Le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), était, le 25
janvier dernier, l’hôte de son homologue français, Emmanuel Macron. Au menu des
échanges entre les deux chefs d’Etat, les questions de coopération bilatérale.
Mais aussi l’actualité de la sous-région ouest-africaine principalement marquée
par la crise sécuritaire en lien avec le terrorisme, ainsi que ses derniers
développements. Au nombre de ceux-là, la transition burkinabè dont les
relations ne sont plus au beau fixe avec Paris. Cela a commencé par la
suspension de la « radio mondiale », Radio France Internationale (RFI), pour se
poursuivre avec la demande de départ de l’ambassadeur français en poste à
Ouagadougou, Luc Hallade, et plus récemment, la dénonciation, par Ouagadougou,
de l’accord militaire « qui permet aux forces françaises d’être présentes au
Burkina Faso ». En clair, le Burkina Faso a officiellement demandé le départ
des troupes françaises basées dans le pays. Et ces dernières ont un mois pour
le faire, à compter de la date de la demande qui court depuis le 18 janvier
dernier, aux termes de l’accord signé entre les deux pays.
Paris a sans doute à craindre que le pays des Hommes intègres se soit
résolument engagé dans le sillage de son voisin malien
Même si Ouagadougou affirme
qu’«il ne s’agit pas de la fin des relations diplomatiques entre le Burkina et
la France », ce sont autant de signes d’une
profonde détérioration des relations sur fond de volonté affichée des autorités
intérimaires burkinabè de diversifier leurs partenaires. Ce que Paris ne voit
pas forcément d’un bon œil. Surtout le rapprochement des autorités de la
transition burkinabè avec Moscou qui fait que les autorités françaises voient
planer l’ombre du groupe paramilitaire Wagner à la sulfureuse réputation. En un
mot comme en mille, c’est actuellement le froid diplomatique entre Ouagadougou
et Paris et rien n’augure d’un retournement de situation dans de brefs délais.
Au contraire, Paris a sans doute à craindre que le pays des Hommes intègres se
soit résolument engagé dans le sillage de son voisin malien qui a déjà rompu
les ponts avec l’ex-puissance coloniale dans les conditions que l’on sait.
C’est dire toute la sensibilité de ce sujet qui était aussi au menu des
échanges entre le patron de l’Elysée et le locataire du palais de Cocody, son
invité à déjeûner d’un jour. Car, Abidjan est certes aussi concernée par la
crise sécuritaire qui préoccupe toute la sous-région ouest-africaine et les
partenaires extérieurs. Mais que peut encore ADO si, au terme de sa rencontre
avec Emmanuel Macron, sa mission est de rabibocher Paris avec certaines de ses
ex-colonies qui semblent avoir résolument opté pour d’autres choix ? Le
président ivoirien serait d’autant plus à plaindre dans un tel scénario que ses
relations ne semblent pas aller pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles avec ses deux voisins du Nord aujourd’hui en brouilles avec Paris.
La marge de manœuvre du président ivoirien semble réduite
En effet, si l’affaire des 49
soldats ivoiriens jugés et condamnés à Bamako pour « mercenariat », a fini par
trouver une issue heureuse, il ne faut pas oublier combien cela avait contribué
à creuser le fossé de la méfiance entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Et rien ne
dit que la plaie de cette déchirure s’est définitivement cicatrisée. Quant au
Burkina, depuis « l’acte manqué » du retour controversé de l’ex-président
Blaise Compaoré sous le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, il y a
de cela quelques mois, on se demande si Abidjan ne se contente pas d’observer
l’évolution de cette transition qui est surveillée de près comme du lait sur le
feu, par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
En tout cas, si Abidjan n’a pas affiché d’animosité particulière, on ne l’a pas
non plus vu manifester un enthousiasme débordant après l’arrivée au pouvoir de
la nouvelle junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina. C’est
dire combien la marge de manœuvre du président ivoirien semble réduite auprès
de ces chefs de juntes militaires qu’il ne porte peut-être pas forcément dans
son cœur. Le pire est que cela ne risque pas d’arranger son image de valet de
la France qu’une certaine opinion assez répandue dans la sous-région, tente, à
tort ou à raison, de lui coller à la peau. Surtout s’il devait se retrouver,
d’une façon ou d’une autre, à jouer le rôle du troisième larron en faveur de la
France dans sa relation aujourd’hui difficile avec ces deux ex-colonies. Au
mieux, ADO pourrait toujours se satisfaire d’avoir tenté une mission difficile.
Au pire, cela ne ferait que renforcer l’idée selon laquelle il est un pion de
la Françafrique. En tout état de cause, comme l’a dit un éminent homme
politique ivoirien, « si on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ». ADO
saura-t-il alors s’envoyer ? L’histoire le dirait sans nul doute, si le chef de
l’Etat ivoirien était commis à une telle mission.
Le Pays