Alors qu’il lisait sa
première déclaration de Politique Générale, en 2018, le Premier Ministre,
Ibrahima Kassory Fofana, avait promis de faire du Plan National de
Développement Économique et Social (PNDES 2016-2020) l’instrument privilégié de
sa gestion du développement. Il est intéressant de commencer ma lecture
de déclaration de politique générale d’hier, par ce rappel, en ce sens
que l’action de son gouvernement avant sa confirmation à la tête du
gouvernement peut être évaluée à l’aune des objectifs et résultats du
PNDES (2016- 2020). Il est tout aussi intéressant de rappeler que ce plan était
le second sous la troisième République et qu’il reposait sur quatre piliers :
la promotion de la bonne gouvernance au service du développement durable, la
transformation économique et inclusive, le
développement inclusif du capital humain et la gestion
durable. Le PNDES I comportait trois documents : un principal qui
faisait le diagnostic de l’économie guinéenne, esquissait les étapes de la
planification, les indicateurs de mesure es résultats attendus, les acteurs
devant l’évaluer , le besoin en financement requis et sa mobilisation . Le
second, au titre évocateur, dénommé Plan National d’Investissement ,traitait de
la problématique de l’investissement tant privé que public dans notre pays
. Le troisième document dit annexe, traitait des
indicateurs afférents à chaque pilier et les résultats correspondants. Un
indicateur de référence dit base (année 2015) devait être confronté à une cible
( à atteindre en 2020 ) , les institutions devant évaluer chaque résultat
escompté étaient mentionnées dans le document. Même si on peut reprocher
au document le manque d’indicateurs afférents à certains sujets , et la
non-tenue en compte des chocs exogènes- les résultats ont été fixés
dans le cadre d’un avenir certain -, il faut dire que la question du
développement était , pour une fois , abordée avec le plus grand sérieux par
l’Etat guinéen.
Je ne suis pas, c’est
personnel donc subjectif, satisfait de la déclaration de la politique
générale du Premier Ministre faite hier à l’Assemblée Nationale. J’estime qu’il
n’a donné à aucun sujet sérieux le traitement qui lui convient. Peut-être
était-il en manque de perspectives. Autant sa première déclaration de Politique
Générale était ambitieuse, autant la récente est médiocre. En voici,
quelques raisons :
De la réduction de la mobilisation des ressources internes à la
signature des contrats de performances avec les principales régies financières
La question de mobilisation des
ressources internes est si importante que sans ressources internes
suffisantes, notre pays ne peut pas réussir la couverture de ses
besoins primaires de fonctionnement. Si les ressources internes mobilisées
chaque année sont si faibles qu’elles couvrent à peine les dépenses
courantes de l’Etat, celles d’investissement ne sont jamais obtenues. Si
la part des investissements publics dans les dépenses nationales est
faible, la création de richesse n’atteindra jamais son véritable
potentiel.
La pression fiscale,
selon sa déclaration, fait à peine 13 % du PIB en Guinée alors que la
moyenne sous régionale est de 18 %. Il faut que la part totale des
recettes fiscales par rapport au PIB augmente et soit d’au moins de l’ordre de
la moyenne sous régionale. Mais que propose le Premier Ministre ? Il
évoque les contrats de performances signés avec les principales régies
financières du pays : Direction Générale des Douanes, Direction Nationale
des Impôts, Direction National du Trésor. Il évoque des engagements similaires
concernant les
Etablissements Publics à
caractère Administratif (EPA). Il parle d’audit fiscal avec l’appui de la
Banque Africaine de Développement dans les grandes entreprises, les
banques et assurances, les télécommunications afin d’évaluer leur potentiel
fiscal .Il évoque la question épineuse des prix de transfert parlant de
firmes multinationales.
Dès lors que le Président de la
République a affirmé qu’il n’ambitionnait pas de relever le niveau des
impôts, mais à augmenter la taille de l’assiette fiscale à travers la
mobilisation rationnelle des recettes fiscales , la question de mener des
audits fiscaux dans les grandes entreprises , les banques et assurances ,
etc. , est un non-sens. Paient-elles les impôts qu’elles doivent à
l’État ? L’État perçoit-il les impôts et taxes qui lui sont dus ? Les
audits à mener doivent être au niveau des régies financières, des EPA afin
de s’assurer de leurs efficacités et de leurs gestions des ressources qu’ils
perçoivent au titre des subventions. Pourtant, les hôpitaux publics, les
universités publiques, les grandes entreprises publiques doivent être
audités. Monsieur le Premier Ministre ne parle pas d’audit concernant les
régies financières de l’État et les EPA. Lorsqu’il parle de la lutte
contre la corruption, il évoque ses conséquences mais n’a aucune
perspective. Notre pays n’a pas de stratégie nationale de lutte contre la
corruption, les textes législatifs en matière de lutte contre la
corruption sont souvent contradictoires, il existe une myriade d’institutions
de lutte contre la corruption avec des enchevêtrements de pouvoirs.
Par ailleurs, le mode de
désignation des dirigeants des EPA et les membres de leurs conseils
d’Administration est politique, ce qui favorise les liens incestueux entre la
sphère politique et celles des affaires. Aussi cela ne permet pas
à certaines institutions d’être performantes. La mobilisation des
ressources internes ne peut être réussie si la taille de l’économie informelle
n’est pas réduite. L’État à travers le ministère du Budget s’est engagé dans la
création des Centres de Gestion Agréés ( CGA) afin de permettre la conversion
des agents de l’économie informelle à la formalité. Le Premier Ministre ne
parle pas de l’urgence de la réduction de la taille de
l’économie souterraine ; ce qui permettrait de faire augmenter
automatiquement le niveau de création de la richesse , de faire augmenter
l’assiette fiscale . Il ne parle non plus pas de l’expérience des CGA. Soit
qu’il méconnait leur existence, soit qu’il a été négligent dans la rédaction de
sa déclaration. Ces centres existent pour l’essentiel à Ratoma et Matam, et ne
permettent pas en raison de leurs structures trop centralisées de
favoriser la réduction de la taille de l’économie informelle. Dans le
document annexe du PNDES ( 2016- 2020), il est mentionné que la proportion
des entreprises formelles dans l’économie nationale était de l’ordre de 10 % en
2015 et qu’elle devrait être de l’ordre de 40 % en 2020 . Que cet objectif ait
été atteint au non, il faut dire le poids de l’économie informelle est grand
dans notre pays. Si nous voulons un système fiscal efficace et neutre, il
faudrait œuvrer à réduire la taille de l’économie souterraine. Pour le
Premier Ministre, les contrats de performances suffiront pour doubler le niveau
de mobilisation des ressources internes. Quelle erreur !
Peut-on réussir la mobilisation
des ressources internes si nous n’osons pas poser la question des exonérations
aux entreprises minières ? Nous savons que les incitations fiscales
permettent l’attraction des investissements directs étrangers ( IDE ) dans
le secteur minier. En dix ans, selon le Premier Ministre, 6 milliards
de dollars d’IDE ont été attirés dans le secteur minier. Que notre
pays est devenu est le second exportateur de bauxite grâce
aux investissements étrangers. Mais qu’en est-il des emplois créés par le
secteur ? Dans le PNDES ( 2016- 2020), il est dit que la part des
recettes minières dans le total des recettes était de 19, 2 % en 2015 et
qu’elle serait de 23 % en 2020. Quand bien même cet objectif serait atteint ,
il faut dire que la contribution du secteur minier aux recettes totales
dans notre pays est marginale. La question de l’évaluation de la pertinence des
exonérations devrait donc se poser . Dans sa déclaration de Politique
Générale en 2018 , le Premier Ministre avait promis de s’intéresser à la
question et d’engager des réflexions sur le sujet. C’est surprenant de
savoir qu’il ne l’a pas fait et qu’il promet d’engager un dialogue avec le
secteur minier sur la problématique . Deux années ce sont
écoulées ! La question du contenu local est encore en suspense ! Que
des rendez-vous manqués !
Il est bon de faire signer
des contrats de performances aux responsables de régies financières et de
promouvoir une culture de gestion axée sur les résultats. Dans le cadre de
la mobilisation des recettes fiscales, le gouvernement à travers le ministère
du budget a déjà créé une plateforme de télédéclaration et de télé procédure
fiscale , ce qui est une grande avancée en ce sens qu’elle permet de sécuriser
la mobilisation des recettes fiscales et d’éviter l’érosion de
l’assiette fiscale. Cette plateforme est e-tax. Le Premier Ministre
n’en parle pas. Il ne parle pas non plus de la dématérialisation du
paiement de la vignette et de la contribution foncière unique (CFU),
de la mise en place du numéro d’identifiant fiscal (NIF) unique. Au
moment, où de tels efforts sont fournis, l’administration fiscale doit être
remodelée, réorganisée et réformée afin d’accroître son efficacité dans la
gestion des risques divers, de réduire le coût de la mobilisation de recettes
fiscales et aussi dans la lutte contre l’évasion et l’évasion
fiscales. Mais aussi la lutte contre l’optimisation fiscale agressive à
laquelle recourent de plus en plus les firmes multinationales. Notre Premier
Ministre n’en parle pas.
Par ailleurs, il ne s’agit pas
seulement de mobiliser les ressources intérieures, il faudra aussi s’assurer de
l’utilisation des ressources acquises. Les dépenses publiques sont rarement
l’objet d’évaluer dans notre pays. Il est pourtant évident que le gouvernement
guinéen est très dépensier, en raison de sa structure très
pléthorique. Le Premier Ministre n’entrevoit pas dans ce contexte de crise
sanitaire et économique mondiale de rationaliser les dépenses courantes et même
de procéder aux arbitrages budgétaires afin de favoriser les dépenses qui
ont plus d’effets dans l’amélioration des conditions de vie des Guinéens. On
demande aux Guinéens de se ceindre les reins, l’État refuse de charcuter ses
dépenses !
De l’éloge de la croissance sans création d’emplois
Le Premier Ministre se plait
bien à vanter les performances économiques de son gouvernement. Alors, il parle
de croissance économique et évoque des chiffres ponctuels : 5,2 % en 2020
et une estimation de 6 % en 2021. 10 % de croissance économique entre 2016
et 2017. Pour lui, la croissance économique engrangée depuis quelques
années et surtout en ces temps de crise économique liée à la pandémie de
la COVID-19 dénote de la résilience de notre économique de plus en plus grande
après que le gouvernement guinéen a mis en place un plan
de relance de 3 500 milliards en 2019. On sait que le taux
de croissance réalisé en 2020 alors que l’économie mondiale connaissait
une contraction est tributaire de la hausse des exportations des produits
agricoles , hausse imputable à la hausse des prix de cacao , des
exploitations forestières et des produits de pêche , surtout de la
dynamique forte des productions aurifères et bauxitiques avec l’entrée ne
vigueur de nouvelles sociétés minières : en décembre 2020, le volume
des expéditions d’or a connu une hausse de 114, 8 %, celui
de bauxite un accroissement de 37,5 %, celui du diamant de 3,6
% .
On sait qu’il existe une
déconnexion entre le secteur minier et le reste de l’économie nationale et
qu’il n’existe pas de chaîne de valeur minière dans notre pays. Aussi, il est
connu que les exportations de nos matières premières
sont quasi-brutes. Alors comment peut-on faire l’éloge d’une telle
croissance tributaire de la conjoncture économique mondiale
favorable ? Après avoir vanté la croissance économique, il a
reconnu que « chaque guinéen doit ressentir concrètement les effets
des performances économiques réalisées par notre pays. » Pour lui,
cela se fait par le partage des fruits de la croissance et la distribution de
la prospérité. Comment nommer une croissance économique dont on ne ressent
pas les effets ?
Il est curieux qu’il n’évoque
jamais la question du chômage. Nulle part dans sa déclaration. Il ne
parle pas non plus des emplois qu’une telle croissance aurait créés. Pour
lui, la croissance économique a permis faire baisser les inégalités et la
pauvreté selon la dernière enquête menée par l’Institut National de la
Statistique avec l’appui de la Banque Mondiale. Lors du lancement de
l’ANIES, il avait déclaré que 60 % des Guinéens vivaient sous le seuil de la
pauvreté. D’où tirait-il ces statistiques ? Maintenant, il dit
que la pauvreté a baissé significativement de 10 points depuis 2012 et que
le taux de pauvreté se situait à au moins 44 % en fin 2019. S’il faut
reconnaître que l’institut National de Statistique a bel et bel mené avec le
concours de la Banque Mondiale une enquête sur la pauvreté en juillet 2018 et
juin 2019, il faut dire que l’échantillon sur lequel a porté l’enquête
était très petit pour que la généralisation qui est faite de ses résultats
soit validée. L’enquête a porté sur 8 280 ménages. Or, il existe
plus de 12 millions de Guinéens .
Comment peut-on penser
qu’il est plus sensé de distribuer les fruits d’une croissance mal assurée
, tirée principalement par un secteur sans effet d’entraînement avec les
autres que de revoir la structure même de la croissance économique ? Le
Premier Ministre reconnaît que l’enjeu est de rendre notre croissance
économique inclusive et durable . Oui , c’est cela l’enjeu. Notre
pays doit revoir son modèle productif . La production procède la distribution .
Un modèle productif qui repose sur de bons piliers permettrait de créer des
emplois et de réduire la pauvreté. Il nous faut une croissance inclusive (
Pro-Poor Growth) !
Le secteur primaire emploie plus
de 50 % de la population active dans notre pays , mais ne contribue qu’à 25 %
au plus de la création de la richesse . Si plus de la moitié de la
population active ne contribue au quart au plus de la création de richesse , il
s’ensuit que se créent des inégalités de revenus . Cela est d’autant plus vrai
que le secteur primaire est essentiellement agricole dans notre pays et que
ceux qui l’occupent vivent pour la plupart dans le monde
rural. L’erreur du Premier Ministre, c’est le reproche fondamental que je
lui adresse, est de ne pas entrevoir la diversification de notre économie.
Pourtant les chocs d’offre et de demande liés à la COVID-19 devraient inspirer
cela. Notre économie doit reposer sur de nouveaux piliers et la croissance
économique doit être tirée par : l’agriculture, les mines, l’industrie
manufacturière, l’élevage, la pêche , les NTIC, l’innovation, le BTP,
l’énergie, etc.
De la réjouissance par rapport aux résultats non validés
Le Premier Ministre qui dit de ne
pas tomber dans le piège de l’autosatisfaction se réjouit des premiers
résultats du PNDES en cours de validation. Lors du lancement de l’atelier
de réflexion sur la seconde phase du PNDES ( 2021-2026), le Premier
Ministre s’était déjà réjoui de l’atteinte des objectifs initialement
prévus dans le plan de développement puisque la croissance économique avait été
au rendez-vous . Ce plan avait pourtant des indicateurs très clairs et
avait défini les instances devant évaluer les résultats à
réaliser. C’est regrettable que le Premier Ministre se soit substitué à
ces instances. Voici quelques réformes prévues dans le PNDES
(2016-2020), il est évident qu’elles n’ont pas été implémentées ou qu’elles
n’ont pas réussi :
La mise en œuvre des
recommandations de la Commission Provisoire de Réconciliation Nationale(CPRN) :
90 % comme taux de réussite attendu en 2020. En 2015 aucune
recommandation n’était mise en œuvre. La commission définitive de
réconciliation nationale, recommandation phare de la CPRN a-t-elle été mise
en place par voie législative ? Non est la réponse. Le Premier
Ministre n’évoque pas le mot « Réconciliation Nationale» dans sa
déclaration. Elle n’est ni urgente, ni importante à ses yeux .
Le taux de chômage des actifs
diplômés devait passer de 34, 7 % en 2015 à 15 % en 2020, l’Institut National
de Statistique devait l’évaluer. Une telle enquête n’a pas été menée en
2020.
La proportion de femmes parmi les
élus nationaux devait passer de 21,9 % à 40 % en 2020. Les statistiques de
l’Assemblée Nationale devaient permettre d’évaluer le progrès réalisé. La
fraction de femmes à l’Assemblée Nationale fait-elle 40 % de l’effectif
total ? Non est le mot. Elle ne fait même pas le tiers de l’effectif
du gouvernement, ce qui veut dire que les femmes sont encore sous-représentées
dans les instances formelles de prise de décision dans notre pays.
Le taux d’inflation devait passer
de 5, 2 % en 2015 à 4,3 % en 2020. En décembre 2020, elle était
de 10, 6 %. En janvier 2021, de 12, 6 %. Le Comité de Politique Monétaire de la
BCRG dit qu’elle sera de deux chiffres en 2021 et qu’elle se portera à un
chiffre au troisième trimestre de 2022 : 9,4 %. Le Premier Ministre a
évoqué une seule fois le terme « inflation » pas pour mentionner
un chiffre ou pour expliquer la raison des poussées inflationnistes dans notre
pays , mais pour dire que nous devons produire plus et consommer ce
que nous produisons si nous voulons des taux d’inflation moins
élevés .
Le taux de croissance était
de 4, 7 % en 2015 et devait être de 9 ,6 % en 2020. Il ne l’a pas
été.
Le déficit budgétaire hors
dons en pourcentage du PIB devait être de 3, 3 % en 2020 . En décembre
2020, il était de 4,5 % malgré les avances de la BCRG au Trésor
Public ! Il est étonnant que le Premier Ministre n’ait pas abordé la
question des dépenses publiques et des charges de la dette .
Le taux de satisfaction des
citoyens guinéens par rapport à la justice devait pas de 20 % en 2015 à 35
% en 2020 . Une enquête nationale devait être menée à ce propos
. C’est surprenant que le Premier Ministre n’ait pas parlé du procès
des massacres du 28 septembre 2009 et des réformes judicaires à mener. Il n’a
pas évoqué la question de la surpopulation carcérale, de la faiblesse des
infrastructures du département de justice, de la qualification des agents de la
justice.
Je peux encore évoquer des
exemples de réformes prévues dans le PNDES I. Les politiques
publiques doivent être évaluées afin de savoir les écarts entre les
résultats obtenus et les objectifs prévus , de déceler leurs causes
et origines et de définir dans de prochaines planifications des actions visant
leurs corrections . Monsieur le Premier Ministre à bien des égards
n’en a pas cure. Cela est aussi grave.
De l’art d’effleurer les sujets brûlants
Le Premier Ministre en plus
de n’évoquer que les réformes inspirées par la primature et de taire celles
menées par plusieurs ministères, donc par son gouvernement, ne
traite pas avec sérieux les sujets brûlants de la vie nationale. Il effleure la
question des infrastructures en la qualifiant « d’équation
difficile », il ne dit pas comment son gouvernement compte résorber le
déficit d’infrastructures dans notre pays, même s’il reconnait
que l’absence d’infrastructures est un frein à la croissance économique.
Le Premier Ministre pense
que la transformation du capital humain se traduira par le développement des
secteurs sportif et culturel. Que compte faire son gouvernement pour organiser
la CAN 2025 ? Il n’en dit rien. Que compte faire son gouvernement
pour favoriser le développement du secteur de la culture puissant vecteur de
rayonnement international ? Son gouvernement est seulement
conscient des difficultés du secteur de la culture et des
conséquences de la COVID-19 sur la tenue des activités culturelles dans
notre pays et la vie des acteurs culturels frappés de plein fouet par le
ralentissement de leurs activités. Il affirme que son gouvernement a
essayé d’y apporter une réponse avec le soutien aux promoteurs qui
ont vu leurs évènements annuler en raison de la crise sanitaire.
Quelle est la perspective de son gouvernement pour faire la lecture
publique une passion nationale, pour permettre l’éclosion de la littérature
nationale, pour le soutien aux acteurs de la production littéraire, pour permettre
l’essor des industries culturelles en Guinée ? Il y a aussi
une économie culturelle qui n’est perceptible que si on a une vision large de
l’économie.
Le Premier Ministre évoque le
terme « dialogue » six fois dans son discours. Seulement
deux fois pour parler du dialogue politique et social même s’il reconnaît que
la présidentielle passée à mis à mal le tissu social et qu’il est imminent que
se tienne un dialogue inclusif. Selon lui, il a déjà entamé des
réflexions et des consultations sur la question. Il ne dit pas comment se
tiendra ce dialogue, les acteurs qu’il a consultés, quand se tiendra
le dialogue et sur quelles questions. L’expression « les questions
touchant la vie nationale » est vague et imprécise. On sait qu’il existe un
conflit entre les acteurs politiques né de la lutte pour la défense de la
Constitution du 7 mai 2010 et de la contestation de la légitimité du Président
Condé à être candidat à un autre mandat. On sait que nombre d’acteurs de la
société civile et du principal parti d’opposition sont aux arrêts et ont subi
des violations de leurs droits, le Premier Ministre élude à dessein ces
aspects.
Parlant de l’agriculture , il
parle des problèmes liés au financement , à l’irrigation, etc. Il évoque le
souhait du Président de la République de redynamiser le secteur , ce qui veut
dire que des actions concrètes ne sont pas encore envisagés . Parlant de
l’élevage et de la pêche , il dit que des « actions concrètes sont
envisagés » pour accroître la production animale et mettre
aux normes les filières de production , de conservation et de distribution
. Quelles sont ces actions ? Il n’en dit rien.
Parlant du capital humain , l’un
des piliers du PNDES I, il dit que l’ambition de son gouvernement est de
porter à 20 % le budget alloué à l’éducation nationale . Belle
annonce ! Mais quand ? Il est aujourd’hui évident que
l’augmentation de la part des dépenses allouées à l’éducation permet
d’accroitre en partie son efficacité , mais que cela n’explique pas
tout. Il évoque à juste titre la question des infrastructures , de la
formation des formateurs , de la réforme des programmes , de la
diversification des filières . Mais il élude la question de la gouvernance
dans le secteur de l’enseignement , de la recherche appliquée et fondamentale .
Que fera concrètement son gouvernement en matière de réforme du système
éducatif qui aggrave les inégalités et promeut une certaine aristocratie de la
fortune au détriment de celle du mérite ?
Ibrahima Sanoh
Citoyen guinéen