Pas de décisions immédiates hier (samedi 4 juin) à Accra (au Ghana),
mais les chefs d’État de la Cédéao ont demandé aux juntes militaires de Guinée,
du Mali et du Burkina Faso de faire des avancées d’ici le prochain sommet prévu
dans un mois, le 3 juillet. Jean-Claude Kassi Brou préside la commission de la
Cédéao. Au micro de Christophe Boisbouvier, il explique à quelles conditions le
Mali pourra voir alléger les sanctions et à quelles conditions le Burkina Faso
pourra y échapper.
Rfi: Pas de nouvelles décisions sur le Mali, le Burkina Faso et la
Guinée, peut-on parler d’un sommet pour rien ?
Jean-Claude Kassi Brou: Non, pas
du tout. Ce n’est pas du tout un sommet pour rien. Je commence d’abord par le
Burkina Faso. Vous savez que le 25 mars 2022, il y a eu un sommet
extraordinaire qui avait examiné la situation du Burkina et qui avait estimé que
le chronogramme de la transition, de 36 mois, décidé initialement, n’était pas
acceptable. Il avait donc décidé de sanctions économiques et financières qui
devaient prendre effet le 25 avril s’il n’y avait pas de progrès.
Les autorités ont alors indiqué à
la Cédéao qu’elles souhaitaient avoir une mission d’évaluation pour voir la
situation du pays, en matière humanitaire et sécuritaire.
Cette mission a eu lieu et ce
rapport a été présenté au sommet. Cette initiative a fait que les sanctions
n’ont pas été appliquées et, aujourd’hui, le sommet a pu réexaminer la
situation et a pris note des avancées faites dans le domaine de la sécurité.
Les progrès en termes de sécurité dans certaines localités ont permis le retour
de certains déplacés mais, tout de même, on note que la situation sécuritaire
reste encore très difficile. Le sommet a donc demandé que les efforts se
poursuivent et que la situation du Burkina soit réexaminée le 3 juillet.
Trois ans, c’est trop ?
Oui, c’est trop ! Le sommet a dit
clairement que ce n’était pas acceptable, qu’il fallait revoir le calendrier,
en avoir un beaucoup plus acceptable.
On parle d’une médiation
éventuelle de l’ancien président du Niger, Mahamdou Issoufou.
Oui, ça a été également une
décision du sommet. Je crois que cela avait déjà été évoqué, il y a trois mois,
et le sommet a désigné le président Mahamadou Issoufou pour prendre la tête de
la médiation, pour faciliter le retour à l’ordre constitutionnel.
Sur le Mali, ce samedi midi, de retour de Bamako, le médiateur nigérian
Goodluck Jonathan vous a donné un schéma de sortie de crise. Quel est ce schéma
?
Il y a eu effectivement une
visite du médiateur qui a fait son rapport. Vous savez que la Cédéao avait
indiqué qu’une transition de 12 à 16 mois était suffisante mais les autorités
maliennes avaient estimé qu’elles avaient besoin de 24 mois.
On avait déjà fait un gros effort
de rapprochement parce que, si vous vous rappelez, on était parti de
pratiquement 5 ans au départ et 12 mois, donc malgré les progrès, on n’y était
pas encore. Le sommet a demandé au médiateur d’essayer de finaliser les
discussions pour permettre une levée progressive des sanctions.
C’est-à-dire que le médiateur va retourner à Bamako pour voir si un
compromis est possible entre 24 et 16 mois, d’ici le 3 juillet ?
Il y a eu des progrès, je pense
qu’il y a eu des avancées, mais une fois qu’on aura l’accord complet, il y aura
la levée des sanctions. Il y aura un mécanisme de suivi qui va être mis en
place pour aider nos frères maliens dans la gestion de ce processus de
transition jusqu’aux prochaines élections.
Le report de toutes ces décisions au 3 juillet n’est-il pas aussi dû au
fait que les chefs d’État ne sont pas d’accord entre eux ?
Nous avons 12 pays, puisque 3
sont suspendus qui ne participent pas. Il y a beaucoup d’échanges, beaucoup de
points de vue mais au niveau de la Cédéao, on a un principe : c’est le
consensus.
Oui, mais quand même, ce samedi, le Niger et la Gambie sont restés sur
une position de fermeté à l’égard des autorités maliennes, alors que le Togo a
montré une très grande indulgence. Comment concilier les points de vue aussi
opposés ?
Toutes les décisions de la Cédéao
reposent sur le consensus. Nous ne disons jamais - et d’ailleurs, vous n’allez
jamais voir cela dans nos rapports des sommets – quelle a été la position de
chaque pays. Non, jamais. D’ailleurs, lors d’une réunion, vous pouvez avoir un
pays qui prend une position et, après les échanges, qui module sa position et
après un troisième tour, se rapproche … On ne regarde jamais la position d’un
pays. On regarde les arguments avancés, l’analyse qui est faite puis, les chefs
d’État. C’est par consensus que les chefs d’État arrivent à prendre des
décisions et c’est ce qui fait la force de notre communauté. C’est vraiment
très rarement que vous allez voir des votes. Ça renforce la solidarité et
l’esprit de communauté