La nouvelle convocation de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) adressée mercredi dernier, à la tête de gondole de la classe politique, Cellou Dalein Diallo, en pleine tempête politique, marquée par le casus belli né de l’interpellation musclée des militants pro démocratie du Front national pour la défense de la constitution (Fndc), ne pourra que raviver les braises dans la cité. De quoi faire dresser les cheveux sur la tête de ceux qui pensent qu’il faut sacrifier la justice sur l’autel des compromissions politiques. Quitte à passer par pertes et profits, les irrémissibles crimes économiques et crimes de sang, commis sous les anciens régimes. Et le socle d'une justice indépendante qu'on rêve de bâtir.
Voltaire disait que « la paix vaut mieux que la vérité ». Un
avis que ne semble guère partager Dame Thémis, qui tient jalousement à exprimer
son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Car l’occasion faisant le larron, la
justice guinéenne a l’air de vouloir saisir l’opportunité que lui offre cette
transition pour marquer son territoire.
C’est ce qui expliquerait le chassé-croisé des grosses
huiles devant la Crief, depuis la mise en place de cette juridiction
d’exception, devenue la bête noire des cols blancs. L’interpellation du trio de
la coordination du Fndc est aussi à inscrire dans cette nouvelle ligne
directrice, que s’est tracée l’institution judiciaire. Qui consiste à se
détacher carrément de l’attelage exécutif.
Certes, les vieux clichés qui collent à la peau de notre
appareil judiciaire ne seront pas balayés d’un revers de main. Les idées reçues
selon lesquelles la justice guinéenne est encore une justice aux ordres, malgré
les gages de bonne volonté dont la junte fait montre depuis le 5 septembre,
pour redonner à l’appareil judiciaire ses lettres de noblesse, continuent de
persister. C’est le cas surtout chez ceux qui ont maille à partir avec la
justice.
Dans le camp de l’ancien parti au pouvoir on clame ainsi
urbi et orbi que la Crief est un instrument aux mains du Cnrd. Ce, depuis que les
leaders de cette formation politique ont été interpellés et détenus à la Maison
centrale, pour de présumés cas de corruption. Cette ligne de défense est aussi
exploitée aujourd’hui par les aficionados de Cellou Dalein Diallo, dans
l’affaire de cession d’un Boeing 737-200 et d’un Dash 7, appartenant à
l’ancienne compagnie Air Guinée.
Quant aux déboires des militants pro démocratie du Fndc, ils
la mettent aussi sous le sceau d’un règlement de compte politique, visant à les
museler. Avec comme bras judiciaire le procureur général près la Cour d’Appel
de Conakry.
Ce que Charles Wright dément, en pointant du doigt la
récupération politique qui est faite de cette affaire judiciaire. Accusé
d’avoir ouvert la boîte de pandores, le procureur général reste droit comme un
cierge et ne démord pas.
A l’allure où vont les choses, il revient aux magistrats de
prendre leur destin en main. Pour que l’indépendance de la justice cesse d’être
un supplice de Tantale par le fait du joug de la bourgeoisie compradore qui
tient les rênes du pouvoir politique et financier.
Mamadou Dian Baldé