Le gouvernement mis en place par la junte en Guinée lie le « retour à
l’ordre constitutionnel » et la tenue d’élections à un recensement général de
la population, entre autres préalables critiqués par des opposants qui
l’accusent de jouer la montre.
Le ministre de l’Administration
du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, a détaillé vendredi dix
« étapes clés » devant mener à la restitution du pouvoir à des civils
élus, sans donner de calendrier ni fixer d’échéance, alors que la Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) somme Conakry de
présenter « au plus tard le 25 avril » un « chronogramme
acceptable pour la transition ».
Le ministre a tenu ces propos à
l’ouverture du « cadre de concertation inclusif », nouveau forum
censé faciliter la transition politique après le coup d’État militaire de
septembre. Ces assises, tout comme la conférence de
« réconciliation » lancée fin mars par la junte au pouvoir, sont
boycottées par nombre d’organisations politiques.
Selon l’enchaînement décrit par
le ministre, la remise du pouvoir aux civils doit être précédée du
« recensement général de la population », du « recensement
administratif à vocation d’état-civil », de « l’établissement du
fichier électoral », de « l’élaboration de la nouvelle
Constitution », de « l’organisation du scrutin référendaire », de
« l’élaboration des textes de lois organiques », avant
« l’organisation des élections locales » puis législatives, la
« mise en place des institutions nationales issues de la nouvelle
Constitution » et enfin « l’organisation de l’élection
présidentielle ».
« Une transition, si vous la
voulez effective, on n’a pas besoin de toutes ces étapes qui sont
énumérées », a réagi samedi Édouard Zoutomou Kpoghomou, président d’un
parti membre de l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad),
coalition d’une vingtaine de formations boycottant la conférence de
réconciliation et le « cadre de concertation inclusif ». « C’est
fait sciemment pour jouer sur le temps, c’est tout », a-t-il déclaré.
« Au moins quatre ans »
« Monsieur le Ministre, on
en a pour au moins quatre ans donc, et si c’est le cas, c’est le devoir d’un
régime légal de faire tout ce que vous nous proposez là », s’était déjà
insurgé la veille Cheick Tidiane Traoré, leader du Mouvement pour la République
(MPR), un des participants ayant assisté à l’exposé de M. Condé.
Dans une lettre dont l’AFP a
obtenu une copie, Mory Condé a adressé une « demande de proposition de
chronogramme » au président de l’Anad, le priant de lui transmettre
« au plus tard » le 20 avril « une proposition de temps »
pour chacune des dix étapes de la transition voulues par le gouvernement.
Selon des sources politiques, la
même lettre a été adressée à l’ensemble des partis et formations du pays,
qu’ils aient ou non participé à la rencontre de vendredi.
Le
colonel Mamady Doumbouya a pris le pouvoir par la force le 5 septembre
2021 à Conakry, renversant
Alpha Condé, qui était en poste depuis fin 2010 et dont les dernières
années à la tête de l’État ont été marquées par des mois de contestation
sévèrement réprimée. Le colonel Doumbouya s’est depuis lors fait investir
président de la République et s’est engagé à rendre le pouvoir à des civils
élus, mais sans jamais dire à quelle échéance.
Menaces de sanctions économiques
Refusant de se laisser dicter un
délai par la Cedeao ou quiconque, l’officier assure que le calendrier sera fixé
par le
Conseil national de transition (CNT), assemblée faisant office d’organe
législatif, dont il a lui-même nommé les 81 membres, qui siègent depuis
février.
La Cedeao, qui a insisté en vain
sur la nécessité d’organiser des élections dans un délai de six mois après le
coup d’État de septembre a suspendu la Guinée de ses organes et infligé des
sanctions individuelles aux membres de la junte. L’organisation régionale a
menacé le 25 mars d’imposer au pays « des sanctions économiques et
financières » plus larges « immédiatement » après le 25 avril si
la junte ne se plie pas à son ultimatum sur le calendrier de restitution du pouvoir
aux civils.
Avec AFP