Avec 9% d’admis au Bac cette année, la Guinée vient de connaître une chute spectaculaire du taux de réussite. Moins 16 points en un an. Correcteurs plus sévères, politique anti-triche qui a porté ses fruits, chacun y va de son explication. Mais tous les commentateurs du pays s’accordent sur une chose : le système éducatif est à terre.
Malgré ces résultats, il y a tout de même quelques belles
histoires. Denise Mayeni Tounkara, en filière sciences sociales, a eu les
meilleures notes de tout le pays : « C’est vraiment le cadre dans lequel on m’a
mis, avec les professeurs et tout cet assemblage qui a fait que j’ai pu avoir
cette excellente note au baccalauréat. »
Elle étudie au complexe scolaire Saint-Georges, dirigé par
sa tante, très fière d’elle. Les résultats de ce lycée d’environ 500 élèves
sont en baisse, mais Mariam Diallo Tounkara garde le sourire : « Saint-Georges
s’en sort la tête haute. Nous avons un taux de réussite globale de 62% ». Le
suivi y est quasi-individuel, les enseignants sont rigoureusement sélectionnés.
Ce lycée privé coûte 470 euros l’année. « C’est un ensemble, c’est toute une
équipe qui travaille, une forte équipe qui est là depuis de nombreuses années
», ajoute la directrice de l'école.
Une école publique
mourante
On est très loin de l’école publique, de ses classes hangars
surchargées, où l’on compte jusqu’à 200 élèves, assure Michel Pepe Balamou. Il
est secrétaire général du syndicat national de l’éducation : « Tous les
lauréats dans une écrasante majorité viennent des écoles privées. Et l’école
publique est en train mourir de sa belle mort. » Il réclame une mesure radicale
: « Pour nous, il faut invalider l’année scolaire, pour une véritable
crédibilité du système éducatif. » Il demande aussi la démission du ministre de
l’Enseignement pré-universitaire.
Selon le chercheur Aliou Barry, directeur du centre
d'analyse et d'études stratégiques en Guinée, c'est un problème structurel qui
est à l'origine de ce taux d'échec historique.
« Ces résultats expliquent que le système éducatif
guinéen est un véritable corps malade. C’est un domaine qui a complètement été
délaissé par le pouvoir successif en Guinée. Le budget de l’éducation en
Guinée, c’est le budget le plus faible par rapport aux autres départements, et
les enseignants ont pris l’habitude depuis de nombreuses années de marchandiser
pratiquement les cours, de telle sorte que c’est la première fois aujourd’hui
qu’on a empêché qu’il y ait des fraudes. Donc le résultat qui sort, c’est le
reflet du fait qu’il y ait un véritable problème en Guinée sur le système
éducatif. La responsabilité n’incombe pas aux élèves qui ont échoué, c’est la
preuve que les enseignants n’ont pas ni la formation, ni les compétences pour
assumer leurs responsabilités d’enseignant, ça se reflète sur les élèves qui
ont un niveau très faible, et on a marchandisé l’éducation, on crée des
universités privées pour plus de l’argent que de formations. »
Radio France Internationale
(RFI)