Dans l’univers de l’aviation civile, la Guinée n’est
aujourd’hui présente qu’à travers son Aéroport International de Gbessia,
quasiment vétuste et agonisant. Aucune intention franche et viable ne pointe à
l’horizon pour engager le pays dans la conquête l’air Africain et mondial.
Naturellement, d’autres compagnies aériennes en profitent.
Le domaine de l’aviation civile, bien que freiné par la
crise pandémique due au Covid-19, continue de se développer partout dans le
monde. Le trafic aérien mondial n’est que de moitié de ce qu’il était
avant-crise, le retour à la normale n’étant prévu qu’entre 2023 et 2025 d’après
les prévisions. Néanmoins, les constructeurs aéronautiques n’ont jamais été
aussi débordés. L’avionneur Airbus a enregistré une commande de 255 Airbus A321
le 14 novembre 2021, ce qui élève son carnet de commande à 6850 appareils
tandis que son concurrent américain, Boeing, enregistre 5038 commandes.
Le paysage aéronautique en Afrique n’a jamais été aussi
prolifique. En dépit des 10 premières compagnies africaines selon le classement
Skytrax, à savoir Ethiopian Airlines, South African Airlines, Kenya Airlines,
Royal Air Maroc, Air Mauritus, Air Seychelles, RwandAir, FlySafair, Egyptair,
Fastjet, nos voisins du Sénégal et de la Côte d’Ivoire gagnent chaque jour en
maturité avec leurs compagnies nationales respectives, Air Sénégal et Air Côte
d’Ivoire. Attardons-nous sur ces deux compagnies, sans doute championnes en
devenir sur le transport aérien Africain :
● Air Sénégal,
fondée en 2016, désert 21 destinations dont 18 internationales avec une flotte
de 9 avions. Elle transportait près de 500 000 passagers en 2019. De plus, les
travaux de construction d’un centre de maintenance aéronautique devraient
démarrer fin décembre 2021 sur le site de l’aéroport Blaise Diagne, ce qui
viendra renforcer son autonomie.
● Air Côte
d’Ivoire, créée en 2012, dessert 28 destinations dont 18 internationales et
transportait 761 000 passagers avant la crise.
Aussi singulière que soit la Guinée, elle a d’antan fait
figure de précurseur dans le secteur de l’aviation civile à travers Air Guinée
au point d’inspirer d’autres pays. Air Guinée, fondée au lendemain de
l’indépendance en 1960, s’est tristement vu disparaître en 2002 dans des
circonstances, encore floues à ce jour, qui auraient sans doute pu être
évitées.
Pourtant les
potentialités demeurent. Pour en citer quelques-unes :
● La SOGEAG,
l’AGAC et l’ANA semblent dotées de personnels qualifiés pour gérer et assurer
la sécurité des personnes et des aéronefs sur l’aéroport de Gbessia.
● La
libéralisation du ciel africain est en passe de se concrétiser. La prudence de
la Guinée est cependant compréhensible car elle n’en profitera qu’en partie
puisqu’elle ne possède pas de compagnie aérienne.
● Notre
population est grandissante avec une forte Diaspora qui voyage.
● Nous avons de
grandes potentialités touristiques qui pourraient être valorisées par l’essor
de l’aviation internationale, mais surtout nationale.
● Nous possédons
un aéroport international et onze aérodromes domestiques bien qu’ils aient
besoin d’être réhabilités.
● Les hommes
n’ont jamais autant voyagé que de nos jours. C’est l’un des effets de la
mondialisation dont la Guinée ne profite qu’en partie à travers les frais et
taxes prélevés par la SOGEAG sur l’aéroport de Gbessia.
Le projet d’extension de l’aéroport de Gbessia, à travers la
convention de concession entre la SOGEAG, le Groupe ADP et Africa50, qui tarde
malheureusement à se concrétiser, est un excellent début qui permettra sans
doute :
▪ d’optimiser
les flux de voyageurs ;
▪ d’accroitre
l’attractivité des compagnies aériennes ;
▪ d’envisager
de rentrer dans les standards internationaux et d’innovations ;
▪ de permettre
l’émergence d’une compagnie aérienne nationale Guinéenne ;
▪ de doubler
le trafic actuel pour le porter à 1 million de passager à horizon 2030.
Sur ce dernier point, étant donné que l’aéroport Blaise
Diagne DSS de Dakar, notre voisin et concurrent direct, assurait un trafic de
2,4 millions de passagers avant la pandémie, l’extension de l’aéroport de
Gbessia rendra-t-elle la Guinée compétitive ? Non ! Faut-il envisager de
construire un nouvel aéroport à plus grande capacité en complément ou en
remplacement de l’aéroport de Gbessia ? Certainement car au-delà de nous rendre
plus compétitif sur la scène internationale, cela nous amènera à développer notre
potentiel touristique, à renforcer notre capital intellectuel sur les métiers
de l’aviation… etc. Néanmoins cette question mérite d’être mûrie. Nous y
reviendrons.
Au-delà de l’aspect économique, l’Etat Guinéen doit
promouvoir le développement d’une compagnie aérienne nationale afin de
rehausser la présence Guinéenne au niveau de l’industrie du transport aérien
international. Ce projet devra être un des piliers du futur Plan Guinée
Emergent. D’un point de vue sociétal,
les Guinéens méritent de voyager dans des aéronefs portant les couleurs
nationales. Cela renforce non seulement leur indice de satisfaction mais impose
un respect inconscient des autres nations vis-à-vis de la nôtre !
Auteur : Oumar Cissé,
Ingénieur Aéronautique et Spatial
Auditeur et Consultant IT
Coordinateur de Projet
Contact : oumarcisse.pro@gmail.com