En France, 31 ans après Édith Cresson, c’est enfin au tour d’une femme
de devenir Première ministre. Élisabeth Borne, 61 ans, a été nommée cheffe du
gouvernement par Emmanuel Macron. Quels sont les chantiers qui attendent la
nouvelle Première ministre ?
Haute-fonctionnaire, ancienne
dirigeante d'entreprise, ministre durant tout le quinquennat à trois postes
différents, Élisabeth Borne est une technocrate plus qu'une politique, relève
Anthony Lattier du service politique de RFI. Son profil colle presque
entièrement à la fiche de poste qu'a établie Emmanuel Macron.
Le président veut réformer les
retraites ? Élisabeth Borne vient de passer deux ans au ministère du Travail,
elle connaît le dossier, elle a l'expérience du dialogue avec les syndicats. Le
président veut atteindre le plein-emploi ? Elle a travaillé sur les questions
de formation et d'apprentissage. Le Président veut engager la planification
écologique ? Elle a déjà fait voter plusieurs lois, en tant que ministre des
Transports puis ministre de la Transition écologique.
Élisabeth Borne, c'est depuis
cinq ans le « couteau-suisse » d'Emmanuel Macron. Trois fois ministre, elle ne
lui jamais fait défaut. Sa loyauté et sa solidité sont récompensées.
Là où son profil colle un peu
moins, c’est sur le volet politique. Cette haute fonctionnaire n’a pas de poids
politique au sein de la macronie, elle n’a pas d’ancrage local, pas l’habitude
du terrain, et n’est pas une tribunitienne. Peut-elle mener la bataille des
élections législatives à la tête de la majorité sortante ? « C’est là son point
faible », reconnaît une ministre.
Une réforme très contestée de la SNCF
Sans compter que son passage au
ministère des Transports de 2017 à 2019 n’a pas laissé que des bons souvenirs.
La réforme de la SNCF s'est soldée par l'une des plus longues grèves de
l'histoire de la compagnie ferroviaire. L'Élysée l'a décrite comme « une femme
de gauche avec un engagement social » qui a démontré « sa capacité à mener des
réformes ». Mais chez les cheminots, ce n'est pas le souvenir qu'en garde
Fabien Villedieu, un des porte-paroles de Sud-Rail, également au conseil
d'administration de la SNCF.
« De ma petite lorgnette à moi,
je n’ai pas vraiment vu beaucoup de dialogue social dans le cadre de la réforme
du système ferroviaire en 2018, déclare-t-il au micro de Charlotte Cosset du
service Économie. Je pense qu’on n’en a pas gardé un très bon souvenir vu qu’on
a fait quand même trois mois de mobilisation, trois mois de grève justement.
Elle a quand même réussi à mettre la fin des embauches au statut, ce qui fait
que la SNCF est devenue une boîte où il y a un turnover énorme, c’est-à-dire
que les cheminots ne restent plus à la SNCF, partent et on a de gros problèmes
de production. Et le deuxième volet de sa réforme, ça a été également la
transformation de la SNCF en société anonyme qui est le premier pas vers la
privatisation, privatisation dont on va tous s’en mordre les doigts. Je n’ai
pas beaucoup d’attentes parce que je n’ai beaucoup de déception. Moi, j’ai vu
Élisabeth, ministre des Transports, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on
a été déçus. Au ministère de l’Écologie, citez-moi une grande mesure écologique
de ce gouvernement-là, et au ministère du Travail, ce n’est pas mieux. C’est
sûr que s’ils continuent à faire ce qu’ils ont fait depuis 5 ans, c’est-à-dire,
en gros taper sur les salariés, les gens les plus pauvres de la société, au
bout d’un moment, ça va craquer ».
Quelle transition écologique pour le prochain mandat ?
Ministre de l'Environnement dans
le deuxième gouvernement d'Édouard Philippe, elle a occupé cette fonction un
peu moins d'un an, rappelle Simon Rozé, du service France. Un mandat marqué par
l'adoption de trois chantiers parlementaires : la loi énergie-climat, celle
d'orientation sur les mobilités et la création du plan vélo, ainsi qu'un texte
sur l'économie circulaire.
Mais de l'avis de beaucoup
d'associations et d'ONG, son passage à ce ministère ne restera cependant pas
dans les annales, Élisabeth Borne n'ayant pas réussi, comme nombre de ses
prédécesseurs, à mettre les enjeux climatiques au centre des décisions de
l'exécutif.
Désormais Première ministre, elle
aura désormais la main et vraisemblablement plus de latitude. Le premier test
aura lieu d'ici à la fin de l'année avec la loi programmation climat, texte
essentiel puisqu'il établira pour les cinq prochaines années les moyens
accordés à la transition écologique. Quelques mois plus tard viendra l'examen
de la programmation énergie-climat. Là aussi, un texte fondamental, puisqu'il
doit fixer dans tous les secteurs les objectifs à tenir pour parvenir à la
neutralité carbone en 2050.
Rfi