutes nos forces pour retrouver l’unité d’action du parti.
Pour réussir cette mission, - le parti doit faire sa mue. En
effet il ne s’agit pas de faire table rage de notre passé politique riche, mais
de responsabiliser la jeunesse arrivée à maturité. Le professeur ALPHA CONDE
disait : « ‘’le pouvoir s’arrache’’ Les jeunes qui avaient 10 ans en 1991 sont
aujourd’hui à même de conduire les destinés du parti en s’appuyant bien entendu
sur l’expérience des ainés. » Aussi, recomposer le parti en y mettant 70% de
jeunes est une des recommandations fortes du professeur ALPHA CONDE.
- Favoriser la libre expression de tous les courants de
pensée et donner des chances égales à tous les membres du parti, prendre en
compte la volonté des militantes et des militants qui au demeurant, doit guider
notre action politique. Le RPG arc-en-ciel est un patrimoine, donc appartenant
à tous ; nouveaux ou anciens, vieux ou jeunes.
Le monde change, l’espace politique aussi. Nous devons
adapter notre démarche au temps comme dans une dialectique : « le dépassement
de ce qui a fait son temps, le maintien des acquis positifs et leur intégration
dans un nouveau système global ».
A 15 mois de l’échéance fixée pour le retour à l’ordre
constitutionnel, il serait suicidaire pour le RPG de rester observateur de la
situation politique actuelle, il faut donc sortir vite des utopies et des
certitudes creuses pour agir dans un réalisme politique. Pour notre bilan et le
devoir impérieux de restaurer l’honneur et la dignité du Président Alpha CONDE,
notre parti a l’obligation de se bouger. Changer de stratégie bien sûr,
redonner à nos structures de la base au sommet leur respectabilité et leur
assurer leur pleine activité telle que prévue par les textes, sortir de la
gestion personnalisée du parti et du messianisme, la victoire est au bout de
ces impératifs. Ce travail de renaissance du parti repose sur les épaules des
militants de ma génération, il faut assumer ce rôle car c’est le sens de notre
engagement politique. Personne ne nous le servira dans un plateau d’or il faut
le prendre, le pouvoir bien sûr.
Après avoir participé à parachever le combat honorable de
nos ainés pour la conquête du pouvoir, il est de notre responsabilité de
reprendre le flambeau du parti à un moment difficile certes, mais le sens de
l’honneur nous en oblige et la mémoire de nos nombreux martyrs décédés et
vivants nous en condamne. Nous devons rebâtir un parti qui fonctionne selon des
règles et des principes au sein duquel l’institution prime sur les individus.
La transition débouchera sur des élections inévitablement.
Le pays a besoin de retrouver une vie institutionnelle normale pour continuer
sa marche vers le progrès économique, notre parti ne doit pas être en reste de
ce processus politique.
Mise à part le coup d’accélérateur donné aux nombreux
projets de notre gouvernance, les conditions de vie du guinéen n’ont pas connu
une amélioration notable, la gouvernance non plus ne peut être vantée. La
conjoncture pourrait d’ailleurs devenir plus difficiles au regard du contexte
de transition, en général marqué par la rareté des ressources et le
ralentissement de l’activité économique.
Par ailleurs, la conduite de la transition ne saurait pas
être un fleuve tranquille si des mesures de rectification ne sont pas prises en
temps opportun. En effet, une pléiade de mesures avait été annoncée notamment
dans le cadre de la justice, de l’inclusion et d’une meilleure gestion des
ressources du pays (...) Fort malheureusement, des dignitaires de notre régime
en dépit de leur santé fragile restent détenus à la maison centrale depuis plus
d’un an dans des procédures judiciaires assez questionnables. La justice doit
se bouger sur ces dossiers pour dire le droit, ça dure trop longtemps.
Enfin pour l’intérêt de la république, la refondation
souhaitée doit pour une société comme la nôtre, s’appuyer sur l’adhésion des
populations et sur un consensus national avec la participation de tous les
acteurs. La gestion solitaire et martiale de l’agenda politique de la
transition inquiète plus d’un. Le déficit d’inclusion est un problème qui ne
garantit pas une survie au-delà de cette transition, aux réformes en cours.
Aussi, le manque de consensus autour des modalités d’un retour apaisé à l’ordre
constitutionnel pourrait faire perdurer une situation quasi délétère et
aggraver la crise déjà perceptible à tout point de vue.
Dieu bénisse la
Guinée !
Souleymane KEITA