Le sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest
(CEDEAO) tenu ce dimanche 4 décembre à Abuja au Nigeria aura ressemblé à une
rencontre marathon, tant il aura concentré de nombreuses activités en un temps
record. Mais d’entrée, les têtes couronnées de l’Afrique de l’ouest n’ont pas
tergiversé pour sommer le Mali du colonel putschiste Assimi Goïta de libérer
les 46 militaires ivoiriens qu’il a pris en otage leur ayant fait porter depuis
le 10 juillet, la casquette de «mercenaire». L’ultimatum de l’organisation
sous-régionale court jusqu’au 1er janvier 2023 et c’est le président togolais
Faure Gnassingbé, médiateur désigné par le Mali, qui est chargé de se rendre
sur les bords du Djoliba pour passer le message à la junte militaire malienne.
Quelle sera la réaction des militaires qui ont confisqué, par les armes, le
pouvoir au Mali depuis le 18 août 2020? Les colonels double-putschistes ne
manqueront sans doute pas de brandir une souveraineté d’un autre âge, pour
dénoncer une intrusion de la CEDEAO dans une affaire qu’ils qualifient de
malo-ivoirienne.
Transitions après coups d’Etat
Entre investiture du nouveau
président de la Commission de la CEDEAO, la pose de la première pierre du
nouveau siège de l’institution, à Abuja, les chefs cde l’Etat de la sous-région
ou leurs représentants, ont ausculté les rapports sur l’état de la communauté,
examiné ceux sur les transitions au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Ces
trois pays, suspendus de l’instance pour délit de coup d’Etat étant engagés dans
des transitions politiques aux fortunes diverses. Mais pour la plupart, en
dehors du Burkina dont les nouveaux maîtres semblent plus enclins à aller vite
au retour à la vie démocratique, les juntes militaires au pouvoir se pressent
très lentement pour quitter les palais présidentiels.
Putschs militaires et terrorisme
En tout cas, ces deux questions
d’actualité que constituent la multiplication des putschs et l’expansion bien
visible du terrorisme constituent comme la hantise de cette CEDEAO qui œuvre,
de plus en plus, pour son rapprochement avec les réalités des peuples. Raison
pour laquelle le 62e sommet a fait de ces questions, son plat de résistance.
Et pour la première
problématique, un simple regard a suffi aux chefs de l’Etat de la sous-région
pour confirmer ce constat: cinq putschs, survenus dans trois Etats de l’Afrique
occidentale, et ce, dans le laps de temps de quelques mois! Rien que çà!
Or la Cédéao se trouve,
elle-même, comme tiraillée entre diverses préoccupations, car depuis quelques
temps déjà, elle a mal à sa crédibilité. De plus en plus, il se trouve des
opinions qui ne se cachent plus pour la traiter de syndicat de chefs d’Etat,
volontiers protectrice de ceux qui nous dirigent, mais sans aucune forme de
sollicitude pour les peuples que ceux-ci gouvernent. Ce qui, aux yeux de
certains purs et durs de ses détracteurs, justifie amplement coup d’Etats,
déstabilisations et autres insurrections.
En quête de crédibilité et de légitimité
Grande interrogation pour la
CEDEAO: comment regagner en légitimité et en crédibilité de sorte à accompagner
ces Etats suspendus sans pour autant permettre que les putschistes ne
s’éternisent au pouvoir? la question est d’autant plus délicate qu’une certaine
partie des populations, souvent manipulée, de bonne ou de mauvaise foi,
manifeste de la sympathie pour les juntes et voient volontiers dans les
défiances des putschistes, des sursauts qui pourraient les délivrer d’une
institution accusée d’être à la solde de l’ancienne métropole coloniale. En un
mot comme en mille, la crise de confiance qui s’est instaurée entre la CEDEAO
et les populations des pays membres aura besoin de plus qu’un sommet pour
trouver un début de solutionnement.
Une autre grosse équation qui à
ce jour taraude la CEDEAO est bien la question du terrorisme qui se révèle
comme une véritable hydre impossible à abattre. Jadis circonscrite dans
certaines zones sahéliennes, le djihadisme depuis peu s’enhardit hors de ses
bases traditionnelles et refuse de s’arrêter en si bon chemin: les pays du
Golfe de Guinée sont désormais dans sa ligne de mire.
Libération des 46 militaires ivoiriens: début de réhabilitation?
Que peut donc la CEDEAO alors que
la junte malienne devient une partie du problème en se désolidarisant
d’instruments de lutte comme le G5 Sahel, sans oublier l’Initiative d’Accra qui
s’est réunie la fois dernière sans le Mali? Pour ce sommet, la création d’une
force armée contre les putschs militaires est revenue au goût du jour. Ce qui
est certain, quelle que soit la solution à envisager, elle aura l’obligation de
se montrer solide, robuste, vigoureuse et radicale.
Mission ardue s’il en est, que
l’institution ouest-africaine a obligation de réussir. Non seulement pour
redorer son propre blason, mais aussi pour assainir la gouvernance des Etats et
assurer la sérénité de ses populations. Certainement que la libération exigée
des 46 soldats ivoiriens, si elle est effective, serait alors comme un début de
réhabilitation.
W S