Née le 31 décembre 1949 à Mamou, Hadja Rabiatou Sérah Diallo est issue d’une famille majoritairement dominée par les hommes. Enfant unique de sa mère. Issue d’une famille mixte, son père, après ses études, était parvenu à avoir un poste à responsabilités dans l’administration publique guinéenne. Sa mère s’est concentrée sur son éducation. Elle a fait, pour subvenir aux besoins de sa fille unique, de la teinture, le commerce…
Dans le
souci d’aider sa mère qui souffrait beaucoup pour l’assister dans sa
scolarisation, elle décide d’arrêter les études et se résout, dans le même
temps, à s’inscrire dans des formations professionnelles. C’est ainsi qu’elle
va s’inscrire pour une formation en secrétariat où elle apprend la sténodactylo
; en 1966, elle va suivre des formations dans le même domaine.
Séparée par
le divorce de ses parents, Rabiatou Sérah fut, pendant un moment, éloignée de
sa maman. Bercée dans une famille active sur le plan politique, elle explique
son engagement par la socialisation primaire qu’elle a reçu durant son enfance.
A force de politiquer fréquemment avec ses parents, elle développe des
appétences politiques. En effet, les réunions du parti, à l’époque le Parti
socialiste, se tenaient dans la cour de son père. C’est lors de ces réunions
qu’elle va commencer son apprentissage.
A côté de
l’engagement politique de son père, sa mère était membre d’un comité directeur
d’une association de femmes. Au vu de l’engagement de ses parents à son enfance
et de sa socialisation primaire, il est évident que son engagement syndical
n’est pas à chercher ailleurs. Etant très proche de sa maman, elle finit par
embrasser la cause défendue par celle-ci et par marcher sur ses traces.
Après ses
études en formation professionnelle, elle va, sous le régime d’Ahmed Sékou
Touré, être affectée au secrétariat à la présidence de la République ; elle
fut, pendant quelques années, affectée par l’administration guinéenne, à Kankan.
Elle revient à Conakry au sein du département ministériel de la justice ; c’est
à cette période qu’elle commence à se familiariser, à se rapprocher davantage
des juges. A force de se familiariser à ce milieu, aux verdicts judiciaires
rendus lors des procès, elle a développé une certaine curiosité, ce qui la pousse
à se former sur le tas. C’est-à-dire qu’elle alternait entre son travail
qu’elle occupait au Ministère de la Justice et sa formation dans le domaine
juridique. Elle va, dans son parcours, passer de simple secrétaire sténodactylo
à secrétaire des greffes et de parquets.
Quant à son
engagement syndical, elle commence avec les jeunes. Hadja Rabiatou Sérah fait
ses débuts en passant par le mouvement pionnier avec les jeunes. A Kankan, elle
intègre l’organisation des femmes. Cet engagement n’étant plus satisfaisant,
Hadja Rabiatou Sérah Diallo, décide de s’engager dans un mouvement syndical.
Considérant que son engagement ne répondait pas à ses attentes ou à ses
objectifs, elle prend la décision de s’engager dans un mouvement syndical ce,
afin de mieux défendre les sans voix. C’est ainsi qu’elle abandonne le
mouvement des jeunes et l’organisation des femmes pour rejoindre le mouvement
syndical. Très active syndicalement, elle intervient sur plusieurs fronts.
Consciente de la difficulté de son travail, elle s’inspire de l’engagement
familial pour y parvenir et pour se faire entendre. Dans notre cas, faire le
terrain a permis à Hadja Rabiatou de bien maîtriser son sujet, de mobiliser les
acteurs qu’il faut et de faire appel aux répertoires d’actions collectives
nécessaires pour faire flancher le dominant (responsable hiérarchique ou
politique).
Son
engagement pourrait s’expliquer par le fait qu’elle a été élevée par un papa
activement engagé dans la politique et par une maman, qui s’est battue pour
faire de sa fille unique une meilleure militante capable de défendre les
intérêts des femmes. Ce rapprochement entre elle et sa mère, déjà activement
engagée dans un mouvement de défense des femmes, pourrait constituer un élément
déterminant de son parcours et de son engagement syndical. En 2007, l’appel à
la grève générale lancé par les deux grandes centrales syndicales a poussé le
président de l’époque à courber l’échine et à nommer un Premier ministre choisi
par les leaders syndicaux.
Capitalisant
de riches expériences syndicales, administratives en Guinée et à l’expérience
internationale ; elle est, de 1988 à 2000, élue membre de la commission
panafricaine des femmes travailleuses de l’Organisation de l’Unité Syndicale
Africaine (OUSA). Dans les années 2000, elle va occuper plusieurs fonctions
électives. Elle va être élue 1ère vice-présidente de l’Organisation
des Travailleurs de l’Afrique de l’Ouest (OTAO). Elle est élue au Comité
Confédéral de la Confédération Mondiale du Travail (CMT). C’est à la même année
qu’elle va occuper la fonction qui va lui permettre de mieux travailler au
niveau national, car elle va être élue première femme secrétaire générale de la
Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG) et ce, pour deux
mandats de cinq ans (2000-2005 et 2005-2010). En 2002, elle est élue présidente
mondiale des femmes de la Confédération Mondiale du Travail (CMT).
Avec cette
expérience dans l’administration guinéenne et au niveau international, elle a
été, en 1999, présidente de la commission sociale et culturelle du Conseil
Economique et Social (CES). En 2000, comme dans le domaine syndical, fut très
riche pour elle, car elle est membre de la commission de lutte contre la
prolifération des armes légères en Guinée ; quelques années après, c’est-à-dire
en 2003, elle est la représentante des travailleuses au sein de la Commission
Tripartite de l’Union Africaine. En juin 2005, elle est membre titulaire du
Conseil d’Administration de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour
trois mandats. Ce qui lui a permis d’être la première femme africaine au groupe
de travail. En 2008, elle est la vice-présidente de la 97ème Session de la
conférence de l’OIT. De février 2010 au 13 janvier 2014, elle préside le
Conseil National de Transition (CNT) et depuis le 10 août 2015, elle est la
présidente du Conseil Economique et Social de la République de Guinée (CES). Parallèlement,
elle est la vice-présidente de l’Union des Conseils Economiques et Sociaux et
Institutions similaires des pays membres de l’espace francophone (UCESIF) et
membre du Conseil d’Administration de l’Association Internationale des Conseils
Economiques et Sociaux et Institutions similaires (AICESIS).
En observant
ce parcours, on peut remarquer que l’année 2000 marque une année importante
dans son parcours professionnel, c’est durant cette année que débute sa montée
fulgurante tant au niveau national qu’international.
Piégée par
les proches du président de la République et emprisonnée par le président
lui-même, Hadja Rabiatou Sérah Diallo n’a pas pour autant cessé de lutter et
d’exiger du président de la République qu’il nomme un Premier ministre qui
n’est pas mouillé dans les affaires de l’Etat.
Elue en 2000
secrétaire générale de la CNTG, elle fait un grand saut dans l’histoire du
syndicalisme. Par cette élection, elle devient la première femme Africaine à
être à la tête d’un syndicat en Afrique.
Pour sa
brillante expérience professionnelle et ses apports de qualité dans d’autres
domaines, de nombreux distinctions et titres honorifiques ont été décernés à
Rabiatou Serah Diallo :
En 1985,
elle est titrée Citoyenne d’honneur de Texas par le Gouverneur de Texas ; 1988,
sélectionnée parmi les 100 Héroïnes du monde pour la défense des droits de la
femme à Rochester (New York) ; 11 mai 2007, décorée de l’Ordre de Damas Nobles
de Zenobia Augusta, Madrid-Portugal ; 8 mars 2008, satisfécit Femme modèle en
témoignage de sa contribution à l’émancipation de la femme et au développement
socioéconomique de la Guinée ; mars 2008, élue Femme du monde des cinq
continents en Hollande (Pays-Bas) ; juillet 2010, élevée à la Dignité de Grand
Officier de l’Ordre National du Mérite de la République de Guinée ; 16 et 17
Février 2016, Attestation de Stage au Séminaire International d’Echange et de
formation des CES, de Sensibilisation et de Vulgarisation auprès des
populations des Gestes et attitudes permettant de lutter contre le changement
Climatique ; 19 Mars 2016, Lauréate du Prix d’Excellence de la Femme Guinéenne
dans la Catégorie Management Public.
Après la
prise du pouvoir par le CNRD, elle est occultée par les acteurs politiques et
les hommes qu’elle a façonnés pour présider aux destinées du pays. Déçue par
les nouveaux dirigeants et certains membres du CNT, à l’image de son président,
Hadja Rabiatou Sérah s’est murée dans son silence profond et s’était donnée
pour habitude de prononcer ces mots : « mon fils, dans la vie, il y a
hier, il y a aujourd’hui et il y a demain. Ils peuvent m’oublier, ne pas venir
me saluer pendant que je suis malade. Mais le temps finira par les rattraper,
parce qu’ils ne seront pas décideurs jusqu’à la fin du monde. Il faut donc
comprendre que tout est question de temps ».
Décédée le
28 juin 2023, Hadja Rabiatou Sérah Diallo laisse derrière un riche parcours et
part déçue des nouveaux dirigeants et de ceux qui servent de représentants du
peuple (le CNT).
Que son Âme
repose en paix. Amine !
Dr DIALLO MAMADOU ALIOU
SOCIOLOGUE
ENSEIGNANT-CHERCHEUR
ADMINISTRATEUR D’ÉCOLE
elhadj.alioudial@gmail.com