Alors que le Président de la République est en vacances à l’étranger, le Premier ministre doit aller s’incliner sur la dépouille de sa fille décédée aux Etats-Unis. Et comme si l’exécutif était ainsi menacé, un communiqué de la Présidence de la République confie au puissant Dr Mohamed Diané, les fonctions de Premier ministre, Chef du gouvernement, par intérim. A première vue, c’est l’ordre normal des choses qui le commande. Ce qui n’est pas forcément l’avis de notre éditorialiste du jour.
Le communiqué de ce 22 août, a fait l’effet d’une bombe à
fragmentation dans une opinion qui n’en finit pas de s’interroger. D’abord, il
faut dire que c’est une décision certes attribuée au Président de la
République, alors que le document est signé, je cite : ‘’La Présidence de la
République’’. Pour un tel acte, premier du genre en Guinée, cette mention
suffit-elle à engager le Président de la République lui-même ?
Notamment, dans un pays où la mémoire collective est encore
imbibée des souvenirs cauchemardesques des décrets et contre-décrets sous
Lansana Conté. D’autant que ce communiqué profite à celui qui porte déjà le
titre de Ministre d’Etat chargé des Affaires présidentielles. Un baron du
régime considéré de fait par certains Guinéens comme le Vice-président de la
République. Le Dr Mohamed Diané, étant par ailleurs, le tout-puissant Ministre
de la Défense nationale.
Donc, à l’image des décrets engageant le président de la
République, ce communiqué devait porter la mention : ‘’Le Président de la
République, Pr Alpha Condé’’, au lieu de l’inscription ‘’La Présidence de la
République’’, estiment certains puristes. Signe que pour une frange de
personnes, attachées à l’affirmation du pouvoir discrétionnaire du Chef de
l’Etat, c’est carrément un décret qui devait désigner cet intérimaire à la
Primature.
Ce désormais fameux communiqué soulève aussi une grosse
polémique sur son opportunité. En avait-on besoin, alors que le bénéficiaire de
cette fonction intérimaire, était lui-même absent du pays au moment de la
diffusion de cette décision de la Présidence de la République ? Puisque,
apprend-on, le Dr Mohamed Diané était encore dans un avion à destination de
Conakry, dans la journée d’hier lundi.
Par ailleurs, l’autre intrigue porte l’urgence absolue à
désigner cet intérimaire ? Car, en l’absence du Premier ministre, le Dr Mohamed
Diané, deuxième dans l’ordre protocolaire et hiérarchique du gouvernement,
assurait de fait l’intérim. Un rôle, selon Tibou Kamara, porte-parole du
Gouvernement, que l’intéressé a déjà joué, en présidant le conseil
interministériel.
Mieux, des indiscrétions relayées par Mediaguinee.com, font
état d’un possible retour au pays, du chef de l’Etat, dès ce mercredi. Une
annonce qui, elle aussi, enlève toute urgence à cette désignation au compte de
la Primature. D’autant que, aussitôt rentré en Guinée, le président Alpha Condé
reprendra aussitôt du service dans un appareil d’Etat où il ne s’est d’ailleurs
détaché de la gestion des affaires gouvernementales.
En se fondant donc sur les notions d’urgence et
d’opportunité au sujet de ce Premier ministre, chef du gouvernement, par
intérim, les conjectures et autres spéculations dénoncées quelques heures
après, par Tibou Kamara, prennent toute leur place dans une opinion
interloquée. D’où cette foule de questions : Y-avait-il une menace imminente
que l’intérimaire était le seul à pouvoir juguler ? L’absence pour quelques
jours du chef de l’Etat et du Premier ministre, exposait-elle le pays à des
déconvenues, malgré la batterie d’institutions républicaines dont la Guinée
s’est dotée ?
En fin, Kassory Fofana annoncé sur le départ de la
Primature, dès le retour du chef de l’Etat de ses vacances, avait-il été
réellement consulté ? Et le père endeuillé avait-il donné son accord pour la
désignation de ce Premier Ministre, Chef de Gouvernement, par intérim ?
Acceptez donc que nous nous interrogions face à la nébulosité de cette affaire
d’intérimaire au très convoité Palais de la Colombe.
Talibé Barry