Guinée/Budget 2021 : les gagnants et les perdants d’un partage inéquitable ! (Enquête mirador)

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  • 10 mai 2021 14:55

  • Politique

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Dans un contexte de pandémie, où même les économies les plus puissantes du monde connaissent une contraction, nos dirigeants semblent, quant à eux, heureux comme des coqs en pâte. En témoigne la Loi de finances initiale 2021 qui ouvre grandement les vannes en faveur des institutions étatiques avec un budget de plus de 20 mille milliards GNF et un volet de  répartition provoquant des interrogations. Enquête édifiantes

 Les  articles 83 et 84 suivants de la Constitution guinéenne disposent que l’Assemblé nationale vote le budget en équilibre. Elle est saisie par le gouvernement du projet de Loi de Finances au plus tard le 15 octobre et dispose  de 60 jours, au plus, pour voter la Loi de Finances au plus tard le 31 décembre.

 Si, pour une raison quelconque, à la date du 31 décembre, le budget ne peut pas être voté, le gouvernement demande d’urgence à l’Assemblée nationale l’autorisation de percevoir les impôts. Celle-ci se prononce dans les 2 jours qui suivent la demande du Gouvernement qui doit, elle-même, intervenir avant le 31 décembre. Ainsi, le parlement poursuit l’examen de la Loi de finances après avoir autorisé le Président de la République à reconduire par décret le budget de fonctionnement de l’année précédente.

 Toutefois, quelles que soient les raisons pouvant être invoquées, l’examen de la Loi de Finances à l’Assemblée nationale doit être clos, au plus tard, le 31 janvier.

Au sens de la loi organique relative aux lois de finances et règlement général sur la gestion budgétaire et la comptabilité publique, l’Assemblée nationale doit être associée à la définition de la politique budgétaire avec l’organisation d’un débat d’orientation budgétaire (DOB) quelques mois avant le dépôt du projet de loi de finances initiale. Par ailleurs, ses pouvoirs d’information et de contrôle sont explicités : droit de communication, droit d’audition et pouvoir d’enquête, sur pièces et sur place.

 Aussi, le parlement sera régulièrement informé de l’exécution du budget. En particulier, tout acte réglementaire de modification des crédits lui sera communiqué. Pour le doctrinaire des Finances Publiques, Jean-Pierre Duprat, alors que les analyses classiques séparaient les différents aspects des finances publiques (budget, impôts, comptabilité publique), ainsi que les entités concernées (État, collectivités territoriales, organisme de sécurité sociale), prévaut une approche plus globale, impliquant les différents niveaux de gouvernement, ce qui induit d’ailleurs des risques de conflits entre normes de valeur constitutionnelle, susceptibles d’affecter les réformes législatives.

 Ce que gagne chacune des institutions

 Pour ce présent exercice, à partir du site web du ministère guinéen du Budget, procurons-nous de la version publique de la Loi de finances initiale (LFI), adoptée à l’Assemblé Nationale pour l’année 2021. Et appliquons-nous à une lecture comparative profane de certaines données extraites du récapitulatif des détails sur les Ministères et Institutions de la République.

 Ce premier échantillon comprendra les bénéficiaires suivants : La présidence de la République, la Primature, le Ministère de la Défense Nationale et le Ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. Les rubriques concernées par notre lecture seront, pour l’instant, les lignes initiales de crédits alloués par LFI 2021, les sous-rubriques dédiées aux dépenses diverses (fonds spéciaux), achats de fournitures et biens courants (frais de nettoyage des cabinets ministériels et autres services), des frais de manifestations et représentations (frais de manifestations sportives) et l’entretien et réparations (frais d’entretien et de réparation matériel et mobilier accordés au sous-préfectures).

 La présidence de la République en tête du partage du gâteau 

 D’abord, la ligne de crédit de la Présidence de la République est de GNF 507 217 068 000 soit une charge quotidienne moyenne de GNF 1 389 635 802, 73 (alors que le Ministère des Postes, Télécommunications et de l’Économie Numérique se contentera de 80 308 176 000 par an). Une dépense journalière qui représenterait 62,66% des lignes de crédit alloués aux régions administratives de N’Zérékoré, Mamou, Faranah, Labé, Kindia, Kankan qui cumulent un total annuel de GNF 2 217 503 000.

 La Loi de finances rectificative 2020 adoptée à l’Assemblée Nationale le 24 novembre 2020 avait crédité la Présidence de la République d’un montant de 489 955 871 000 GNF soit une charge journalière moyenne de  1 342 344 852,05 GNF. Et on note aisément, une évolution de l’allocation budgétaire globale de la présidence entre 2020 et 2021 de GNF 17 261 197 000.

 Des fonds spéciaux 6 fois supérieurs au budget de certain département

 C’est à peine si la ligne de crédit qui est de 20 016 452 000 accordée au Ministère des Droits et de l’Autonomisation des Femmes fait 15,2% des fonds spéciaux de la Présidence de la République qui sont estimés à GNF 131 102 158 000 (dépenses actions de souveraineté, dépenses accidentelles et imprévisibles et autres dépenses diverses).

 Pour sa part, la Primature guinéenne,  a une ligne de crédit de 96 595 117 000 GNF, soit un budget journalier de 264 644 156,16 GNF. Cette ligne de crédit de la primature représente 79,34% de celle du Ministère du Budget qui est de 121 736 080 000 GNF pour une attribution journalière de 333 523 506,84  GNF, soit la moitié des 668 360 000 GNF qui est l’allocation de la région administrative de N’Nzérékoré.

 Pour ce qui est des fonds spéciaux de la Primature ils sont évalués à  21 318 958 000 GNF, représentant 88,4% du Ministère des Investissements et du Partenariat Publics-Privés qui est de GNF 24 115 783 000. Alors que celle dédiée aux frais de nettoyage des locaux du cabinet de la Primature seulement est de 252 789 000 GNF, soit 11,4% du budget prévisionnel de 2 206 792 000 GNF consacrés à la mise en place du Haut Conseil des Collectivités Locales.

 Au niveau de cette même primature, les frais de manifestations sportives de la Primature sont de 819 838 000 GNF soit 40,12% des charges consacrées à la mise en place de la Haute Cour de Justice à laquelle est inscrit le montant de 2 043 401 000 GNF. Le volet communication-information de la Primature   bénéfice d’une ligne de crédit de 66 960 000 GNF,  soit 24,17% de l’allocation de  277 millions GNF en frais d’entretien et de réparation matériel et mobilier de la sous-préfecture de Kobikoro dans la préfecture de Faranah ou encore de la sous-préfecture de Arfamoussaya dans la préfecture de Dabola. Pour le projet d’appui à la mobilisation ressources intérieures (Mamri) il y a une  ligne de crédit de 20 milliards,  supérieure à celle du Ministère du Travail qui est de 13 310 746 000 GNF.

 Deux mille 410 milliards GNF pour la grande muette, à peine 11 milliards  pour le ministère de l’Unité nationale

Au Ministère de la Défense Nationale est crédité de 2 410 301 037 000 GNF avec une pension journalière de 6 603 564 484,93 GNF  qui représente 55,31% de GNF des 11 938 915 000 de crédit annuel du Ministère de la Citoyenneté et de l’Unité Nationale. La ration alimentaire  du département de la défense, elle, est bénéficiaire d’une ligne de crédit de 701 802 910 000 GNF soit 63,34% du budget alloués au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation qui s’élève à 1 107 869 633 000 GNF. Pour l’information-communication, le cabinet du Ministère de la Défense Nationale engrange  12 355 393 000 GNF,  soit  19,56% des 63 164 323 000 GNF accordés au Ministère de la Pêche, de l’Aquaculture et de l’Économie Maritime.

 Enfin, venons-en à une comparaison d’ordre de grandeur. Le Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi a une ligne de crédit de GNF 303 566 155 000 soit 27,40% de celle du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation qui a GNF 1 107 869 633 000.

 Les frais de nettoyage des locaux du cabinet du MATD dispose d’une ligne de crédit de 445 898 000 soit 81,85% de l’allocation de la Région administrative de Kankan évaluée à 556 969 000 GNF. Quant au montant de  127 143 000 GNF  déclarés frais de nettoyage des locaux de la direction nationale du développement local, il représente 45,9% des frais d’entretien et de réparation matériel et mobilier accordés à la sous-préfecture de Damaro dans la préfecture Kérouané.

 Loin de nous donc, de prétendre que notre mode de détermination des taux pour des fins de comparaison soit absolu, mais l’ordre de grandeur restera le même quelles que soient les logiques adverses. En plus, si les lois de finances déterminent chaque année l’ensemble des ressources et des charges de l’État, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les contribuables guinéens acceptent de contribuer et le gouvernement guinéen accepte à son tour de profiter de cette contribution. Car, le budget guinéen est loin d’être celui du développement donc d’investissement, mais plutôt une véritable poche de consommation.

 Enquête Mirador 

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