Le cycle des interdictions de
manifestations de l’opposition et de la société civile a repris en Guinée, ce
mercredi 10 mai. Bilan des courses, selon des organisateurs de la manif du
jour: 7 morts, 32 blessés et de nombreuses arrestations. La bonne nouvelle tout
de même, vient de la libération de trois leaders du Front national pour la
défense de la constitution, née pour contrer en son temps, vainement
d’ailleurs, les velléités de 3e mandat de l’ancien chef de l’Etat, Alpha Condé.
Désormais, Foniké Mengué, Ibrahima Diallo et Billo Bah, respirent, à nouveau,
l’air de la liberté, après dix mois de séjour dans les geôles du colonel Mamady
Doumbouya! Et d’autres manifestations sont déjà en vue, dont celle prévue ce
jeudi.
La paix des braves, tant attendue
après deux mois de trêve, n’a pas eu lieu. Non satisfaites des négociations
pour lesquelles les religieux les ont réunies, avec la junte militaire, les
Forces vives de Guinée (FVG), ont quitté la table. Ce rassemblement de
politiques et d’organisations de la société civile qui s’est constituée après
la grande désillusion du coup d’Etat qui a emporté, le 5 septembre 2021, Alpha
Condé aux premières heures de son troisième mandat, n’est visiblement pas prêt
à abandonner sa ligne de conduite. Si, à l’instar des populations, elle ont
applaudi à tout rompre ces militaires qui ont libéré la Guinée des dérives d’un
ancien opposant pur et dur mais devenu dirigeant à la main de fer et amoureux
transi de la présidence à vie, elles ont vite déchanté et ont alors, pris leurs
responsabilités.
L’espoir de voir au plus tôt, le
Mali retourner à une véritable démocratie gérée par les civils, dans un cadre
constitutionnel était grand, côté FVG. Mais mal leur en a pris, car la junte
militaire n’a choisi que l’option de conduire une transition opaque dont elle
n’a jamais fixé les contours réels, encore moins la fin. Pire, les arrestations
arbitraires, les marches réprimées dans le sang, le musellement des voix
contradictoires, la persécution des leaders de l’ancienne opposition et des
cadres du régime déchu, ont contraint certaines têtes de proue de la politique
guinéenne à l’exil.
Dans ce contexte où, seul
l’argument de la force, pour ne pas dire du canon, fait loi, les FVG qui
manifestent à la tête de populations aux mains nues, peuvent-elles, comme elles
le souhaitent, exiger et obtenir la liberté des prisonniers politiques et
surtout amener la transition à se coller aux directives de la Communauté
économiques des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), dont le tarif maxi pour
les putschistes est de 18 ou tout au plus 24 mois? Rien n’est moins sûr, tant
que la communauté internationale n’apportera pas un soutien déterminant au
peuple et continuera à se faire complice, ne serait-ce que passive, du colonel
Mamady Doumbouya et ses hommes!
La dernière trouvaille du colonel
est bien ce divertissement grandeur nature sous la forme d’un procès, celui des
auteurs présumés des massacres et viols du 28 septembre, dans le stade éponyme
de Conakry. Et comme il faut accaparer l’esprit du peuple par ce jugement, les
autorités en ont fait un show télévisé qui occupe un public qui en oublie la
chape de plomb que fait peser la junte militaire sur un pays où toutes les
libertés, même celle de rêver du mal des dirigeants actuels, sont confisquées.
Non loin du fleuve Djoliba, usant
et abusant de ruses et tromperies de toutes sortes, comme son voisin guinéen,
l’autre colonel, Assimi Goïta pour ne pas le nommer, ne laisse aucune espace de
liberté à des populations qui doivent désormais s’empiffrer de propagande
russe, qui fait du Mali, «le pays où l’armée monte en puissance» et où «tout va
bien» depuis que les Occidentaux en ont été chassés par les colonels. Pourtant,
sur le terrain, les militants de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et du
Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Jnim) écument le pays,
endeuillant familles et Forces armées maliennes, qui ne savent plus à quel
saint se vouer. Pire, le projet de référendum de la nouvelle constitution qu’il
a fait sortir de sa cuisine, est confronté à divers obstacles. La pilule est
trop grosse pour passer chez les érudits musulmans qui lui reprochent de
contenir le concept «colonial» de «laïcité» dans un pays à 90% musulmans et
trop amère pour être avalée par des opposants de l’«Appel du 20 février» qui,
en qualifiant d’illégitime et d’inégal le référendum de la junte, refusent
toujours d’apporter leur caution à un pouvoir «non élu, issu de coup d’Etat»
dont inapte à adopter une nouvelle constitution.
Mais, foi de l’Autorité
indépendante de gestion des élections (Aige) le référendum objet de tous les
rejets aura lieu le 18 juin prochain, tout comme les élections, notamment la
présidentielle de février 2024, qui devront permettre le retour d’un pouvoir
constitutionnel, donc la fin de la transition, au Mali, seront une réalité, et
à bonne date. A qui profite, en réalité, ce couac qui pourrait être bien pensé,
afin de retarder la tenue du référendum constitutionnel, toute chose qui
bousculerait, de go, le calendrier électoral et donnerait donc des années de
vie supplémentaire à la transition? Penser se trouver une fois de plus face à
des subterfuges dont la junte est experte, il n’y a qu’un petit pas à franchir!
Nous espérons juste que l’avenir nous donnera tort! Et même là, les partis politiques qui devront prendre part à ces élections, si elles sont organisées à bonne date dans un pays majoritairement aux mains des djihadistes, disposeront de peu de marge de manœuvre pour se préparer à affronter des compétitions cruciales comme les élections. Avec en plus cette longueur d’avance que les militaires maliens se sont fabriquée, eux qui peuvent devenir éligibles, à condition de se débarrasser du kaki, presqu’à la veille du vote!
WS