De toutes les composantes de la nation ayant défilé devant la junte militaire au Palais du peuple, depuis le 14 septembre dernier, ce sont les magistrats qui auront le plus choqué l’opinion. Comme rattrapés par leurs faits et gestes en tant que juges et procureurs, des magistrats suffisamment célèbres, se sont mis à table. Allant jusqu’à prétexter voire reconnaitre la pression des pouvoirs politiques dans l’exercice de leur sacerdoce. Difficile d’imaginer les lourdes conséquences de cette déshonorante capitulation de certains magistrats aux ordres des avantages administratifs et financiers, et aux antipodes de la République.
Les
consultations entre les forces vives de la nation et le CNRD, se sont transformées
en un immense tribunal pour magistrats en perte de crédibilité, avant-hier
mardi 21 septembre dernier, au Palais du peuple. Devant le président de la
nouvelle junte militaire, le Colonel Mamady Doumbouya, des juges se sont
déjugés, alors que les procureurs, eux, ont retourné leurs réquisitoires contre
eux-mêmes.
Dans une
opération digne d’un exercice de catharsis, plusieurs magistrats sont passés à
l’aveu. Devant les nouvelles autorités du pays, ils se sont épanchés, accusant
les anciennes autorités, de ne leur avoir pas laissé les mains libres. Célèbres
par leurs décisions très polémiques, mais aussi par le caractère très sensible
des dossiers qu’ils ont eu à gérer, certains de nos magistrats du siège ou
débout, ont admis avoir ployé l’échine sous la pression du pouvoir politique.
Même si d’autres acteurs de cette corporation essentielle de notre société, en
ont également profité pour dénoncer la précarité de l’appareil judiciaire.
L’insuffisance des moyens matériels et techniques dont souffre la justice guinéenne
sont aussi vieux que la justice elle-même.
Ainsi qu’on
l’a vu, ce qui aura marqué au fer rouge les esprits des Guinéens, c’est le
spectacle ubuesque de magistrats qui ont, volontairement, dirait-on, cédé à des
pressions pour faire du tort à d’autres Guinéens, par l’iniquité de leurs décisions.
Des décisions ayant valu à certains la prison et ses affres. Ainsi que les
conséquences terribles qui en découlent, à travers des détentions arbitraires,
des détentions provisoires interminables, mais aussi des condamnations à des
peines commandées et fantaisistes.
De par leur
comportement abominable, ils ont manqué de courage, en se complaisant à
recevoir des ordres, confirmant ainsi ce qui était devenu le slogan de la
désormais ancienne opposition guinéenne. « C’est une justice aux
ordres », a régulièrement lancé Cellou Dalein Diallo. S’ils sont prêts à
faire amande honorable, ils n’ont cependant pas dit au Colonel Mamady
Doumbouya, quelles réparations prévoient-ils pour les victimes expiatoires de
leurs décisions manipulées.
Ces
magistrats, nos magistrats, qui sont censés dire et défendre le droit du peuple,
ont trahi celui-ci, pour garder leurs privilèges administratifs et financiers.
Au nom de ces privilèges, ils ont rangé des dossiers de corruption et de
détournements de deniers publics. Des pratiques qui ont empêché des Guinéens
d’avoir des hôpitaux, des écoles, de l’eau potable et des routes.
Ces hommes
et ces femmes, si impeccables dans leurs robes noires, ont choisi les riches,
les forts et le lucre au détriment de leur serment si sacré. Ils n’auront guère
été dignes de ce pouvoir divin que la société guinéenne leur a confié. Le
pouvoir de rendre justice pour les Guinéens.
Quand on
connaît toutes les sphères de notre société dans lesquelles nos magistrats
interviennent, la déception en devient davantage grande. Ce sont, par exemple,
les magistrats qui président les CACV (Commissions administratives de
centralisation des votes), lors des différentes élections nationales.
S’agissant des élections locales, ce sont les résultats validés par eux qui
désignent les élus au niveau de nos communes rurales et urbaines. Le travail de
nombreux magistrats avait d’ailleurs été pointés du doigt par les partis
d’opposition en février 2018.
Nos magistrats, c’est terrible !
Talibé Barry