Dans le journal
télévisé du 20h du samedi dernier, trois visages sortis en gros plan sur le petit
écran, ont tenu le public en haleine. Il s’agissait bien évidemment de l’ancien
président Moussa Dadis Camara, du colonel Moussa Tiégboro Camara et du colonel
Blaise Goumou. Tous trois venaient d’être rattrapés dans leur tentative
d’évasion ratée, et ramenés à la Maison centrale, comme une bande de pieds
nickelés. Chacun dans sa posture, avait le regard perdu, les doigts effleurant
la bouche. Tout en ayant l’air de ruminer d’amères pensées, après cette évasion
fugace. Un membre du trio avait même l’air d’avoir perdu les pédales. Mais
comme l’a écrit Arthur Koestler dans le Zéro et l’infini, « L’histoire ne se
fiche pas mal que vous vous rongiez les ongles ». A présent commençons par
revivre le film de cette mésaventure rocambolesque.
Les populations de la capitale guinéenne se sont réveillées
ce samedi du mauvais pied. Pour avoir été tirées de leur sommeil, pour la
plupart, avant les premières lueurs du jour, par des tirs nourris d’armes
automatiques. Des coups de feu qui ne pouvaient que plonger la cité dans une
atmosphère de guerre, rappelant ainsi l’ambiance explosive du 5 septembre 2021.
Cette matinée où M. Alpha Condé, ancien locataire du palais Sékhoureyah a vu le
ciel lui tomber sur la tête. Mais ce coup-ci, la cible du commando à l’origine
des tirs, était toute autre. Du moins jusqu’à preuve du contraire de la version
officielle. La mission consistait en effet à faire évader un quatuor d’accusés
et non des moindres, dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009. Puisque
vous avez en tête de la liste le capitaine Moussa Dadis Camara, l’ancien chef
de la junte, qui avait succédé au général Lansana Conté, suite à un coup de
force en décembre 2008. Avec trois de ses proches lieutenants, dont Claude
Pivi, Moussa Tiégboro et Blaise Goumou. Tous des colonels, issus des rangs de
nos forces armées.
Face à ce commando, lourdement armé et conduit par le
sergent Verni Pivi, un béret rouge radié de l’armée et fils de Claude Pivi, les
gardes pénitentiaires n’y ont vu que du feu. Même si à leur décharge, on pourrait
invoquer le fait qu’ils soient désarmés, mais aussi l’effet de surprise, doublé
de la stupeur dans laquelle ils ont dû se retrouver, suite à cet assaut digne
d’une opération de Navy Seals. Ces forces très spéciales de l’armée américaine.
Dans ce David contre Goliath, les assaillants ne pouvaient qu’embrayer sur les
gardes pénitentiaires, en emportant avec eux l’ancien chef d’État et ses
ouailles.
Mais une fois l’exfiltration de la Maison centrale terminée,
l’affaire était-elle pour autant dans le sac. Que nenni. Car le plus dur ne
faisait que commencer dans cette opération périlleuse, à savoir, comment se
tirer du cul de sac de Kaloum, pour gagner la zone tentaculaire de la capitale.
Le chemin de croix ne faisait donc que débuter pour cette armada d’assaillants,
impliquée dans cette évasion spectaculaire.
La course poursuite entre le commando et les FDS, qui
avaient pour faire de lance les forces spéciales, ayant fait plusieurs
victimes, y compris chez les civils. On ne peut ne pas penser à ce bébé de six
ans, ce visage de l’innocence, tué dans une ambulance du côté du pont 8
novembre. Et à ce médecin tombé également les armes à la main, dans le cadre de
l’exercice de son métier.
On est en droit de se demander quelle mouche a piqué le
capitaine Dadis et ses hommes, pour avoir tenté le diable. Lui qui avait tant
clamé son innocence, tout en appelant de tous ses vœux à la tenue d’un procès,
pour faire la lumière sur les événements malheureux du 28 septembre, s’est-il
alors ravisé ? Ou s’agissait-il d’un enlèvement, comme avancé par les avocats
des fugitifs. Une ligne de défense qui ne résiste cependant pas à l’examen,
outre mesure. La pilule étant très dure à avaler.
L’un dans l’autre, le capitaine Dadis, tout comme Tiégboro
et Blaise Goumou viennent de tomber de Charybde en Scylla. En attendant que
l’équivoque ne soit levée sur le sort de Coplan, toujours en cavale.
Mamadou Dian Baldé