Conakry, Paris, le 22 décembre 2021 – La FIDH, l’OGDH, l’AVIPA et MDT
ont pris connaissance de la nouvelle du retour de Moussa Dadis Camara, le plus
haut responsable inculpé dans le dossier du 28 septembre 2009, et espèrent que
son retour ouvrira la voie à l’organisation d’un procès, que les victimes
attendent depuis plus de 12 ans. Son inculpation par les juges en charge de
l’affaire, en juillet 2015, avait constitué un pas décisif dans l’instruction,
qui s’est clôturée en décembre 2017.
Nos organisations rappellent que
Moussa Dadis Camara a été mis en examen en juillet 2015, ce qui lui avait été
signifié au Burkina Faso où il avait élu résidence. En tant qu’ancien leader du
Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), junte ayant
pris le pouvoir en décembre 2008, puis président de la République auto-proclamé
le 24 décembre 2008, sa responsabilité directe, en sa qualité de Commandant en
Chef des Forces Armées, dans le massacre du stade de Conakry, le 28 septembre
2009, avait déjà été mise en lumière par la Commission d’enquête des Nations
unies. D’autres actions avaient ensuite été lancées contre Moussa Dadis Camara
en 2011 et en 2015, notamment avec l’envoi d’une commission rogatoire qui avait
finalement permis cette mise en examen.
« Nous espérons vivement que le
retour de Moussa Dadis Camara obligera les autorités guinéennes à enfin tenir
leurs engagements et à ouvrir le procès dans les plus brefs délais, un procès
emblématique tant attendu par les victimes »
Me Alpha Amadou DS BAH, vice-président de l’OGDH et coordinateur du
pool des avocats des victimes.
Ces derniers mois, le comité de
pilotage pour l’organisation du procès du massacre du 28 septembre, composé des
autorités et de partenaires internationaux, avait relancé ses travaux et adopté
une feuille de route. Les travaux pour aménager la Cour d’appel de Conakry
censée abriter le procès avaient avancé et la relance du processus de formation
des magistrats était envisagée. Pourtant, malgré l’implication des partenaires
internationaux pour mettre en place les conditions nécessaires à la bonne tenue
du procès, aucune date n’a été fixée à ce jour.
Depuis septembre dernier, les
nouvelles autorités guinéennes ont à plusieurs reprises indiqué faire de la
justice et de la lutte contre l’impunité des priorités de la transition
politique en cours. La présence de Mamadi Doumbouya, président de la
transition, au stade de Conakry lors de la 12ème commémoration du massacre, le
28 septembre 2021, a envoyé un signal en ce sens. Lors d’une audience avec nos
organisations, le 5 novembre dernier, Mme Fatoumata Yarie Soumah, garde des
sceaux, Ministre de la justice et des droits de l’Homme, a réitéré l’engagement
des autorités à relancer l’organisation du procès du 28 septembre 2009 dans les
meilleurs délais.
« Les victimes qui se sont
constituées parties civiles dans l’affaire ont toujours exprimé leur souhait de
voir tous les accusés jugés en leur présence. Le retour de Moussa Dadis Camara
sur le sol guinéen fait que toutes les conditions sont désormais remplies pour
ne pas laisser perdurer une situation d’impunité qui dure depuis plus de 12
ans. »
Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA
Une mission réalisée à Conakry,
les 25 et 26 novembre derniers, par une délégation du Bureau du procureur de la
Cour pénale internationale a permis de rappeler aux autorités guinéennes la
nécessité de poser des actes concrets en faveur de la tenue du procès.
«Il est temps pour les autorités
guinéennes de respecter leurs engagements, et de prendre conscience que nous attendons
des actes forts.»
Me Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.
Près de 450 victimes sont
constituées parties civiles aux côtés de nos organisations qui les représentent
et attendent que justice soit rendue.
Contexte
Peu avant midi, le 28 septembre
2009, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité guinéennes ont ouvert
le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement dans
le stade du 28- Septembre à Conakry, en vue d’une marche contre l’intention de
Dadis Camara de se présenter à l’élection présidentielle. Les forces de
sécurité ont également violé plus de 100 femmes, individuellement ou
collectivement, et agressé sexuellement certaines d’entre elles avec des objets
tels que des matraques ou des baïonnettes, pendant ces événements ou peu après.
Les forces de sécurité ont tué plus de 150 personnes et en ont blessé des
centaines d’autres.
Les
forces de sécurité ont ensuite organisé une opération de dissimulation,
bouclant tous les accès au stade et aux morgues et emportant les corps pour les
enterrer dans des fosses communes, dont beaucoup doivent encore être
identifiées.