L'annonce a été faite par le ministre chinois des Affaires étrangères,
Wang Yi, dans le contexte des réunions de suivi du Forum sur la coopération
sino-africaine (Focac 8), tenu à Dakar, en novembre dernier. « La Chine renonce
aux 23 prêts sans intérêt pour 17 pays africains qui étaient arrivés à échéance
à la fin de 2021. » Pékin confirme également qu'il redirigera près de 10
milliards de dollars de ses droits de tirage spéciaux (DTS) au profit des pays
africains. Les détails autour du montant des prêts n'ont en revanche pas été
révélés, on ne connaît pas non plus le nom des États concernés.
Cependant, cette annonce
intervient dans un contexte de fortes tensions entre Pékin et les puissances
occidentales. La question de la dette africaine n'échappe pas à la bataille
d'influence qui se joue actuellement. Ces derniers mois, Washington mène
l'offensive. Lors de son premier déplacement en Afrique, à la mi-novembre, le
chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a visé la Chine sans la nommer,
affirmant que les États-Unis investissaient sur le continent sans « l'alourdir
d'une dette qu'il ne pourrait pas gérer ». En clair : Pékin entraînerait
l'Afrique dans « le piège de la dette », en ouvrant les vannes des financements
ces dernières années afin de la maintenir dans une relation de dépendance.
Pékin veut convaincre qu'il n'y a pas de « piège de la dette »
Ces derniers mois, l'empire du
Milieu s'est employé, à coups d'annonces, à se refaire une image auprès de ses
partenaires africains. Concrètement, depuis 2000, Pékin a annoncé plusieurs
séries de remises de dettes de prêts sans intérêt aux pays africains, annulant
au moins 3,4 milliards de dollars de dette jusqu'en 2019, selon une étude
publiée par la Johns-Hopkins University. En revanche, la grande majorité des
prêts récents de la Chine en Afrique concernent plutôt des prêts concessionnels
et commerciaux. Ils ne sont donc pas concernés par cette politique d'annulation
bien que certains de ces prêts aient été restructurés. Officiellement, d'après
le Global Development Policy Center de l'université de Boston et la China
Africa Research Initiative de l'université Johns-Hopkins, Pékin a prêté environ
150 milliards de dollars aux pays africains, depuis l'an 2000, principalement
par l'intermédiaire de la China Eximbank (60 %) et la China Development Bank
(25 %).
Premier créancier de plusieurs pays africains à revenus faibles
Mais la question de l'annulation
de la dette est brûlante d'actualité pour ces États africains, car la flambée
de l'inflation partout dans le monde a déclenché une vague de hausses des taux
d'intérêt par les banques centrales du monde entier, y compris la Réserve
fédérale américaine, ce qui fait grimper les coûts de remboursement des prêts
souverains. Lors de la conférence, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi,
a condamné ce qu'il a nommé la « mentalité de guerre froide à somme nulle » de
l'Occident. Il a plutôt proposé un modèle basé sur la « coopération
multipartite » avec l'Afrique qui apporte des « résultats gagnant-gagnant »
pour toutes les parties. « Ce que l'Afrique souhaiterait, c'est une coopération
mutuellement bénéfique pour le plus grand bien-être de la population, et non
une rivalité entre grands pays pour des gains géopolitiques », a-t-il déclaré.
La Chine est tout de même le
premier créancier de huit pays africains éligibles à l’initiative de suspension
du service de la dette (DSSI), selon une étude publiée en juin dernier par
Green Finance & Development Center, un think tank basé à Shanghai. Les
analystes ont ainsi relevé que Pékin détient 55 % de la dette de Djibouti, 42 %
de celle de la République du Congo et 34 % de celle de l’Angola. L’empire du
Milieu est également le premier créancier de la Guinée (32 %), des Comores (31
%), du Cameroun (29 %), de la Zambie (25 %) et du Togo (24 %). En 2020, la
Chine avait soutenu le plan d’allègement de la dette du G20 pour les pays les
plus pauvres de la planète, en acceptant de différer le remboursement de 5,7
milliards de dollars de dette entre mai 2020 et décembre 2021.
Coopération
Sur un autre volet, Pékin s'est engagé à renforcer le commerce avec l'Afrique et a conclu des accords avec 12 pays du continent pour supprimer les droits de douane sur 98 % des produits qu'ils exportent vers la Chine, augmentant ainsi la compétitivité des produits africains. Le ministre Wang Yi a aussi affirmé que son pays continuerait de fournir une aide alimentaire, économique et militaire à l'Afrique, tout en offrant une assistance dans la lutte contre le Covid-19. Soulignant l'importance de la « coopération au développement », la Chine a offert des milliards de dollars d'investissement dans des projets d'infrastructure comme « une forte impulsion au processus d'industrialisation de l'Afrique ». L'Afrique joue un rôle important dans l'initiative Ceinture et Route de Pékin, un projet d'infrastructure mondial visant à interconnecter les pays du Sud et à déplacer le centre de l'économie mondiale vers l'est. « Face aux diverses formes de pratiques hégémoniques et d'intimidation, la Chine et l'Afrique se sont tenues côte à côte », a-t-il encore souligné, appelant à « préserver l'équité et la justice internationale ».
Avec Le Point